Par Sophie Pélicier-Loevenbruck et Sabrina Dougados, avocats associés. Fromont Briens
L’actuel projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi prévoit plusieurs dispositions en matière de formation professionnelle, dont l’impact pour les entreprises au regard de la gestion de leurs ressources humaines n’est pas neutre. En particulier s’agissant de la création d’un compte personnel de formation et de l’articulation du plan de formation avec la négociation triennale sur la GPEC.

L’accord national interprofessionnel (ANI) « pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels des salariés » en date du 11 janvier dernier fait actuellement l’objet d’une transposition législative. Sur vingt-huit articles qui composent le texte de l’ANI, douze concernent plus ou moins directement le domaine de la formation professionnelle, quatre d’entre eux lui étant entièrement consacrés. S’agissant d’une négociation multidimensionnelle, on ne peut ainsi que relever la place déterminante qu’occupe le volet formation, outil de RH situé au cœur du triptyque : compétitivité des entreprises/sécurisation de l’emploi/aspirations et développement des compétences des salariés. Parmi ces dispositions, deux reprises par l’actuel projet de loi méritent plus particulièrement d’être commentées compte tenu de leur impact dans les entreprises.

La création du compte personnel de formation : quels enjeux à venir ?
L’article 2 du projet de loi prévoit la création d’un compte personnel de formation (CPF) conformément à l’article 5 de l’ANI. Le principe est ainsi posé. À la lumière tant du texte de l’ANI, de l’étude d’impact relatif au projet de loi qu’aux débats parlementaires, il apparaît ne pas s’agir d’un nouvel outil de formation mais d’un « réceptacle » qui, comme tel, s’apparente à un agrégat de dispositifs d’accès - pour la plupart préexistants - à l’insertion (formation initiale différée), à l’orientation (conseil en orientation professionnelle) et à la formation (droit individuel à la formation, congé individuel de formation, etc.). Attaché à la personne indépendamment de sa situation professionnelle depuis son entrée sur le marché du travail jusqu’à son départ à la retraite, selon la devise « universalité, individualité, transférabilité », le CPF dépasse ainsi largement les concepts de « transférabilité » et de « portabilité » tels qu’ils étaient applicables au droit individuel à la formation (DIF) depuis les réformes législatives de 2004 et 2009. Le projet de loi précise en outre que le CPF sera alimenté par le DIF et des abondements complémentaires éventuels de l’État et des régions, au titre du droit à la formation initiale différée. Il renvoie les modalités de mise en œuvre et de financement de ce compte à une concertation paritaire et à un travail gouvernemental. Enfin, sans reprendre les modalités d’articulation avec le DIF et le CIF qui avaient été développées dans le texte de l’ANI, le projet de loi précise que le compte pourra être utilisé de manière combinée avec d’autres dispositifs de formation existants auxquels le salarié ou le demandeur d’emploi peut prétendre. Il ne devrait donc plus y avoir en pratique qu’un seul DIF, celui-là même qui s’applique pendant l’exécution du contrat de travail du salarié, les modalités particulières de portabilité du DIF applicables pendant les périodes de rupture et de changement d’emploi étant vouées à disparaître. Conséquence première de ce régime unique : le DIF demeurera dans tous les cas un droit partagé entre le salarié et l’entreprise dès lors que l’accord de celle-ci sera nécessaire pour permettre au salarié de suivre la formation de son choix. Rappelons à cet égard que dans le cadre de l’actuel DIF portable, si le nouvel employeur conserve la faculté de refuser une demande de DIF portable, le salarié peut malgré tout suivre une formation répondant aux priorités de l’OPCA en dehors de son temps de travail. Ainsi, le régime juridique afférent au DIF portable devrait être voué à disparaître compte tenu de l’instauration d’une véritable transférabilité :
-le salarié nouvellement embauché continuerait de bénéficier de ses droits à DIF acquis et non utilisés chez son précédent employeur avec disparition du délai de préemption de deux ans dans la nouvelle entreprise, puisqu’au regard de la nature du nouveau CPF, le changement d’employeur devient indifférent ;
- les droits acquis demeureront comptabilisés en heures, quel que soit le coût horaire de la formation, supprimant ainsi la monétisation des heures qui permettait jusqu’à présent de « caper » le DIF portable à hauteur de 9,15 euros x 120 heures, soit 1 098 euros maximum.
Demeure cependant la question du financement du CPF qui est prudemment renvoyée par les députés à une concertation ultérieure devant intervenir d’ici la fin de l’année.

Articulation de la négociation sur la GPEC et le plan de formation
L’article 9 du projet de loi instaure une articulation de la négociation sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) et du plan de formation conformément à l’article 14 de l’ANI. Le texte législatif prévoit que la négociation triennale sur la GPEC obligatoire dans les entreprises d’au moins 300 salariés et celles de dimension communautaire comportant au moins un établissement de 150 salariés en France devront désormais inclure les grandes orientations à trois ans de la formation professionnelle dans l’entreprise ainsi que les objectifs du plan de formation. À cet égard, le projet de loi dans sa dernière version adoptée le 9 avril dernier précise que les objectifs du plan devront :
- d’une part, permettre d’identifier les catégories de salariés et d’emplois prioritaires, ainsi que les compétences et qualifications à acquérir ;
- d’autre part, être définis pour les trois années de validité de l’accord de GPEC.
Le projet de loi apparaît à cet égard bien plus exigeant que le texte de l’ANI, lequel ne faisait référence qu’ « aux grandes orientations du plan de formation?», sans exiger l’identification prospective à moyen terme (3 ans) de cibles « prioritaires » ni de compétences et qualifications à acquérir durant cette période. Doit-on y voir l’émergence de plans de formation possiblement ou nécessairement pluriannuels, avec des conditions d’objectifs, d’ores et déjà qualifiés par la loi, à satisfaire par l’entreprise ? À première vue, cette articulation recherchée entre la GPEC et le plan de formation qui est désormais « temporelle » présentera certainement l’intérêt pour les grandes entreprises de pouvoir définir un cap et des principes directeurs à moyen/long terme en matière de formation dans le cadre de leurs accords GPEC, renvoyant les modalités de mise en œuvre du plan à la consultation annuelle du comité d’entreprise.


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