Laurence Yvon dirige les opérations en France et au Royaume-Uni pour Wolters Kluwer CCH Tagetik, un éditeur de solutions applicatives dédiées à la modernisation et à l’agilité de la fonction finance et notamment à la fluidification de leur processus, du corporate finance au contrôle de gestion. Spécialiste du monde de la finance, elle décrypte pour nous notamment le rôle de la DAF en période de crise et son degré de maturité en termes de transformation digitale.

Quel est selon vous le rôle d’une DAF en période de crise ?

Laurence Yvon. En temps normal, la DAF s’inscrit comme la gardienne du temple de l’entreprise. C’est l’architecte du plan de sauvegarde de son patrimoine tout en étant le business partenaire du Comex et des métiers qu’elle doit, de plus en plus, accompagner. En période de crise, le rôle de la DAF reste identique. La particularité tient à la temporalité qui a fondamentalement changé. Là où ils réalisaient un PnL ou « profit and loss » complet trois à quatre fois par an, celui-ci est devenu hebdomadaire dans ce contexte. De plus, la DAF a dû travailler dès les premiers temps de la crise sans repères car toutes les prévisions étaient devenues par nature imprévisibles et le budget, notre fil rouge sur l’année, rendu totalement obsolète. De plus, le DAF est amené à comprendre et analyser dans un délai très court les effets des mesures gouvernementales, notamment les prêts garantis par l’État et les mesures de chômage partiel. Il devient, en quelque sorte, le héros au sein de l’entreprise.

Quelle place occupe le DAF dans la transformation digitale de l’entreprise ?

Le rôle du DAF évolue de plus en plus vers une fonction stratégique. La crise n’a fait que le démontrer et a placé ce métier sur le devant de la scène. Désormais, il est surtout là pour piloter la performance de l’entreprise et collaborer avec les métiers dans leurs décisions opérationnelles. Pour ce faire, il est nécessaire qu’ils aient accès à l’ensemble des informations transverses de l’entreprise. Tout l’enjeu est de croiser des données financières et non financières comme des données de masse salariale ou de coût de matières premières. Il devient en quelque sorte le Chief data officer de l’entreprise car il est la personne de l’entreprise à avoir accès à toutes ces informations, et notre application lui permet de croiser dans des référentiels des données non financières et de piloter de manière globale la performance d’une entreprise. Finalement, le DAF en ayant accès aux données et aux applications devient l’organe transverse de pilotage et de communication entre les équipes de l'entreprise.

Quel est selon vous le degré de maturité digitale de la fonction finance en France ?

La maturité de la digitalisation de la finance évolue d’année en année. Cela fait un certain temps que ce métier est en transformation et c’est certainement la fonction qui connaît le plus de mutations au sein des entreprises. Cette année, dans le contexte que nous connaissons, ce paramètre est devenu un impératif. Les chiffres sont clairs, 75% des CFO disent avoir dans leurs priorités l'optimisation du pilotage de la performance en 2020 [d’après une étude de PwC « Priorités 2020 du Directeur Financier », Ndlr]. En réalité, deux camps s’affrontent. Il y a d’une part ceux qui sont déjà équipés et qui ont été capables de réagir très rapidement notamment sur leur PnL complet. De sorte que cette période de crise aura été pour eux un test de résistance de leur système d’information. Et d’autre part, ceux qui avaient du retard. Ceux-là viennent à notre rencontre pour entamer le processus. Et de nombreux projets actuellement présentent une complexité majeure car cela sous-entend des investissements Capex et humains à une période où bon nombre d’entreprises ont les deux pieds sur les freins en matière d’investissement.

"le DAF en ayant accès aux données et aux applications devient l’organe transverse de pilotage et de communication entre les équipes de l'entreprise" 

Quelles sont les étapes pour entamer une digitalisation de la fonction ?

Avant tout, les fonctions finances doivent avoir un degré de maturité suffisant dans leurs réflexions. Pour cela, il demeure important de se faire accompagner sur la manière dont ils veulent se refondre et penser leur entreprise. Cela implique d’avoir une réflexion notamment sur un éventuel besoin de simplification et de choisir les KPIs importants pour eux. Une phase obligatoire avant même d’envisager la deuxième étape qui repose sur le choix de la bonne technologie. Sur ce sujet, un réel besoin de modernité prédomine, d’innovation notamment avec des applications, des workflows et des capacités à travailler d’une maille très fine à une maille agrégée sur l’ensemble d’une organisation mondiale. CCH Tagetik, avec plus de 1 200 clients partout dans le monde a déjà traité tous ces sujets-là. Tout cela est nécessaire mais pas suffisant. Le troisième et dernier étage de la fusée consiste à les accompagner dans le change management, dans l’humain et dans la façon de travailler autrement. La technologie est un super levier mais il est nécessaire de les soutenir sur les aspects humains qui sont prédominants dans ces projets-là.

Vers quoi doit tendre cette fonction ?

Elle doit dans un premier temps continuer sur ce chemin et la prochaine étape est d’aller encore plus loin dans la technologie. Nous sommes maintenant avec de l’IA et un moteur autoapprenant dans notre technologie pour faire ce que l’on nomme de l’« analyse prédictive», non pas pour remplacer les opérationnels mais pour identifier les facteurs indirects qui vont venir proposer des modèles notamment sur des prévisionnels.  

Propos recueillis par Alexandre Lauret

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