En acceptant de se saisir du cas de la commune de Grande-Synthe, le Conseil d’Etat est pour la première fois contraint de trancher dans une affaire portant sur le respect des engagements environnementaux. Manquant d’informations pour rendre un verdict, le Conseil accorde un délai de trois mois au gouvernement.

Les accords de Paris du douze décembre 2015, organisés dans le cadre de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), furent le théâtre de nombreuses prises de position et promesses. La France ne fait pas exception, et a convenu de l’objectif de 37 % de baisse des émissions par rapport au niveau de 2005, avant 2030. Non content de ce premier engagement, l’hexagone a néanmoins décidé de mettre la barre encore plus haut, en mettant sa stratégie de lutte contre le changement climatique sur les rails d’une baisse des émissions de 40 %, par rapport au niveau de 1990, d’ici à 2030.

Une commune aux origines

Après avoir imploré le gouvernement français d’intensifier ses efforts en matière de lutte contre le changement climatique en 2018, et avoir essuyé un refus, la commune de Grande-Synthe place le curseur au cran supérieur, et saisit le Conseil d’Etat en 2019. Toutefois, elle était cette fois-ci soutenue par les villes de Grenoble et de Paris, ainsi que par plusieurs associations, parmi lesquelles Oxfam, la Fondation Nicolas Hulot et la branche française de Greenpeace. De fait, la commune du Nord de la France est particulièrement sensible à ces problématiques environnementales, étant par sa position géographique directement exposée aux conséquences néfastes du changement climatique. Grande-Synthe est située sur le littoral, rendant le moindre épisode de montée des eaux préoccupant, avec à la clé un risque accru d’inondations, mais aussi de sécheresses.

"La France a seulement réalisé une baisse moyenne de ses émissions de 1 % par an alors que le plafond fixé imposait une réduction de l'ordre de 2,2 % par an"

Compte tenu de la situation de la commune, le Conseil d’Etat a accepté de se pencher sur ce cas, envisageant la possibilité que les mesures prises par les plus hautes instances soient insuffisantes au regard des promesses itérées. Il précise néanmoins que les objectifs que s'est fixés la France à ce titre doivent être lus à la lumière de ces accords afin de leur donner une pleine portée en droit français.

Un engagement qui s’amorce mal

Si l’engagement de la France est louable, les promesses n’engagent que ceux qui les croient. En effet, sur la période 2015-2018, l’hexagone a largement dépassé le plafond d’émissions prévu par son engagement aux accords de Paris, repoussant l’essentiel des efforts à la décennie 2020. La stratégie du gouvernement français se décline sur quatre périodes (2015-2018, 2019-2023, 2024-2028 et 2029-2033). Chacun de ces paliers de voit allouer un budget carbone, c’est à dire un seuil d’émissions à ne pas dépasser. D’après le Conseil d’Etat, "la France a seulement réalisé une baisse moyenne de ses émissions de 1 % par an alors que le plafond fixé imposait une réduction de l'ordre de 2,2 % par an". De plus, les deuxième, troisième et quatrième plafond d’émissions ont été revu à la baisse, suite à un décret du 21 avril 2020.

Une réaction proportionnée ?

Au vu des éléments rapportés, le Conseil d’Etat laisse au gouvernement français un délai de trois mois pour justifier de son refus. Si au bout de ce délai, le gouvernement ne parvenait pas à fournir les justifications nécessaires à convaincre le Conseil d’Etat de l’adéquation des efforts fournis avec les objectifs de l’horizon 2030, alors, ce dernier pourrait annuler le refus gouvernemental de prendre des mesures supplémentaires, adressé à la commune de Grande-Synthe.

Thomas Gutperle

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