Alors que la crise des Gilets jaunes ne cesse de se durcir et que son Premier ministre, Édouard Philippe, fait depuis des jours les frais de son impopularité croissante, Emmanuel Macron sort enfin de son silence. Dans une allocution mêlant mea culpa et détermination, empathie et autorité, il tente d’apaiser la colère et de redessiner un cap. Collectif cette fois.

C’est peu de dire que l’intervention était attendue. Pour beaucoup, le Président Macron jouait tout simplement son quinquennat sur cette allocution destinée à mettre un terme à la crise des Gilets jaunes ou, du moins, à éviter que celle-ci ne débouche sur une cinquième mobilisation le week-end prochain avec, à la clé, le risque de voir les scènes de guérilla urbaine des épisodes précédents se répéter. L’enjeu était donc de taille et le ton du chef de l’État à la hauteur de l’événement.

Mea culpa

Lorsqu’à vingt heures précise, après une journée passée à écouter – les syndicats, les ministres, les partenaires sociaux … - il prend la parole, il apparaît solennel, presque ému, et se dit immédiatement conscient de « la colère et de l’indignation » que beaucoup de Français « peuvent partager ». Celles qui n’ont rien à voir avec les actes de violence et de vandalisme des derniers jours et que le Président ressent comme « justes ». Celles du « couple de salariés » qui peine à boucler ses fins de mois, de « la mère célibataire », des « retraités modestes qui ne s’en sortent pas », et de tous ces citoyens dont la détresse « ne date pas d’hier » et à laquelle, estime le président de la République, « on a fini par lâchement s’habituer ». Visiblement soucieux de mettre la crise actuelle en perspective, il évoque « les années de malaise » qui se cristallisent aujourd’hui :  malaise démocratique, malaise social, sentiment de ne pas être entendu… « malaise qui vient de très loin » et dans lequel, insiste-t-il toutefois, il prend sa « part de responsabilité, poussant l’exercice de repentance jusqu’à exprimer ses regrets s’il lui est arrivé de ne pas sembler prendre la mesure de ce malaise, de ne pas s’y intéresser ; s’il lui est arrivé « de blesser certains par (ses) propos ».

Détermination

Au mea culpa des premières minutes, succède alors la détermination. « Si je me suis battu pour bousculer les habitudes politiques en place, c’est pour vous ! », assène le chef de l’État qui, mêlant empathie et autorité, alerte sur la gravité des événements récents et sur leur possible impact sur l’unité nationale : car « un peuple qui se divise à ce point, court à sa perte », déclare-t-il. Décrétant « l’état d’urgence économique et sociale », il entre alors dans son registre favori : celui de l’action et de l’appel à la mobilisation. Passant du « je » au « nous », il le répète : « Nous voulons une France où l’on vit dignement de son travail » et, pour y parvenir, il faudra désormais « que ça aille vite ». Geste sur les retraites, revalorisation du Smic, appel aux primes de fin d’année… Le message se veut fort et dépourvu d’ambiguïté : j’ai entendu votre colère, je la comprends, j’y réponds. Non pas avec l’arrogance qui lui aura été si souvent reprochée ces derniers mois, mais avec une volonté affirmée de jouer collectif.

Jeu collectif

Nous devons « assumer ensemble notre devoir de changer », « aborder ensemble » les enjeux de la transition énergétique, affirme ainsi Emmanuel Macron avant de pointer des processus de décision « trop centralisés depuis des décennies » auxquels doivent désormais succéder une meilleure écoute du terrain. Ce « terrain » dont, promet-il, « émergeront aussi les bonnes solutions », où chacun pourra désormais prendre part au débat, relayé par des maires qui y « portent la République » et qu’il entend rencontrer prochainement. « Un changement de fond est en marche dans lequel chacun aura sa part », déclare le chef de l’État. « Un moment historique pour le pays ». Un défi collectif face auquel il se dit confiant avant de conclure : « Mon seul souci c’est vous, mon seul combat c’est pour vous. » Treize minutes. Et un verdict dans les prochaines heures.

Caroline Castets

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