Oui la gauche a perdu une grande partie des classes populaires au profit de l’extrême droite, notamment le RN. Mais la situation n’est pas figée et il est possible de changer la donne estime une étude menée par la Fondation Jean-Jaurès.

Le récent ralliement de Marion Maréchal à la candidature d’Eric Zemmour offre une nouvelle illustration de la reconfiguration des forces idéologiques à droite. Entre 2012 et 2017, la nièce de Marine Le Pen avait incarné la ligne libérale, identitaire et catholique du Front national, notamment contre son meilleur ennemi Florian Philippot L’inspirateur du tournant social du parti d’extrême-droite incarnait quant à lui le revirement idéologique frontiste épousant une matrice social-souverainiste. Virage politique extrêmement habile, le Front national de Marine Le Pen rompait alors avec la ligne originale du parti, son électorat et ses références.

Dans le même temps, la gauche au pouvoir peinait à se définir positivement. Dessaisie de son cœur électoral, les classes populaires, et privée de ses références républicaines, la gauche s’est retrouvée nue. Si le Rassemblement national n’a pu obtenir de réelles victoires éclatantes dans les urnes, sa victoire idéologique par une entreprise d’aspiration du corpus social-républicain était indéniable. Mais son incapacité à faire exploser le « plafond de verre » se traduisant justement par ces échecs électoraux ont nourri les critiques idéologiques qui étaient déjà portées à cette nouvelle ligne. Le surgissement d’Eric Zemmour et de la nébuleuse néo-conservatrice en sont l’aboutissement. Ils se donnent notamment pour mission de corriger les incohérences de Marine Le Pen, considérées comme les sources de l’impasse politique qu’elle représente : concentration sur le seul vote populaire incapable de permettre une victoire dans les urnes, travestissement d’un corpus traditionnellement libéral-conservateur pour une cartographie sociale et laïque faisant impasse à l’objectif d’union des droites.

La situation de la gauche française depuis 2017 a engendré différentes des analyses diverses et permis un affrontement stimulant, notamment dans le champ intellectuel, pour tenter de mettre au jour les raisons de cet effondrement politique. L’enjeu est en fait plus grand, il s’agit de dessiner les contours de ce qui pourrait constituer le retour d’une proposition politique progressiste à la hauteur des enjeux que connaissent la France et le monde.

La "proposition zemmourienne", si elle apparait rattrapée par l’Histoire elle-même rattrapée par le tragique, présente néanmoins l’avantage de clarifier l’état du débat d’idées et d’offrir à la gauche et plus généralement au champ authentiquement progressiste l’occasion d’un réarmement intellectuel consistant. Celui-ci devrait s’en tenir à un réinvestissement d’un enjeu devenu central à l’heure du numérique, de la désindustrialisation et de la désertification des villes moyennes : la promotion du lien social, ciment de la cohésion républicaine. L’actualisation de la "question sociale" remise au cœur des préoccupations, indissociable d’une affirmation républicaine incarnée et dépassant le simple stade de l’incantatoire semblent des voies d’avenir. Le surgissement néo-réactionnaire offre à la gauche l’opportunité de s’en donner les moyens.

Adrien Broche et Vincent Lemperat auteurs de l’étude "La gauche face au surgissement néo-réactionnaire" pour la Fondation Jean Jaurès. A lire sur le lien ci-contre.

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