Alors que la fonction juridique en entreprise était en pleine croissance depuis trois ans, la crise vient de rebattre les cartes. Peu de craintes à avoir quant à l’employabilité des juristes, mais une stabilisation du nombre des embauches est à prévoir.

Seuls 3 directeurs et directrices juridiques sur les 40 que Décideurs Juridiques a interrogés pensent que leur direction sortira affaiblie de la crise. Ils sont en revanche 20 à se dire renforcés et 21 à ne percevoir aucun impact. La crise n’aura que très peu de conséquences sur leurs effectifs. "Il n’y aura pas de changement dans notre équipe qui réunit une vingtaine de collaborateurs", confirme par exemple Nathalie Dubois, la directrice juridique du groupe Fnac Darty. "Les fonctions juridiques sont plus épargnées que d’autres, le gel des embauches n’est pas systématique et provisoire du fait du confinement", réagit Constance Philippon, qui dirige la division dédiée aux juristes d’entreprise chez Robert Walters. La chasseuse de têtes explique même avoir poursuivi ses processus de recrutement à distance, 100 % digitaux, de candidats n’ayant rencontré physiquement personne ni chez Robert Walters ni dans l’entreprise.

Un marché de l’emploi freiné

"Pour le moment, nous privilégions la mobilité interne", explique Timothé Kieffer chez SNCF Réseaux. Pour l’avenir rien n’est encore assuré. Même son de cloche du côté de Bolloré Transport & Logistics : "J’ignore ce que sera l’avenir puisque nous avons eu de la chance, tous nos recrutements ayant été pourvus juste avant le début de la crise, raconte son directeur juridique Éric Amar. Il y a donc à parier que du fait de la crise nos effectifs ne vont pas croître à court ou moyen terme. Mais si on raisonne en termes de besoins de droit, il est certain qu’ils seront dans l’avenir au moins égaux voire supérieurs à la période avant la crise." Les entreprises, quelle que soit leur taille, se sont beaucoup reposées sur leurs juristes durant les deux mois de confinement et encore aujourd’hui pour l’organisation de la reprise d’activité. "Le juridique est devenu la clé de résolution de tous les cas exceptionnels dus à la crise, confirme Constance Philippon. Les attentes relatives à la succession de décrets, le droit social et bientôt le droit fiscal, l’univers du risque contractuel… tout ce qui avait pu être standardisé auparavant est devenu du cas par cas urgent et de première nécessité."

"J’ignore ce que sera l’avenir puisque nous avons eu de la chance, tous nos recrutements ayant été pourvus juste avant le début de la crise"

Éric Amar, Bolloré Transport & Logistics

Voilà pour le constat. Dans les prochains mois, le marché de l’emploi sera certainement freiné, même si l’impact de la crise sur les salaires ne se fera pas sentir avant longtemps. D’ores et déjà, du côté des chasseurs de têtes, on compte moins de dossiers rentrants que par le passé, les missions qui leur sont confiées sont des remplacements post-démission à des fonctions particulièrement stratégiques, compétitives, comme la protection des données et la cybercriminalité. Il sera aussi chamboulé par de nouveaux paramètres : le bilan de l’état de santé des entreprises, secteur par secteur, la digitalisation croissante, réalisée parfois à marche forcée, des services juridiques et l’arrivée sur le marché de l’emploi de nombreux avocats licenciés ou qui ont choisi de quitter la profession en raison de la mauvaise gestion de la crise par leur cabinet (lire le dossier spécial). 

Cependant, ce dernier paramètre ne va pas nécessairement jouer en défaveur des juristes. Tout d’abord, ce ne sont que dans des matières très spécifiques que l’employabilité des avocats est supérieure à celle d’un juriste d’entreprise. Un spécialiste des fusions-acquisitions ou du financement par exemple, qui sont des niches, sera plus privilégié s’il vient d’un cabinet. Mais ce n’est pas le cas s’il est spécialisé en droit des contrats, de la compliance, en droit social… Ensuite, l’arrivée massive d’avocats sur le marché va peut-être au contraire renforcer la communauté du droit. C’est en tout cas le souhait de Marc Mossé, le directeur juridique de Microsoft, à la tête de l’AFJE : "Les difficultés que rencontrent les cabinets d’avocats en raison de la crise renforcent le besoin de rassemblement de la filière juridique. Osons un regard prospectif pour faciliter la mobilité des juristes."

Et ce, d’autant plus que dans l’avenir, le département juridique va lui aussi se transformer. "En cas de réduction des coûts, le juriste doit se montrer solidaire des opérationnels et des autres directions, réagit le directeur juridique adjoint et directeur de la compliance Timothé Kieffer. Nous avons montré notre valeur ajoutée et nous sortons renforcés auprès de nos clients internes mais la fonction juridique doit, comme les autres fonctions dans l’entreprise, pouvoir démontrer sa productivité." Autrement dit, si le juriste a pu longtemps rester enfermé dans sa tour d’ivoire, il a aujourd’hui les mains dans le cambouis.

Pascale D'Amore

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