Il y a cinq ans, la droite a perdu presque toutes ses circonscriptions de l’ouest parisien. Désormais, la majorité sortante souhaite réaliser le "grand chelem". Est-ce possible ?

À Paris, la carte électorale est assez simple : les arrondissements de l’Ouest penchent à droite, ceux de l’Est à gauche. Ces dernières années, l’électorat d’Emmanuel Macron s’est droitisé. Aux européennes et au premier tour de la dernière présidentielle, la majorité a même obtenu ses meilleurs résultats nationaux dans l’ouest de la capitale, devenue une terre de conquête privilégiée pour Renaissance qui lorgne vers les derniers bastions LR de la Ville Lumière.

Renaissance : haro sur les derniers bastions de LR !

C’est notamment le cas dans la quatrième circonscription qui englobe une partie du XVIe arrondissement (Chaillot, Porte Dauphine) ainsi que les quartiers les plus huppés du XVIIe, notamment les abords du Parc Monceau. Le siège a été préservé de justesse par Brigitte Kuster en 2017 (51,51 % face à la candidate LREM Ilana Cicurel). Mais, lors de la dernière présidentielle, Emmanuel Macron a écrasé la concurrence. Face à cette nouvelle donne, Brigitte Kuster aurait pu choisir de rallier la macronie, à l’instar de sa "voisine" Constance Le Grip à Neuilly-sur-Seine, Courbevoie-Puteaux, une circonscription sociologiquement similaire. Elle a toutefois fait le choix de la fidélité et compte sur son ancrage local, elle qui fut maire du XVIIe de 2008 à 2017. Pour remporter la bataille, Renaissance compte sur Astrid Panosyan-Bouvet, cofondatrice d’En marche.

Les marcheurs et leurs alliés lorgnent également sur la quatorzième circonscription qui correspond à une grande partie du XVIe arrondissement. Sur le papier, la victoire est probable. En 2017, le XVIe pouvait être qualifié de "Fillon land" puisque l’ancien premier ministre avait récolté 58,45% des suffrages dès le premier tour. Cinq ans plus tard, Valérie Pécresse y obtient un faible 13,81% contre 46,75% pour Emmanuel Macron. La défense de la "forteresse de droite" assurée par Claude Goasguen depuis 1997 est désormais du ressort du maire Francis Szpiner qui affrontera Benjamin Haddad, 36 ans, chercheur en relations internationales, passé par l’UMP. Pour garder l’arrondissement dans le giron de sa famille politique, Francis Szpiner devra séduire les 17,85% d’électeurs qui ont voté Reconquête ! le 10 avril. S’il ne parvient pas à puiser dans ce réservoir et à incarner le vote utile, la droite classique perdrait un siège qu’elle détient depuis toujours.

Dans le XVIème, François Fillon a obtenu 58,45% au premier tour en 2017. En 2022, Emmanuel Macron était à 46,75%

Préserver les conquêtes

En 2017, LREM avait réussi à s’implanter dans quelques arrondissements traditionnellement à droite. Théoriquement, la majorité sortante devrait garder ses positions. C’est notamment le cas de la première circonscription où le sortant Sylvain Maillard fait office de grandissime favori. Elle comporte le VIIIe arrondissement, les anciens Ier et IIe arrondissements, désormais inclus dans Paris centre, ainsi qu’une partie du IXe (quartiers Chaussée d’Antin, Faubourg Montmartre et Saint-Georges). Cette partie de la capitale votait traditionnellement à droite puisqu’en 2017, dans le VIIIe, François Fillon avait obtenu 50,51% dès le premier tour. Les électeurs se sont tournés vers Emmanuel Macron cinq ans plus tard : 46,75% au premier tour, loin devant son dauphin Éric Zemmour (15,32%). Une mutation électorale de bon augure pour le candidat Renaissance Sylvain Maillard qui part ultra-favori. Déjà vainqueur au premier tour en 2017, il pourrait récidiver d’ici quelques jours. La circo se "macronise" et ses adversaires partent divisés. La droite est partagée entre David Attia, un candidat Reconquête ! issu de LR, une liste UDI et un "LR officiel".

Pour la première fois, la droite "classique" pourrait être privée de députés à Paris

Il y a cinq ans, dans la seconde circonscription, Nathalie Kosciusko-Morizet avait été balayée par le novice Gilles Le Gendre qui a fait main-basse sur le Ve arrondissement, une partie du VIe (quartier Monnaie, Odéon, Saint-Germain-des-Prés) et une partie du VIIe (quartiers Gros-Caillou, Invalides et Saint Thomas-d’Aquin).  L’ancien journaliste part est en bonne posture face au LR à Jean-Pierre Lecoq qui peut toutefois se reposer sur son implantation locale, lui qui est maire du VIe depuis 1994.

Dans la douzième, le suspense ne semble guère au rendez-vous également. L’actuelle porte-parole du gouvernement se représente dans une circonscription remportée largement il y a cinq ans face à Philippe Goujon, alors député LR sortant (56,36%). À l’Assemblée nationale, le député représente les habitants du quartier École-Militaire dans le VIIe, et ceux du nord du XVe (quartiers Necker, Grenelle ou Saint-Lambert). Dans tous les bureaux de vote de la circonscription, Emmanuel Macron a terminé en tête au premier tour de la présidentielle. Une "circo en or" donc.

La treizième circonscription est également favorable à la majorité sortante. Le sortant Hugues Renson ne se représentant pas, c’est David Amiel, normalien et conseiller d’Emmanuel Macron qui hérite du "cadeau". Il devra ferrailler avec deux concurrents implantés à Paris : l’écologiste Aminata Niakaté qui représente la Nupes et le centriste Nicolas Jeanneté qui portera la casaque LR.

L’ouest "bobo" : Nupes ou Renaissance ?

L’ouest de la capitale comporte deux circonscriptions « bobo » où le socle électoral est composé de jeunes cadres séduits par Emmanuel Macron en 2017 mais peu enthousiasmés par ce qui est perçu comme un virage à droite. Il s’agit de la troisième et de la dix-huitième. Au premier tour de la dernière présidentielle le président-candidat a perdu des voix par rapport à il y a cinq ans. Résultat, la Nupes espère s’implanter.

La troisième circonscription est composée d’une petite partie du XVIIIe et d’une partie du XVIIe, notamment le quartier gentrifié des Batignolles et celui plus populaire des Épinettes. Le député sortant Stanislas Guerini a la faveur des pronostics. Mais le délégué général de La République en marche et ministre de la Transformation et de la Fonction publique devra se méfier de Léa Balage El Mariky, candidate Nupes issue d’EELV. C’est dans la dix-huitième circonscription que les jeux semblent les plus ouverts. Le député sortant, Pierre-Yves Bournazel, est implanté de longue date. Mais la gauche a réalisé de très belles performances dans les bureaux de vote de la circonscription. Le journaliste Aymeric Caron qui représente la Nupes espère bien faire gagner la gauche.

Lucas Jakubowicz

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