Internet nous promettait l’accès à une quantité infinie d’informations et à une ouverture sur le monde inégalée. C’était sans compter sur les algorithmes qui, à la recherche de toujours plus de clics, nous enferment sur nous-même.

Le développement des cookies a permis à Google d’affiner ses algorithmes de recherche. Depuis 2010, ces derniers sont capables de proposer des résultats en fonction de 57 signaux différents (âge, sexe, géolocalisation, navigateur utilisé, dernières recherches...). EdgeRank, l’algorithme de Facebook qui détermine la visibilité des pages et des amis sur votre fil d’actualités, fonctionne de la même façon. Cette personnalisation poussée à l’extrême fait qu’Internet nous propose en permanence des liens, des sites et des publicités allant dans le sens de nos choix habituels. Dans son livre The Filter Bubble publié en 2011, Eli Pariser, spécialiste du cyberespace, théorise cette tendance sous le terme d’ « autopropagande invisible ».

 

Consommateurs vs citoyens

 

Pour illustrer ces propos, il donne l’exemple de deux personnes opposées politiquement qui lancent une recherche Google sur « BP ». Pour celle de « droite », les résultats portent sur les chiffres financiers du groupe pétrolier, tandis que pour celle qui penche plus à gauche, ils se concentrent sur la dernière marée noire causée par la compagnie pétrolière britannique. En proposant en priorité aux usagers du Web ce qu’ils aiment et pensent déjà, le Net les emprisonne dans une « bulle cognitive ». Ce monde égocentré traite les individus comme des consommateurs et non des citoyens.

 

Désormais, le phénomène est tel qu’il remet en cause la qualité de l’information. Une étude réalisée par Oxford en juin 2016 montre que 51 % des Internautes déclarent s’informer sur les réseaux sociaux. Pour 12 % d’entre eux, c’est même la première source d’information. Chez les 18-24 ans, ce chiffre monte à 28 %. Avec l’essor des blogs et des réseaux sociaux, un Internaute peut donc n’avoir qu’une vision partielle des faits. Katharina Viner, rédactrice en chef du quotidien britannique The Guardian, a mis en avant ce phénomène lors  du référendum sur le Brexit. Dans un article intitulé « Comment la technologie a perturbé la vérité »,  elle met en avant les fausses informations qui ont circulé en vase clos sur le Web lors de la campagne pour le référendum.

 

Si les grandes sociétés d’Internet nient toute volonté d’influencer les campagnes, l’usage qui est fait d’Internet doit les interpeller. À l’heure où nos sociétés sont de plus en plus divisées, il est temps qu’elles agissent en reprogrammant leurs algorithmes de sorte que nous puissions disposer d’une information pluraliste, condition indispensable pour un dialogue citoyen constructif.

 

V. P.

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