La loi n°2018-670 « relative à la protection du secret des affaires » a été promulguée le 30 juillet 2018 après sa validation par le Conseil constitutionnel le 26 juillet 2018. Elle est complétée par le décret n°2018-1126 du 11 décembre 2018 qui en fixe les conditions d’application.

Les points clés

- La protection légale du secret des affaires permet aux entreprises de protéger leurs actifs immatériels au-delà des contingences de la propriété intellectuelle.

- La loi ne reconnaît pas un monopole absolu au secret des affaires, mais sa détention légitime sous réserve des droits licites des tiers.

- La loi permet au secret des affaires de bénéficier d’une protection judiciaire tout en préservant le principe du contradictoire et les droits de la défense.

Même si sa protection judiciaire s’en inspire, le secret des affaires se distingue de la propriété intellectuelle qui protège déjà l’innovation. Le secret des affaires « permet de protéger les procédés, les formules de fabrication ou autres éléments techniques non brevetables, ainsi que les connaissances techniques ou commerciales, mais ne confère pas les mêmes droits qu’un brevet. Les concurrents de l’entreprise ont le droit de proposer le même produit, d’utiliser les mêmes procédés, formules de fabrication ou d’autres éléments techniques »1.


Les conditions de la protection


La protection sera accordée à une information qui répond à trois critères cumulatifs2 :
« 1° Elle n’est pas, en elle-même ou dans la configuration et l’assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d’informations en raison de leur secteur d’activité ;
2° elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ; 
elle fait l’objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret. »
Il s’agira d’une information non ­divulguée ou soumise à des contraintes techniques ou juridiques qui en interdisent ou restreignent l’accès (accords de confidentialité, conservation sur un serveur protégé par mot de passe, etc.).

« Le secret des affaires permet aux entreprises de protéger leurs actifs immatériels autrement que par la propriété intellectuelle »


Il pourra s’agir d’une invention brevetable ou de toute innovation non brevetable comme des études statistiques, des données commerciales ou de clientèles, des algorithmes, des procédés de vente ou de fabrication, des techniques de management ou de gestion, pour autant qu’elle ne soit pas accessible par « l’homme de l’art » et que sa valeur « commerciale » effective ou potentielle puisse être prouvée, à la lumière notamment des investissements qui auront été nécessaires. On peut penser que le juge retiendra aussi l’économie réalisée par le concurrent qui s’approprierait illicitement un secret d’affaire en profitant gratuitement du fruit des efforts de toute nature et des investissements d’autrui, comme il le fait déjà en matière de concurrence parasitaire.


Les bénéficiaires de la protection


Il n’existe pas de monopole absolu sur le secret des affaires, à la différence des droits de propriété intellectuelle. « Est détenteur légitime d’un secret des affaires celui qui en a le contrôle de façon licite3. » Il convient de raisonner en termes de détention et, plus encore, de « contrôle » de l’information. Cette approche est analogue à celle de l’article L.121-2 du Code de la propriété intellectuelle selon qui « l’auteur a seul le droit de divulguer son œuvre (…) Il détermine le procédé de divulgation et fixe les conditions de celle-ci ». L’accès à un secret des affaires par un tiers peut être licite s’il résulte de : 
« 1° Une découverte ou une création 
indépendante ; 
2° L’observation, l’étude, le démontage ou le test d’un produit ou d’un objet qui a été mis à la disposition du public ou qui est de façon licite en possession de la personne qui obtient l’information, sauf stipulation contractuelle interdisant ou limitant ­l’obtention du secret » (ingénierie inverse).


La protection judiciaire du secret des affaires


La loi nouvelle précise les cas où l’obtention, l’utilisation et la divulgation d’un secret des affaires sans le consentement de son détenteur légitime sont illicites4 et ceux où le secret des affaires ne sera pas opposable (notamment à l’égard d’autorités juridictionnelles ou administratives, pour l’exercice du droit à la liberté d’expression et de communication, pour la révélation d’activités illégales dans le but de protéger l’intérêt général, lorsque l’information aura été obtenue à l’occasion de l’exercice du droit à l’information et à la consultation des salariés)5.
Toute atteinte au secret des affaires telle que prévue aux articles L.151-4 à L.151-6 engage la responsabilité civile de son auteur et se prescrit par 5 ans à compter des faits qui en seront la cause. Des mesures préventives ou pour faire cesser une atteinte au secret des affaires pourront être ordonnées sans préjudice de dommages et intérêts6. Le décret du 11 décembre 2018 détaille notamment les mesures provisoires et conservatoires qui pourront être demandées en référé ou sur requête7. À noter que la loi fixe des règles d’évaluation du montant des dommages et intérêts similaires à celles en vigueur en matière de contrefaçon8. La loi sanctionne enfin les procédures dites « baillons » par une amende civile spécifique9.

La prise en compte du secret des affaires dans une instance judiciaire


La loi crée des règles procédurales pour préserver le secret des affaires tout en respectant le principe du contradictoire et les droits de la défense. Le juge peut prendre des mesures particulières10 lorsqu’à l’occasion d’une instance civile ou commerciale en référé préventif ou au fond, il est fait état ou est demandée la communication ou la production d’une pièce dont il est allégué par une partie qu’elle est de nature à porter atteinte à un secret des affaires. Dans ce cas, le juge pourra notamment limiter la communication ou la production de cette pièce à certains de ses éléments, en ordonner la communication ou la production sous une forme résumée ou en restreindre l’accès au plus à une personne physique et une personne habilitée à assister ou représenter une partie.
À noter que la question de la production de pièces demandées par un expert judiciaire au cours de ses opérations, en dehors dès lors d’une instance, et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte à un secret des affaires, est abordée spécifiquement, en même temps que le référé article 145, par l’article R.153-1 nouveau du Code de commerce.
Toute personne ayant accès à une pièce ou au contenu d’une pièce considérée par le juge comme étant couverte ou susceptible d’être couverte par le secret des affaires est tenue à une obligation de confidentialité lui interdisant toute utilisation ou divulgation des informations qu’elle contient11. À noter que les avocats ne sont pas liés par cette obligation de confidentialité à l’égard de leur client sauf dans le cas prévu à l’article L.153-1, 1°.
L’obligation de confidentialité perdure à l’issue de la procédure. Toutefois, elle prend fin si une juridiction décide, par une décision définitive, qu’il n’existe pas de secret des affaires ou si les informations en cause ont entre-temps cessé de constituer un secret des affaires ou sont devenues aisément accessibles.  

1 Avis n°775du 21/03/2018, Commission des Affaires Économiques de l’AN
2 Art. L.151-1 C. Com.
3 Art.L.151-2 C. Com.
4 Art. L.151-4 à L.151-6 C. Com.
5 Art. L.151-7 à 151-9 C. Com.
6 Art. L.152-3 C Com.
7 Art. R.152-1 C. Com.
8 Art. L.152-6 C. Com.
9 Art. L.152-8 C. Com.
10 Art. L.153-1 C Com.
11 Art. L.153-2 C. Com.

Sur les auteurs
Coresponsables du département contentieux des affaires de Delsol Avocats, Stéphane Perrin, Alexis Chabert et Pierre-Marie Durade-Replat interviennent dans tous les domaines du droit en lien avec les situations conflictuelles ou contentieuses que peuvent rencontrer les entreprises ou leurs dirigeants au plan commercial ou en matière pénale des affaires.

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