Les travaux de médiation entre bailleurs et locataires commerçants pilotés par Jeanne-Marie Prost à la demande du gouvernement ont conduit à la rédaction d’une charte de bonnes pratiques. Un document qui ne met pas tout le monde d'accord. Explications.

41 jours. C’est le temps qui se sera écoulé entre la nomination de Jeanne-Marie Prost comme médiatrice sur les loyers des commerçants et la finalisation des travaux entre bailleurs et locataires. Bruno Le Maire a en effet annoncé ce 3 juin la rédaction d’une charte encadrant les reports et annulations de loyers pour la période de confinement et la période de reprise jusqu’au 30 septembre 2020.

Cette charte doit permettre aux commerçants et aux bailleurs de se référer à un accord cadre commun et des règles de bonne conduite pour leurs discussions de gré à gré. La charte a reçu l’adhésion des fédérations de bailleurs (CNCC, SFIF, UNPI, AFG, ASPIM, FFA) et de fédérations de commerçants (Confédération des commerçants de France, Commerçants et artisans des métropoles de France, fédérations de l’habillement, de l’équipement du foyer, des détaillants de la chaussure, de la photographie, la fédération des marchés de gros, le syndicat national des antiquaires, le Comité des galeries d’art). Certaines fédérations de commerçants qui ont été associées à la médiation, n’ont pas souhaité adhérer à la charte, et préfèrent poursuivre la négociation avec leurs bailleurs sans se référer à ce cadre.

Dans cette charte, les bailleurs acceptent de reporter 3 mois de loyers (2 au titre du confinement et 1 correspondant à un prorata des 4 mois de reprise jusqu’à septembre) pour les commerçants qui en ont besoin, quelle que soit leur taille. Les grandes fédérations de bailleurs (CNCC, SFIF, CDC, AFG, ASPIM, FFA) s’étaient déjà engagées à annuler trois mois de loyers pour les TPE fermées administrativement. Le bailleur et son commerçant devront s’accorder avant le 30 juin sur le règlement des sommes reportées et l’échéancier de remboursement, qui pourra s’étendre au-delà du 30 septembre si la situation du commerçant le justifie.

La charte prévoit par ailleurs une clause de rendez-vous entre le 1er juin et le 1er octobre, pour organiser la discussion entre le bailleur et son commerçant sur les annulations de loyers. Les annulations seront examinées en gré à gré, sur la base des critères de chiffre d’affaires et des difficultés de trésorerie du commerçant. « Ces annulations seront accordées sans contrepartie pour les locataires les plus fragiles, et avec des contreparties éventuelles pour les autres locataires », assure le ministère de l’Economie et des Finances.

Les bailleurs indiquent dans la charte, que le total des annulations accordées par bailleur pourra aller jusqu’à 50 % des trois mois de loyers qu’il aura reportés pour l’ensemble de ses locataires. Dans les discussions de gré à gré, entre un bailleur et un commerçant, le locataire pourra obtenir plus ou moins que les 50 % d’annulation de loyers préconisés, en fonction de ses difficultés.

Enfin, la charte prévoit le recours, à la demande des parties, à des modes non contentieux de règlement : médiation des entreprises et commissions départementales de conciliation des baux commerciaux.

"Cette charte de bonnes pratiques constitue un signal positif au service de l’intérêt des commerçants fragilisés par la crise, notamment les petits et les indépendants, comme celui des bailleurs", assure Bruno Le Maire. Suffisant pour apaiser toutes les tensions ? Non à en croire 15 grandes fédérations du commerce qui ont renoncé à signer la charte.

Un antagonisme qui persiste


"Nous regrettons vivement que cette médiation n’ait pas permis de trouver un accord acceptable avec les bailleurs sur la question des loyers, expliquent l’Alliance du commerce, Procos, la fédération française de la franchise, le syndicat national de la restauration publique organisée, la fédération du commerce et services de l’électrodomestique et du multimédia, la fédération française du négoce de l'ameublement et de l'équipement de la maison, le rassemblement des opticiens de France, l’union de la bijouterie horlogerie, l’union sport & cycle, le syndicat national de l’alimentation et de la restauration rapide, le syndicat national de la restauration thématique et commerciale, la fédération nationale des métiers de la jardinerie, la fédération des commerces spécialistes des jouets et des produits de l’enfant, la fédération national des cinémas français, et la fédération nationale des entreprises des activités physiques de loisirs. Nous dénonçons fortement les propositions formulées dans le projet de charte. Limitées, non contraignantes, déséquilibrées et excluantes, elles témoignent de l’incompréhension totale d’une majorité des bailleurs des conséquences graves de la crise du Covid-19 pour notre secteur. Nos nombreuses propositions n’ont pas été entendues lors de cette médiation. Le problème des loyers reste donc entier."

Elles ajoutent : "Malgré la réouverture d’une part importante des établissements, nos commerces et nos entreprises sont en danger. Il est impératif et urgent de trouver des solutions pour sauver les emplois et les entreprises, quels que soient leur taille et leur lieu d’implantation. Nous continuerons à accompagner nos adhérents sur le sujet des loyers et appelons le gouvernement à travailler en urgence à 2 l’élaboration d’un plan de soutien spécifique à l’ensemble des acteurs du commerce."

Le Conseil national des centres commerciaux (CNCC) se félicite pour sa part que plusieurs fédérations de commerçants aient accepté de signer la charte issue de cette médiation et regrette "que d’autres s’en abstiennent alors qu’elle aurait bénéficié à un maximum de leurs adhérents en définissant un accord cadre équitable et des règles de bonne conduite pour des discussions de gré à gré ». Il recommande toutefois à ses adhérents bailleurs « d’appliquer cette charte à l’ensemble de leurs locataires, y compris aux adhérents de fédérations qui n’en sont pas signataires." 

Par François Perrigault (@fperrigault)

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