L’organisme de financement spécialisé (OFS) a été créé en 2017 afin d'offrir aux gestionnaires d'actifs un fonds d'investissement compétitif par rapport aux concurrents européens, pouvant investir dans toutes classes d’actifs en France et à l'étranger.

Par Gilles Saint Marc, Avocat associé chez Kramer Levin LLP.

L'OFS peut être constitué soit sous forme de fonds commun de placement sans personnalité morale (fonds de financement spécialisé), soit sous forme de société anonyme ou de société par actions simplifiée dotée de la personnalité morale (société de financement spécialisé). Il n'est pas agréé par l’AMF et doit seulement lui être déclaré préalablement à sa commercialisation. Il bénéficie d'un régime fiscal optimal et de protections juridiques renforcées qui en font un véhicule particulièrement attractif pour les investisseurs.

Une grande flexibilité

L’OFS se démarque avant tout par la grande flexibilité dont il dispose en matière de composition de son actif. Il peut, en effet, investir en France et à l'étranger dans des créances, des titres de créance, des titres de quasi-equity et des actions ainsi que dans des actifs meubles ou immeubles. Il peut également octroyer tout type de sûretés et garanties, consentir des avances en comptes courants et procéder à des opérations de sous-participations en risque ou en trésorerie. S'il est géré par une société de gestion disposant d'un agrément "Octroi de prêts", il pourra également octroyer en France et à l’étranger des prêts à des entreprises non financières et conclure des opérations de location financière (leasing). Plusieurs États membres de l'Union européenne, par exemple l'Allemagne et l'Italie, permettent également aux fonds d'investissement alternatifs (FIA) étrangers relevant de la Directive AIFM, donc aux OFS, d'octroyer des prêts à des débiteurs situés dans leur juridiction.

Cette grande liberté dans la composition de l'actif est un avantage par rapport aux organismes de titrisation français, qui ne peuvent investir que dans de la dette (créances, titres de créance ou octroi de prêts).

Autre avantage important par rapport aux organismes de titrisation français, l'OFS pourra être commercialisé auprès d'une large gamme d'investisseurs au sein de l’Union européenne. En tant que FIA relevant de la Directive AIFM, il peut, en effet, être commercialisé auprès d'investisseurs dans toute l'Union européenne en vertu du "passeport commercialisation". Plus généralement, l'application du régime AIFM a tendance à rassurer les investisseurs étrangers qui peuvent ainsi se reposer sur les règles harmonisées au niveau communautaire, notamment en termes d'information des investisseurs, de valorisation des actifs et du régime du dépositaire. Les parts,  actions ou obligations émises par un OFS peuvent notamment être souscrites par des clients professionnels au sens de la Directive MIFID II, des investisseurs investissant plus de 100  000€ et, si l'OFS bénéficie de l'agrément ELTIF, des investisseurs de détail.

La possibilité d’émettre des titres de créance

Surtout, l'OFS peut émettre, en plus de parts ou actions, des titres de créance, faculté dont ne disposent pas les fonds professionnels spécialisé (FPS) et les sociétés de libre partenariat. Cette faculté peut s'avérer essentielle dans la mesure où certains investisseurs institutionnels européens favorisent l'investissement dans des titres de créance (catégorie connue et plus compréhensible que les parts, titre hybride entre l’equity et la dette) compte tenu de leurs règles d’allocation internes et des exigences prudentielles auxquelles ils sont soumis. De plus, un placement privé sur le marché américain sur le fondement de la Règle 144-A est possible pour des titres de créance, non pour des parts ou actions. Les parts, actions ou titres de créance émis par l'OFS peuvent être de catégories différentes et conférer des droits sur le principal et les intérêts différents aux investisseurs, dès lors qu'il n'en résulte pas un tranching du risque de crédit associé.

