L’appétit des investisseurs pour les obligations assorties de sûretés ne se dément pas, d’autant que le cadre juridique de l’émission d’obligations a été modernisé en 2017 afin de rehausser l’attractivité internationale de la place de Paris en matière d’émissions obligataires. Alix d’Ocagne, Victor de Verthamon, notaires associés chez Cheuvreux, et Coralie Leveneur, notaire, décryptent les enjeux liés aux sûretés consenties aux porteurs d’obligations.

Quel est le positionnement de l’équipe financement de Cheuvreux ?
Cheuvreux est reconnu comme l’un des acteurs notariaux majeurs du financement structuré immobilier, et notre équipe financement est régulièrement appelée à assister des banques, mais aussi des financeurs alternatifs et des investisseurs dans le cadre de la mise en place de financements de tous types (corporate, hypothécaires, obligataires, etc.), de syndications et refinancements, et la prise et la gestion des sûretés. Notre expertise et nos équipes dédiées nous permettent de répondre à des besoins d’assistance dans des transactions complexes portant sur des actifs majeurs ou des portefeuilles importants. Nous développons également notre offre d’assistance à l’international, pour accompagner nos clients dans les financements et investissements cross-border et pan-européens. 
 
Cheuvreux intervient donc notamment sur des émissions obligataires ?
En effet. L’emprunt obligataire est une alternative traditionnelle au crédit bancaire, et connaît un regain d’intérêt en particulier en Europe. Fondamentalement, c’est un mécanisme assez simple : un contrat collectif de prêt conclu entre la société émettrice et les souscripteurs d’obligations. Dans la mesure surtout où l’emprunt obligataire est de plus en plus souvent assorti de suretés, notamment hypothécaires, il était naturel que Cheuvreux accompagne aussi ses clients sur ce type de financements. L’agenda était favorable, car la modernisation du cadre juridique de l’émission d’obligations en France, attendue depuis longtemps, a finalement été réalisée par l’ordonnance n°2017-970 du 10 mai 2017 et son décret d’application n°2017-1165 du 12 juillet 2017. 

Quelles ont été les nouveautés introduites par cette réforme ?
L’ordonnance est notamment venue clarifier et simplifier la constitution des sûretés consenties par l’émetteur d’obligations – qu’il s’agisse de sûretés réelles ou personnelles. C’était d’un enjeu important pour l’attractivité du droit français qui souffrait jusqu’alors de certaines imprécisions. L’émetteur se voit désormais expressément et opportunément reconnaître la possibilité de constituer des sûretés réelles, pour

On peut espérer que ces réformes redorent le blason de la place financière française

le compte de la « masse » des obligataires, concomitamment à l’émission des obligations, alors que, précédemment, seule la constitution de sûretés avant ou après l’émission était prévue par les textes et soumise à des régimes différents. Surtout, la conjonction de cette réforme avec l’entrée en vigueur de l’ordonnance de 2017 sur le « nouvel » agent des sûretés nous semble intéressante. Le recours en pratique à l’agent des sûretés, que l’on a commencé depuis quelques années à constater sur la place de Paris en matière d’émissions obligataires sécurisées, est aujourd’hui favorisé par la réforme qui a notamment étendu son champ d’intervention à l’ensemble des sûretés et garanties et précisé ses prérogatives : celui-ci agit « en son nom propre au profit des créanciers de l’obligation garantie » et est titulaire des sûretés et garanties. La création par la réforme de 2017, d’un patrimoine d’affectation distinct du patrimoine propre de l’agent des sûretés, permettant d’exclure de toute procédure d’insolvabilité ouverte à son encontre les droits et biens acquis dans l’exercice de sa mission est un autre facteur notable qui milite en faveur du recours à l’agent des sûretés.

Comment s’organise en pratique le rôle de l’agent des sûretés ?
En pratique, dans un financement obligataire, lorsqu’un agent des sûretés est désigné, la documentation de crédit prévoit que l’ensemble des informations et documents qui doivent être fournis par l’émetteur au représentant de la masse doivent également lui être communiqués et précise les modalités selon lesquelles l’agent des sûretés, le cas échéant sous le contrôle du représentant de la masse, peut prendre, inscrire, gérer et réaliser les sûretés garantissant le remboursement de l’emprunt obligataire. Nous pensons que le recours à cet agent des sûretés pourrait également favoriser l’octroi de sûretés dans le cadre des émissions obligataires dites « wholesales » pour lesquelles il n’est désormais plus obligatoire de recourir au mécanisme de la masse des obligataires. La constitution et la gestion des sûretés s’en trouvera nettement facilitée et les obligataires gagneront en sécurité.

Tout cela contribue-t-il à l’attractivité de la place financière de Paris ?
Les réformes opérées par ces deux ordonnances de 2017 relatives, d’une part aux émissions obligataires et d’autre part, à l’agent des sûretés avaient effectivement chacune pour but affiché de redorer le blason de la place financière française. On peut espérer que cet objectif sera atteint ! Cela dépendra aussi, très certainement, de l’évolution de la perception du marché immobilier français par les investisseurs. Nous pensons que cette perception sera principalement affectée par le renforcement d’un environnement fiscal et juridique favorable aux investissements en France, notamment cross-border.

La conjonction de la réforme des émissions obligataires avec l’entrée de l’ordonnance sur le « nouvel » agent des sûretés nous semble intéressante

Comment voyez-vous l’avenir proche ?
L’activité de financement est demeurée à un niveau élevé au premier semestre 2018, et nous n’avons pas perçu de signes de ralentissement, bien au contraire ! Il en est de même pour les autres pôles d’activité de Cheuvreux, c’est-à-dire l’investissement et arbitrage, le développement immobilier, le résidentiel et le droit patrimonial, qui tous connaissent une activité soutenue.  
 

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