Par Étienne Boyer, avocat associé, et Maïténa Lavelle, avocat. Delrue Boyer Gadot
La loi n°2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 est venue supprimer la possibilité d’invoquer l’inopposabilité de la décision de prise en charge d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. à compter du 1er janvier 2013, l’employeur devra s’acquitter des sommes dont il est redevable auprès de la CPAM en cas de reconnaissance de sa faute inexcusable.

Dans le cadre du contentieux de la faute inexcusable, les employeurs disposaient traditionnellement de deux moyens de défense, l’un portant sur la régularité de la procédure menée par la CPAM lors de la déclaration de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle, et l’autre portant sur le fond, consistant dans la démonstration de ce que les éléments constitutifs de cette faute n’étaient pas réunis (1). La loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a fait disparaître le moyen de défense portant sur la forme. En effet, la jurisprudence rappelait régulièrement qu’une décision de prise en charge par la CPAM d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle était opposable à l’employeur dès lors que la Caisse avait respecté son obligation d’information à son égard. Ce principe qui découlait des dispositions des articles R.441-10 et suivants du Code de la sécurité sociale avait une importance considérable pour les employeurs qui s’assuraient systématiquement de son respect par la Caisse. En cas de violation, ils pouvaient exercer un recours devant la Commission de recours amiable, puis devant le tribunal des affaires de sécurité sociale si nécessaire, de façon à se voir déclarer inopposable la décision de prise en charge de l’accident ou de la maladie au titre de la législation professionnelle. L’inopposabilité constatée avait alors pour effet de priver la CPAM de la possibilité de récupérer sur l’employeur les sommes versées par elle, y compris celles avancées au titre des dommages et intérêts complémentaires allouées à la victime, en exécution d’une décision de justice, reconnaissant la faute inexcusable (2).

L’employeur ne pourra plus se prévaloir de l’inopposabilité

à compter du 1er janvier 2013, la reconnaissance par décision de justice devenue définitive de la faute inexcusable de l’employeur emporte, dans tous les cas, obligation pour celui-ci de s’acquitter des sommes dont il est redevable à ce titre auprès de la Caisse. L’employeur ne pourra donc plus, pour s’exonérer de cette obligation, se prévaloir de l’inopposabilité de la décision de reconnaissance du caractère professionnel du sinistre à son égard en raison du non-respect par l’organisme social de son obligation de l’informer au cours de la procédure d’admission.(3) Ces dispositions ont été introduites dans le Code de la sécurité sociale par l’article L.452-3-1. L’employeur devra ainsi assumer les conséquences financières de la reconnaissance de sa responsabilité par la prise en charge de la majoration maximum de la rente ou du doublement du capital alloué à la victime de la faute inexcusable en cas d’incapacité permanente ainsi que de l’indemnisation de ses préjudices découlant notamment de l’article L.452-3 du Code de la sécurité sociale (pretium doloris, préjudice esthétique, préjudice d’agrément, perte de promotion professionnelle).
Il convient, à ce titre, de rappeler que dans sa décision du 18 juin 2010 (4) le Conseil constitutionnel a élargi la nature des postes de préjudices indemnisables en indiquant que les victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle pouvaient solliciter l’indemnisation de préjudices complémentaires dès lors que ceux-ci n’étaient pas couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale. Ainsi, les postes tels que l’aménagement du logement ou du véhicule, le déficit fonctionnel temporaire, le préjudice sexuel, la tierce personne avant consolidation, les frais divers exceptionnels, etc. pourront donner lieu à des dommages et intérêts supplémentaires (5).(6)

Versement de la majoration de rente sous forme de capital
La loi de financement de la sécurité social pour 2013 a par ailleurs modifié le régime du règlement par l’employeur, auteur d’une faute inexcusable, de la majoration de rente ou du capital alloué à la victime. Lorsque la CPAM en récupérait le montant auprès de l’employeur, cette récupération se faisait par le biais d’une cotisation complémentaire due pour une durée maximale de vingt ans. La récupération sous forme de capital n’était légalement prévue qu’en cas de cession ou de cessation de l’entreprise et était admise par la jurisprudence en cas d’accord des parties. Désormais, cette récupération se fera, dans tous les cas, sous la forme d’un capital représentatif des prestations dans des conditions qui seront prochainement déterminées par décret. Ces nouvelles dispositions, ont été intégrées aux articles L.452-2 et L 452-4 du Code de la sécurité sociale qui prévoient désormais une obligation de remboursement immédiat, par l’employeur, du capital représentatif de la rente et seront applicables au titre des majorations de rente et indemnités en capital ayant pris effet à compter du 1er avril 2013. En réalité, au-delà des employeurs directement concernés par ces réformes, ces modifications vont également engendrer des répercussions pour les assureurs des employeurs poursuivis au titre de la faute inexcusable. En effet, lorsque les entreprises pouvaient se prévaloir de l’inopposabilité de la décision de prise en charge de l’accident ou de la maladie professionnelle, celle-ci bénéficiait directement à l’assureur qui n’avait pas à assumer les conséquences financières de la réalisation du risque. Cette possibilité étant désormais supprimée par la LFSS 2013, ce sont les assureurs qui devront supporter, sous réserve du montant de leurs franchises, la charge finale des indemnisations allouées aux victimes.

En conclusion, ces modifications législatives vont nécessairement engendrer des répercussions sur les contrats d’assurance souscrits par les entreprises. En effet, les conséquences financières de leur application devraient donner lieu à une réflexion portant sur la rédaction des polices d’assurance de façon à mieux connecter le paiement des primes aux risques couverts par les compagnies d’assurance. Elles s’inscrivent dans le cadre d’une politique de prévention globale des accidents du travail et maladies professionnelles qui s’est notamment développée avec le plan santé au travail pour 2009-2012 et qui vient d’être confirmée par le rapport annuel de la Cour des comptes du 12 février 2013.

1- (Soc.28 février 2002, JCP 2002.II.10053)
2 -(Cass. 2e Civ. 1er juillet 2010 n°09-14.576 CPAM des Ardennes / JUREK)
3 - V.note Thomas HUMBERT, La disparition des effets de l’inopposabilité des accidents du travail en cas de faute inexcusable de l’employeur : JCP édition sociale
n°9 – 26 février 2013
4 -Cons.18 juin 2010, n°2010-8 QPC : Jurisdata n°2010-030579
5 - Cass 2e Civ. 4 avril 2012, n°11-15353 ; Cass 2e Civ., 4 avril 2012 n°11-14311 et 11-14594 ; Cass 2e Civ, 4 avril 2012, n°11-18014 ; Cass 2e Civ. 28 juin 2012, n°11-16.120…)
6 - V. note Dominique ASQUINAZI-BAILLEUX, Gérard VACHET, Identification des débiteurs et des préjudices réparables en cas de faute inexcusable de l’employeur : JCP édition sociale n°25 – 19 juin 2012





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