Un peu moins d’un an après l’absorption-fusion de Corio, Klépierre tire un bilan positif de l’opération.

Décideurs. Un peu moins d’un an après l’absorption-fusion de Corio, quel bilan pouvez-vous dresser de cette opération ?

Laurent Morel. Un bilan très positif. Nous avons très rapidement mis en place d’importantes synergies, qui nous ont permis de réaliser de considérables économies d’échelles. Des synergies qui sont d’abord opérationnelles : le programme d’intégration de Corio s’est déroulé plus rapidement que prévu et sera, d’ici la fin de l’année, réalisé aux deux tiers, avec soixante millions d’euros d’économies réalisées en rythme annuel. Nous avons également fermé le siège de Corio à Utrecht et fusionné les centres de décision opérationnels dans plusieurs pays, notamment l’Espagne et l’Italie. Au 1er janvier 2016, toutes les entités du groupe fonctionneront également sur le même système d’information. Ce sont ensuite des synergies de revenus. Nous avons cédé 800 millions d’euros d’actifs du patrimoine de Corio, principalement aux Pays-Bas, en ligne avec notre stratégie de réallocation constante du capital sur des zones à forte croissance démographique et de revenu. Nous avons aussi intégré l’ensemble de son portefeuille d’actifs dans notre système de gestion de patrimoine et dans notre processus budgétaire centralisé, qui a fait la preuve de sa performance. Nous y définissons les meilleures opportunités de création de valeur pour chacun de nos actifs, dans un double objectif de faire progresser nos revenus et d’améliorer l’attractivité des centres commerciaux à la fois pour les enseignes et les consommateurs finaux.

 

Décideurs. Que représente aujourd’hui Klépierre, en chiffres ?

L. M. C’est un groupe avec vingt-deux milliards d’euros de patrimoine, dont 90 % est représenté par cent centres commerciaux. Ceux-ci sont positionnés dans soixante villes d’Europe qui ont pour point commun d’avoir une population en croissance et avec un niveau de revenu élevé. Ce sont nos critères prioritaires pour localiser nos centres, suivis par ceux de la proximité d’infrastructures de transports et le niveau d’éducation de la population. Dans le cadre de notre stratégie, nous nous affranchissons toujours de la vision pays, pour nous concentrer sur une approche ville par ville.

 

Décideurs. Quels axes allez-vous privilégier pour alimenter la croissance de Klépierre ?

L. M. Notre premier axe est de réinvestir sur l’existant, car c’est ce qui offre les meilleures perspectives de rentabilité. Nous avons plusieurs opérations de développement en cours, comme la transformation du cœur de ville d’Utrecht, avec le centre commercial de Hoog Catharjine. Il s’agit d’une opération initiée par Corio : l’extension de ce centre commercial situé au sein du complexe de la gare d’Utrecht, aboutira à la création du plus grand centre de Hollande avec ses 70 000 mètres carrés. En France, notre centre commercial de Val d’Europe est également en cours d’extension avec 17 000 mètres carrés qui s’ajouteront aux 100 000 mètres carrés actuels, attirant des enseignes de premier plan comme Primark, Uniqlo ou Nike. Enfin, nous avons lancé la construction du centre commercial du Prado, à Marseille, qui s’étendra sur 25 000 mètres carrés, avec les Galeries Lafayette en locataire principal. Chez Klépierre, nous recherchons des opérations exclusives et complexes, où la valeur immobilière est incontestable.

 

Décideurs. Quelle stratégie poursuivez-vous pour les acquisitions d’actifs ?

L. M. Nous avons une importante capacité d’investissement et nous l’avons démontré en acquérant dernièrement Plenilunio, un centre commercial de référence à Madrid, pour 375 millions d’euros, afin d’y réaliser un important travail de création de valeur. Il s’agit d’un centre leader où nous avons capacité de faire progresser les revenus locatifs. La stratégie de rotation des actifs de notre portefeuille est également importante pour alimenter la croissance de notre groupe. Les cessions de centres sont réalisées dans un objectif de réallocation du capital, pour pouvoir notamment alimenter notre pipeline de développement. Depuis cinq ans, nous avons cédé près de cinq milliards d’euros d’actifs pour nous concentrer sur des centres de référence dans les grandes villes d’Europe.

 

Décideurs. Avec Corio, vous avez fait votre entrée dans de nouveaux marchés, comme l’Allemagne et la Turquie. Quelle stratégie y développez-vous ?

L. M. L’Allemagne et la Turquie sont effectivement deux positions nouvelles pour nous. Corio a fait l’effort d’entrer dans ces marchés, qui peuvent nous offrir des perspectives de développement auxquelles nous réfléchissons. Ce sont en quelque sorte des options gratuites. Corio nous a également apporté sa position de leader aux Pays-Bas et en Italie du Nord. Ce sont des marchés porteurs pour Klépierre, notamment certaines villes d’Italie comme Rome, Turin ou Naples où les perspectives de croissance sont très fortes.

 

Décideurs. Qu’en est-il de votre situation financière ?

L. M. Nous avons réalisé plusieurs émissions obligataires à un coût très compétitif. Klépierre bénéficie d’une bonne notation de crédit (A-) et son papier est apprécié. Nous avons au total 2,8 milliards d’euros de liquidités mobilisables sur nos 9,5 milliards d’euros de dettes. Notre situation financière est solide, avec un ratio LTV de 40 %.

 

Décideurs. Le commerce éphémère s’inscrit comme une nouvelle tendance sur ce marché. Qu’en pensez-vous ?

L. M. Ce que nos visiteurs attendent aujourd’hui des centres commerciaux, ce sont des expériences nouvelles et différentes. En cela, le speciality leasing, qui se définit comme une action sur un produit avec un loyer relativement élevé au mètre carré pour bénéficier du flux, est une tendance très forte. Le rôle des grandes plates-formes commerciales comme Klépierre est de ce point de vue fondamental. Lorsque nous croyons à un concept, nous pouvons le proposer et le diffuser dans une centaine de centres commerciaux. Notre effet de taille est significatif et particulièrement attractif pour les enseignes. L’expérience commerciale de courte durée, ou commerce éphémère, ainsi que la publicité digitale sont des tendances appelées à durer et qui s’inscrivent pleinement dans notre stratégie. Ce type d’initiatives que nous développons dans le mail sont un levier de croissance important pour nos revenus. Nous avons par exemple été les promoteurs d’un concept novateur, qui a remporté un grand succès dans nos centres commerciaux : Save My Smartphone, une société spécialisée dans la réparation de téléphones portables. C’est un concept bien ficelé, qui répondait à un vrai besoin des consommateurs. Klépierre a souhaité en ouvrir plus d’une vingtaine dans plusieurs centres et le succès a été au rendez-vous. Nous avons la volonté d’accompagner la naissance et le développement de concepts porteurs comme celui-ci.  

 

Propos recueillis par Sophie Da Costa

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