La relation client : le simple clic qui change la donne… Les lignes directrices de Laurent Gayet, directeur général adjoint d’Axa Wealth Europe.

Décideurs. L’ère du client roi s’est ouverte. Quels changements percevez-vous dans les attentes de vos clients ?

Laurent Gayet. Le pouvoir a changé de camp avec le digital et l’exigence de transparence qui exacerbent la concurrence. Je suis toujours surpris par l’emploi de formules telles que « client centricity » ou « remettre le client au cœur de la relation » ou encore « suivre le client ».  Le client n’est-il pas notre véritable employeur et plutôt que de le suivre ne faut-il pas plutôt anticiper ses attentes ? Car le changement de paradigme est là : si le client a toujours été au cœur de la relation, désormais il en prend conscience grâce notamment aux outils digitaux. Le simple clic donne accès à toutes les informations ; les comparateurs connaissent un succès grandissant d’autant que la transparence des frais offre une vitrine en ligne impliquant pour nous la crainte permanente que le clic n’aboutisse à la claque. Pour Axa Wealth Europe le challenge est là : faire sien l’adage de Talleyrand : « quand je me regarde je me méprise mais quand je me compare je me console ». Ne pas être le meilleur partout car c’est impossible mais être le préféré c’est notre gageure. C’est le nouveau CR AIME qui doit animer le CRM dans la relation client car l’infidélité est à une portée de souris d’ordinateur…

La proximité et la disponibilité sont les maîtres mots d’une relation client aboutie. Quelle importance prend l’essor du digital dans vos métiers ?

L’étymologie du mot client provient de l’occurrence latine clientum, c’est à dire protéger. Il ne faut donc pas oublier la dimension humaine qui rassure. Certes, nous sommes confrontés à un présentiel digital exigé, hors de contrôle du professionnel dont l’expertise est de plus en plus challengée par des clients surinformés et donc parfois désinformés...  Nous devons conjuguer présentiel humain et digital pour s’adapter aux typologies de clients aux attentes variées (millenials et retraités ne sont pas sensibles aux mêmes services).  L’approche holistique incite le professionnel à adopter une démarche pro-active car la fidélisation d’un client (impliquant une part d’émotionnel) et sa satisfaction (plus concentrée sur la mise en place de process efficients) ne doivent pas être confondus.

Un accès facilité à l’information va de pair avec l’augmentation des sollicitations. Au-delà de la satisfaction clientèle, comment fidéliser ?

Pour Axa Wealth Europe fidéliser le client est le défi de notre structure jeune qui grandit avec ses clients. Il est alors impératif de mettre en place le concept de servuction, qui combine le ressenti immédiat du service et la production des actes, et de traiter le client de la même manière que nous souhaiterions l’être. Dans le business model traditionnel, un client coûte cinq à sept fois plus cher dans la phase d’acquisition que dans celle de la fidélisation. La pratique démontre que nous sommes souvent dans un principe de Pareto, où 80 % du chiffre d’affaires est représenté par 20 % des clients. Dès lors, assurer simplement le front ne suffit plus. Il est cardinal de faire preuve d’une composante affective et d’être capable de séduire rapidement à chaque maillon de la chaîne de valeur. Pour y parvenir, la fidélisation repose sur une relation de confiance qui s’inscrit dans la durée avec des périodes fastes et d’autres qui le sont moins et qui imposent d’autant plus de présence. Il s’en suit alors la mise en œuvre d’un cercle vertueux souvent oublié : plus la satisfaction est avérée, plus la fidélisation sera haute, et plus la volonté de recommandation sera naturelle pour l’utilisateur de service. Si le processus fonctionne bien, celui-ci deviendra notre meilleur ambassadeur.

Le client souhaite être reconnu et considéré ; il faut donc le valoriser en permanence au-delà de lui promettre un service personnalisé, ce dernier étant devenu une banalité de langage souvent non concrétisée. Pour cela, Il doit y avoir un effet miroir avec le conseiller et les valeurs de l’institution qui le sert. Le graal c’est une approche proactive et présentielle d’accompagnement incarnant des valeurs pour une analyse prédictive des besoins en évitant néanmoins d’en faire trop. Le digital permet la connaissance approfondie mais le client ne supporte pas l’intrusion : attention au dosage … quand certains trouvent judicieux de souhaiter par SMS un bon anniversaire aux enfants… pas sûr qu’ils gagneront une part de gâteau.

On assiste donc à un rééquilibrage de la relation entre clients et professionnels. Quelles sont les nouvelles limites ?

À l’heure de l’hyperconnectivité les standards historiques de la relation client sont fondamentalement bouleversés. L’émergence des technologies d’intelligences artificielles modifient les usages et percutent les acteurs traditionnels. Certes le client, surtout fortuné, est conscient de son pouvoir mais il ne faut pas confondre service et servage pour ne pas remettre la crédibilité de l’offre et notre business model. Il convient de veiller à maintenir un équilibre entre les exigences du client et la capacité de l’institution à résister à des demandes non gérables. Une dépendance trop accrue dans les desiderata d’un client est risquée pour le devoir conseil et la responsabilité y afférente. Autrement dit, l’équilibre et la pérennité de la relation reposent sur la réciprocité des objectifs bien compris et donc le pouvoir pour l’assureur de dire non. Cela n’est pas antinomique avec le « know you can » nouveau slogan d’Axa qui met en exergue l’accompagnement de proximité. 

Dans ce contexte, comment se préparer ?

Celui qui ne prépare pas l’avenir doit se préparer à connaître des périodes délicates, car nous sommes dans le monde de l’anticipation et pas uniquement du suivi client. Les stratégies patrimoniales s’inscrivent dans des optiques de réversibilité car les textes évoluent et l’espérance de vie aussi. Le schéma d’un jour n’est plus aussi durable qu’il le fut. Nous devons être de plus en plus pédagogues avec nos clients. Leur expliquer tels des stoïciens que rien ne sert de s’opposer à des contraintes légales et réglementaires inéluctables et accrues censées d’ailleurs les protéger. Désormais, l’être et l’avoir deviennent indissociables l’un de l’autre. Il est nécessaire de valoriser ce que le client possède mais également ce qu’il est car le client apprécie cette reconnaissance qu’il juge différenciante.

C’est donc un jeu de précision et de rigueur qui prend place dans ce changement de paradigme. Selon vous, quel détail pourrait faire la différence ?

L’innovation dans la qualité de service et des circuits courts de décisions sont les deux pierres angulaires de la réussite. Certes il est difficile d’être révolutionnaire dans nos métiers mais tout ce qui fluidifie et favorise la valeur ajoutée devient essentielle ; et ce d’autant qu’elle est la seule facturable. C’est l’anti loi de Murphy au quotidien que nous devons ériger comme précepte. Et ce doit être mesurable avec de nouveaux critères, comme le NPS (Net Promoter Score), indicateur de la satisfaction de la clientèle et des intermédiaires. Ensuite, nous devons susciter l’adhésion de nos collaborateurs aux valeurs véhiculées par Axa, ce qui implique aussi un monitoring régulier à l’attention des collaborateurs car ils sont avec le client nos meilleurs ambassadeurs. Enfin, nous devons promouvoir le modèle « One Axa » mettant en exergue toutes nos entités et nos capacités à satisfaire le client avec un « one stop shopping » efficient. En clair ne pas se passer de l’atout que constitue la première marque mondiale de l’assurance depuis 10 ans.

Propos recueillis par Yacine Kadri

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