Par rapport aux fonds professionnels spécialisé (FPS) et aux sociétés de libre partenariat, l'OFS bénéficie également de toutes les dispositions dérogatoires au droit commun qui étaient jusque-là l’apanage des organismes de titrisation et qui conduisaient certains gestionnaires d’actifs à privilégier ce véhicule, pour ces seules raisons, en dépit des difficultés à l’utiliser pour des investissements hors de France. On mentionnera, entre autres, le fait qu'il n'est pas soumis aux procédures collectives et est donc bankruptcy  remote, le fait que les règles d'allocation des paiements prévues dans sa documentation s'imposent à ses créanciers (qui ne pourront donc pas procéder à la saisie des biens de l'OFS en violation de ces règles, ni les remettre en cause s'ils font l'objet de procédures collectives), mais aussi la possibilité de constituer des comptes à affectation spéciale, équivalents des trust accounts du droit anglo-saxon, afin de neutraliser le commingling risk. Enfin, les OFS bénéficient d'un ensemble de dispositions favorables en matière de cession de créances : ils peuvent acquérir des créances par la simple remise d'un bordereau, qui entraîne l'opposabilité aux tiers de la cession et le transfert des sûretés attachées à la créance sans autre formalité et qui permet à la cession de résister à l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre du cédant et aux risques des nullités de la période suspecte.

À noter que seuls les FIA de droit français (ou les FIA de droit étranger agréés ELTIF dans leur juridiction d’origine) peuvent octroyer des prêts en France. En revanche, seuls les FIA de droit français peuvent bénéficier de la cession Dailly à titre de garantie, qui a démontré tout son efficacité en cas de procédure collective ouverte à l’encontre de l’emprunteur (cf. l’Affaire dite "Cœur Défense").

Un régime fiscal attractif

Ce régime juridique est complété par un régime fiscal extrêmement attractif en cas d’investissements réalisés hors de France.

Lorsque l’OFS prend la forme d'un fonds de financement spécialisé (FFS) sans personnalité morale, aucune imposition ne s'applique au niveau du FFS, les revenus étant taxés directement dans les mains des investisseurs lors de leur distribution, non lors de leur encaissement par le FFS. Les  investisseurs personnes morales de droit français seront taxées à l’IS au taux de droit commun et les personnes physiques résidentes fiscalement en France à la flat tax de 30 %.

Lorsque l’OFS prend la forme d'une société de financement spécialisé (SFS), la SFS est assujettie à l’impôt sur les sociétés, sur une base aménagée réduite par la loi de finances. L’assujettissement à l’IS de la SFS permet à cette dernière de se prévaloir de la qualité de résident au sens des conventions fiscales conclues par la France qui tendent à réduire, voire à supprimer, toute retenue à la source sur les revenus de source étrangère.

C’est le seul véhicule de droit français relevant de la Directive AIFM qui peut ainsi se prévaloir du maillage de l’ensemble des conventions fiscales conclues par la France, ce qui est une source de simplicité, de prévisibilité et de sécurité pour les investissements réalisés par la SFS hors de France. La base taxable à l’IS sera réduite si la SFS se finance par l'émission de titres de créance (ce qui sera le cas le plus fréquent) auquel cas les revenus financiers qu’elle percevra sur ses investissements viendront  s’imputer sur les charges  financières dues sur les titres de créance. L’administration fiscale a d'ores et déjà eu  l'occasion de préciser que cette base taxable extrêmement  réduite ne constituait pas un acte anormal de gestion. Par ailleurs, dans un courrier de janvier 2019, la Direction de la législation fiscale a expressément indiqué que la SFS était exonérée de CVAE.

L'OFS est, à bien des égards, le véhicule d'investissement le plus "intelligent" en droit français. Son traitement juridique et fiscal en fait l’un des véhicules les plus compétitifs en Europe. L’engouement qu’il suscite aujourd’hui auprès de nombreux gestionnaires de la place de Paris permet d’espérer une plus grande utilisation à l’avenir des véhicules d’investissement de droit français.

Pour en savoir plus sur l’OFS, nous vous renvoyons au Guide Pratique de l’OFS rédigé par l’AFG (disponible sur le site de l’AFG) à la rédaction duquel nous avons contribué.

 

SUR L’AUTEUR

Gilles Saint Marc co-dirige l'activité des modes alternatifs de financement et d'investissement du bureau de Paris de Kramer Levin, offrant une vision globale et intégrée tant en ce qui concerne les aspects regulatory que la structuration et l'exécution des transactions.Gilles est spécialisé dans le domaine de la structuration juridique et fiscale et de la constitution des fonds de dette, de titrisation, de private equity et d’actifs corporels (leasing), investissant en France et à l’étranger. Il a joué un rôle actif lors de la réforme des Organismes de titrisation et la création des Organismes de financement spécialisé en 2017 et 2018 et a contribué à la rédaction du Guide pratique de l’AFG sur les OFS publié en juin 2020.

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