De la traite automatique au contrôle du cycle de vie des cultures via la blockchain, en passant par les tracteurs ultra-connectés, le numérique transforme l'agriculture. Il répond à de vraies problématiques, mais ne gagne en efficience qu'à diverses échelles.

Contrairement aux autres secteurs économiques, la numérisation de l'agriculture ne peut se lire que sous l'angle de l'innovation. La sociologie rurale, relativement homogène, repose dans de nombreux pays sur une multitude de propriétaires exploitants. En particulier en Europe, où la taille moyenne des exploitations est de 16 hectares, soit environ 10 fois moins qu'aux États-Unis. Difficile dès lors d'envisager les investissements nécessaires à cette transformation pour les petits agriculteurs, malgré les nombreuses aides disponibles.

Une transformation à différentes variables

Pourtant, le digital n'est pas réservé aujourd'hui qu'aux exploitations industrielles. La traite automatique par robot par exemple peine à s'imposer dans les plus gros élevages, où l'emploi de main-d’œuvre agricole, bien qu'en baisse, est plus efficace. En revanche, l'utilisation d'une machine pour une cinquantaine de vaches permet aux agriculteurs d'augmenter leur rendement et de se consacrer à de nouvelles tâches. À condition toutefois de se familiariser à l'outil, dont il devient l'opérateur.

Les coopératives agricoles jouent aussi un rôle important auprès des petites exploitations. Elles sont de plus en plus nombreuses à proposer des marketplaces, à l’image d’Amazon, permettant d’acheter ou de louer en ligne différents outils, dont des machines agricoles. En France, InVivo mène la révolution à travers notamment sa plateforme digitale Aladin. Elle participe également au déploiement et à l’intégration de systèmes d’information agronomiques. La vente de la production se transforme également, sous l'impulsion de start-up, comme Perfarmer qui permet aux agriculteurs de suivre le cours des productions agricoles, pour vendre au meilleur moment.

Des "fermes sans fermiers"

En Asie, sous l'impulsion des pays dépendants de l'approvisionnement extérieur pour se nourrir, comme le Japon, mais aussi la Chine, qui peine encore à répondre au déséquilibre de ses mutations économiques et sociales (urbanisation, transition nutritionnelle, pauvreté du monde rural, etc.), la révolution digitale tend à remplacer les agricultureurs. De véritables "fermes sans fermiers" (farmerless farms) voient le jour. Des machines sans conducteur plantent le riz et récoltent les productions, avec l'appui de drones agricoles, sous l'œil du Big Data, lequel optimise tous les paramètres, comme l'arrosage, l'usage des pesticides ou les délais des récoltes.

En Asie, des machines sans conducteur plantent le riz et récoltent les productions, avec l'appui de drones agricoles.

Des acteurs japonais, comme Panasonic et Fujitsu, sont particulièrement investis dans ce domaine d'avenir.

Des Gafa à l'affût

En outre, la donnée permet de répondre aux attentes de consommateurs toujours plus exigeants sur la traçabilité des produits et les circuits courts. Mais face à une Europe en manque de solutions dans le domaine, les Gafa américains trustent les bases de données. "L’État n'est pas sensibilisé sur les questions de data dans le secteur de l'agriculture. Il y a un changement culturel à opérer. C’est au monde agricole de s’organiser, mais aussi de convaincre l’État de l’enjeu", avertissait en 2019 le député de l'Essonne, Cédric Villani. En l'absence de réponse forte, l'agriculture française pourrait rapidement voir s'imposer de nouveaux monopoles, et finalement subir, plutôt que participer à l'intégration du numérique.

Fabien Nizon

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