Entre nécessité de poursuivre l’activité économique et mesures de confinement, entre risques sanitaires et économiques, Laurent Berger, secrétaire général du premier syndicat de France, en appelle au dialogue social pour prendre les bonnes décisions.

Décideurs. Comment les entreprises ont-elles réagi dans leur ensemble. À la fin de cette semaine, comment voyez-vous les choses ?

Laurent Berger. Il y a le temps de l’action et celui de l’analyse. Aujourd’hui, nous sommes encore dans la nécessité d’agir. Le tout premier bilan que l’on peut faire consiste à constater que nous sommes passés, de façon un peu chaotique, de l’insouciance à l’angoisse. Une angoisse partagée par tous, salariés et chefs d’entreprise : la crainte d’être touché soi-même, d’être vecteur de propagation du virus... Le cas qui me préoccupe le plus est celui des salariés des entreprises qui doivent rester ouvertes car elles garantissent notre subsistance : le commerce alimentaire, l’approvisionnement, le transport, les réseaux de communication, etc. Cette semaine a donné lieu à quelques injonctions contradictoires s’agissant de ce qui relève de ces activités essentielles. Il faut redéfinir un discours clair et précis afin de sécuriser l’ensemble de la communauté de travail. Ensuite, quant aux modalités de mise en sécurité, qui constitue la condition sine qua non de la poursuite de l’activité, elles peuvent être définie par le dialogue social.

Il existe aussi un débat sur la précipitation de certaines entreprises à suspendre le travail…

Il est certain que, s’il y a trop de recours au chômage partiel, l’enveloppe de 45 milliards sera vite épuisée...

Que penser de l’incitation du gouvernement à verser une prime de 1 000 euros pour ceux qui travaillent ?

Ce ne doit pas être le salaire de la peur. La santé et les mesures de prévention constituent les priorités absolues. Rien n’a plus de valeur que la vie des travailleurs. Mais qu’une prime soit distribuée à ceux qui poursuivent le travail dans des conditions de sécurité satisfaisantes, ce serait une bonne nouvelle, bien sûr. Toutefois, cela ne se décrète pas à l’échelle nationale, mais doit là encore être traité par le dialogue social. Dans les périodes d’incertitude comme celle que nous vivons, il n’y a pas d’autre solution que de continuer à discuter, à dialoguer. C’est le sens de la déclaration faite hier par l’ensemble des organisation syndicales.

"Cette semaine a donné lieu à quelques injonctions contradictoires s'agissant de ce qui relève des activités essentielles"

Comment maintenir le dialogue social dans ces conditions ? N’est-il pas perçu comme un obstacle en situation d’urgence ?

Beaucoup d’entreprises ont réuni leur CSE, ce n’est pas si long ou si complexe. Il ne s’agit pas de revisiter l’ensemble des conditions de travail mais de rendre possibles les gestes barrières, de se laver les mains, de conserver la distance nécessaire... Le dialogue social n’est pas un ralentisseur mais une sécurité. C’est se confronter ensemble à la situation, et la reconnaissance de ce que les salariés sont ceux qui connaissent le mieux les conditions de leur travail.

Propos recueillis par Marie-Hélène Brissot

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