Depuis l’entrée en vigueur de la loi Sapin 2 en France, la fonction de responsable de la compliance est en plein essor. Garant de la conformité de l’entreprise à la réglementation, ce dernier est particulièrement exposé au risque pénal en cas de fraude ou de corruption. Pourtant, à l’heure actuelle, les textes ne prévoient pas l’engagement de sa responsabilité personnelle. Quoique…

Verra-t-on un directeur de la compliance incarcéré parce que l’entreprise au sein de laquelle il travaille présente un défaut de conformité ? L’article 17 la loi Sapin 2 est très clair : la responsabilité liée à la mise en conformité pèse sur la personne morale et sur les dirigeants, à savoir le président, le directeur général ou le gérant. Le texte ne prévoit aucun régime de responsabilité spécifique pour la personne chargée de cette mise en conformité à la réglementation anticorruption et antifraude au sein de l’entreprise. Pourtant, face à une politique pénale s’inspirant des pays anglo-saxons (lire l’article page  25) et favorisant les poursuites à l’encontre des dirigeants, le responsable de la compliance s’expose à certains risques. Alors que pour le moment, en France, aucun compliance officer n’a vu sa responsabilité personnelle engagée, dans les faits, il faut envisager la possibilité qu’il puisse être poursuivi pour un programme de conformité défaillant.

"L’engagement de la responsabilité personnelle du compliance officer est envisageable, dès lors que son statut aura été mieux encadré"

D’autant que l’Agence française anticorruption (AFA) exige l’existence d’un responsable de la conformité et recommande de le désigner pour piloter « le déploiement, la mise en œuvre, l’évaluation du programme de conformité anticorruption, en étroite coopération avec les parties prenantes de l’organisation » et éventuellement pour assurer les relations entre l’entreprise et ses services en cas de contrôle.

Obligation de moyens

Quelques avocats confirment d’ailleurs défendre certains d’entre eux, sans pour autant citer de dossier en particulier. Pour Emmanuel Daoud, associé chez Vigo Avocats, l’absence de jurisprudence relative à un engagement de la responsabilité pénale du compliance officer ne suffit pas à le protéger entièrement. « S’il dissimule des faits ou soustrait des éléments de preuve, il peut être possible de remonter jusqu’à lui. » Ce qui constitue donc une action positive de sa part dans une infraction. Philippe Goossens, associé chez Altana, souligne également que l’inaction du compliance officer pour empêcher la commission de l’infraction pourrait engager sa responsabilité, « si cette inaction a effectivement mené en conscience à l’infraction de corruption. Ce cheminement de preuve peut s’avérer être long et complexe », tempère-t-il. Anne-­Florence Raducault, associée du cabinet Bird & Bird, explique quant à elle l’absence d’une réponse précise aujourd’hui par la relative nouveauté des textes sur la compliance« Le directeur de la conformité est chargé de mettre en place des process, il est soumis à une obligation de moyens. La non-conformité en elle-même, sauf à ce que l’obligation particulière soit assortie d’une sanction pénale spécifique, n’engendre en revanche pas à ce jour directement et automatiquement de responsabilité personnelle. » Une évolution de la législation n’est cependant pas exclue : « Voir sa responsabilité personnelle engagée est envisageable, commente Emmanuel Daoud, dès lors que son statut aura été mieux encadré. »

Une fonction exposée

Les avocats délivrant des conseils en matière d’application de la loi Sapin 2 doivent donc se montrer particulièrement prudents. « Le compliance officer occupe un poste très exposé au sein d’une entreprise, explique Emmanuel Marsigny, associé cofondateur du cabinet Marsigny Gosset Avocats. Lorsqu’une personne est responsable du respect d’une réglementation, il est logique de se retourner contre elle. Toutes les personnes qui ont la responsabilité de ces secteurs sont donc exposées. » Le pénaliste ne s’arrête par là. Pour lui, le risque de poursuites pénales pourrait s’étendre au-delà de l’entreprise, au cabinet d’avocats qui aurait mis en place le programme de compliance ou assisté le directeur de la conformité dans sa mission. Ce serait d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles certains pénalistes (comme Jacqueline Laffont et Emmanuel Marsigny) refusent de réaliser des programmes de conformité pour leurs clients pourtant demandeurs.

L’AFA n’étant pas compétente pour poursuivre le compliance officer pour corruption, alors même qu’elle aurait connaissance de ses agissements dans le cadre d’une enquête, il appartiendra au juge pénal de regarder si l’inaction de ce cadre a mené à l’infraction ou non. Christophe Ingrain, associé au sein du cabinet Darrois Villey Maillot Brochier, reste pragmatique : « Si le procureur a connaissance de faits constitutifs d’une infraction et qu’il apparaît que le compliance officer n’a pas mis en œuvre les moyens pour éviter qu’elle se produise, il pourra considérer qu’il s’agit d’une carence fautive susceptible d’engager sa responsabilité pour complicité. » Voilà qui tranche la question. Reste à savoir si les autorités de poursuites françaises iront jusque-là.   

Marine Calvo

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