Une récente ordonnance du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques est venue réformer le régime de la propriété des personnes publiques, en encadrant les modalités de délivrance des autorisations domaniales et en leur permettant de sécuriser les opérations immobilières qu’elle conduisent avec leurs partenaires.

Par Nicolas Dourlens, avocat associé chez Frêche & Associés AARPI. Le cabinet intervient principalement en droit public des affaires, de l’immobilier, de la construction, de l’urbanisme et de l’environnement.. Nicolas Dourlens y développe les secteurs de la commande publique, des infrastructures et des opérations immobilières. Il conseille essentiellement les opérateurs lors du montage des projets puis au cours de l’exécution des contrats.

 

Frêche & Associés AARPI intervient principalement en droit pubL’article 34 de la loi Sapin 21 avait autorisé le gouvernement à prendre par ordonnance diverses mesures relevant du domaine de la loi en matière de droit des propriétés publiques, concernant en particulier « les règles d’occupation et de sous-occupation du domaine public » et « les règles régissant les transferts de propriété réalisés par les personnes publiques ». C’est l’objet de l’ordonnance du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques.lic des affaires, de l’immobilier, de la construction, de l’urbanisme et de l’environnement.

 

L’occupation et l’utilisation privative du domaine public

L’ordonnance tire les conséquences de la décision Promoimpresa Srl2 qui a imposé une obligation de transparence dans l’attribution des autorisations d’occupation du domaine public qui autorisent l’occupant à exercer une activité économique. Le nouvel article L. 2122-1-1 du CG3P pose ainsi la règle selon laquelle à compter du 1er juillet 2017, « l’autorité compétente organise librement une procédure de sélection préalable présentant toutes les garanties d’impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester ». Les obligations sont toutefois allégées lorsque « l’occupation ou l’utilisation autorisée est de courte durée » ou lorsque « le nombre d’autorisations disponibles pour l’exercice de l’activité économique projetée n’est pas limité ». Il y a même dispense de toute procédure dans un certain nombre d’hypothèses, comme lorsque l’urgence le justifie ou lorsqu’une première procédure de sélection s’est révélée infructueuse ou qu’une publicité suffisante pour permettre la manifestation d’un intérêt pertinent est demeurée sans réponse. Dans tous les cas, la durée de ces titres doit être fixée de manière à ne pas restreindre ou limiter la libre concurrence au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer l’amortissement des investissements projetés et une rémunération équitable et suffisante des capitaux investis. À noter qu’à ce jour, et alors que le gouvernement avait été habilité à instaurer des obligations de publicité et de mise en concurrence préalables aux opérations de cession, l’ordonnance limite le champ de la mise en concurrence à la seule délivrance de certains titres permettant l’occupation privative du domaine public, sans impacter les opérations de cessions de fonciers publics qui continuent donc de relever du gré à gré en ce qui concerne les collectivités territoriales.

 

L'extension du déclassement par anticipation

Le mécanisme du déclassement anticipé permet à la personne publique de déclasser un bien du domaine public et donc de l’aliéner alors même que pour des nécessités de service, le bien est toujours affecté à un service public et surtout qu’il le restera encore quelques mois voire quelques années. Mais jusqu’à présent, le dispositif ne s’appliquait qu’au domaine public artificiel « affecté à un service public » et pour une durée qui ne pouvait excéder trois ans. Désormais, l’article L. 2141-2 du CG3P :

  • étend le champ d’application du déclassement anticipé au domaine public artificiel qu’il soit « affecté à un service public » ou « à l’usage direct du public »
  • ajoute que « lorsque la désaffectation dépend de la réalisation d’une opération de construction, restauration ou réaménagement », le délai de trois années peut être « prolong[é] par l’autorité administrative compétente en fonction des caractéristiques de l’opération, dans une limite de six ans à compter de l’acte de déclassement ».

 

La conclusion de promesses de vente sous condition suspensive de désaffectation et de déclassement

La possibilité pour les personnes publiques de conclure des promesses de vente sous condition suspensive de désaffectation et de déclassement a toujours été très discutée, notamment à raison du caractère purement potestatif de la condition ainsi stipulée, sans que la jurisprudence n’ait apporté de réponse claire. L’ordonnance autorise désormais expressément la conclusion de telles promesses. Le nouvel article L. 3112-4 du CG3P prévoit ainsi qu’« un bien relevant du domaine public peut faire l’objet d’une promesse de vente ou d’attribution d’un droit réel civil dès lors que la désaffectation du bien concerné est décidée par l’autorité administrative compétente et que les nécessités du service public ou de l’usage direct du public justifient que cette désaffectation permettant le déclassement ne prenne effet que dans un délai fixé par la promesse ». Ce nouveau cadre juridique est toutefois assorti de deux contraintes :

  • la promesse doit comporter, à peine de nullité, des clauses précisant que l’engagement de la personne publique propriétaire reste subordonné à l’absence, postérieurement à la formation de la promesse, d’un motif tiré de la continuité des services publics ou de la protection des libertés auxquels le domaine en cause est affecté qui imposerait le maintien du bien dans le domaine public ;
  • la réalisation de cette condition pour un tel motif ne donne lieu à indemnisation du bénéficiaire de la promesse que dans la limite des dépenses engagées par lui et profitant à la personne publique propriétaire.

 

La régularisation rétroactive des actes de disposition

L’article 12 de l’ordonnance permet aux personnes publiques ayant cédé un bien désaffecté mais non déclassé de le déclasser rétroactivement afin de régulariser la cession. Il prévoit ainsi « les biens des personnes publiques qui, avant l’entrée en vigueur de la présente ordonnance, ont fait l’objet d’un acte de disposition et qui, à la date de cet acte, n’étaient plus affectés à un service public ou à l’usage direct du public peuvent être déclassés rétroactivement par l’autorité compétente de la personne publique qui a conclu l’acte de disposition en cause, en cas de suppression ou de transformation de cette personne, de la personne venant aux droits de celle-ci ou, en cas de modification dans la répartition des compétences, de la personne nouvellement compétente ». Concrètement, une régularisation rétroactive est possible lorsque l’origine de propriété fait apparaître qu’il n’y a pas eu de déclassement alors que pourtant, le bien avait été effectivement désaffecté. Mais le dispositif ne peut être mis en oeuvre qu’au bénéfice de biens qui ont fait l’objet d’un acte de disposition avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance, les autres biens devant suivre la procédure de droit commun désaffectation puis déclassement.

 

Les points clés

La dernière réforme de la propriété des personnes publiques, annoncée par la loi Sapin 2, emporte quatre séries de conséquences :

  • L’occupation et l’utilisation privative du domaine public relèvent désormais d’une logique d’appel d’offres, même si le texte aménage certaines dérogations.
  • Le mécanisme du déclassement anticipé est étendu à l’ensemble du domaine public artificiel.
  • La conclusion de promesses de vente sous condition suspensive de désaffectation et de déclassement est expressément autorisée.
  • Une possibilité de régularisation des actes de disposition est créée.

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