Neoen est un groupe qui a la particularité d’être à la fois jeune et en forte croissance, mais aussi actif dans un secteur d’activités, celui des énergies renouvelables, très capital-intensif. Le directeur financier, Louis-Mathieu Perrin, rappelle le difficile équilibre qu’il doit maintenir entre investissement et rentabilité, tout en revenant sur la récente introduction en Bourse de la société.

Décideurs. Malgré votre jeune âge, vous avez déjà assumé plusieurs missions de directeur financier de premier plan : d’abord chez Direct Energie, puis au sein de la start-up tricolore Voodoo, et depuis peu pour l’acteur des nouvelles énergies Neoen. Avec le recul, d’une entreprise à une autre, la mission de DAF est-elle identique ?

Louis-Mathieu Perrin. Ces trois entreprises ont pour point commun une très forte croissance. Elles se développent à un rythme soutenu et font donc face à des besoins d’investissement et de financement significatifs. Cela étant précisé, chaque groupe a son propre environnement, son mode de gestion spécifique, et les expériences que j’en retire sont différentes. Concernant ma nomination chez Neoen, j’apporte ma connaissance des entreprises en forte croissance, et l’expérience acquise chez Direct Energie qui m’a donné une bonne vision du fonctionnement d’ensemble de l’industrie énergétique.

Comme vous le précisez, chaque entreprise a son propre environnement. Quel est donc celui de Neoen ? Quelle est la particularité du groupe aux yeux du directeur financier ?

Pour commencer, c’est une entreprise dont le parcours boursier est plutôt récent. Elle découvre donc les avantages et les contraintes liées aux marchés financiers. L’introduction en Bourse fut un réel succès et l’ambition est de confirmer ce bon départ dans la durée.

"Le corollaire de cette implantation mondiale est l’existence de problématiques fiscales et comptables extrêmement diverses"

L’autre particularité de Neoen est liée à son implantation géographique. C’est un groupe très largement international, présent dans treize pays, qui a vocation à le devenir davantage encore. Aujourd’hui, lorsque l’on regarde l’origine des mégawatts-heure produits, du chiffre d’affaires et de l’Ebitda, l’essentiel est tiré de l’étranger, de pays tels que l’Australie, le Portugal ou le Salvador. Le corollaire de cette implantation mondiale est l’existence de problématiques fiscales et comptables extrêmement diverses. Cet élément d’extranéité a également un impact sur la gestion humaine du groupe puisqu’il faut apprendre à jongler entre les différents fuseaux horaires. Le matin en Australie, la journée en France et le soir en Amérique Latine. Vous faites les « 3x8 » dans une journée.

L’une de vos missions est de confirmer le succès boursier de Neoen. Où placez-vous l’évolution de la valeur du titre Neoen en Bourse dans votre grille de priorités ?

L’évolution au jour le jour de la valeur du titre de la société ne m’intéresse pas. Je considère que si cet élément était prédominant dans la gestion quotidienne de ma mission, cela viendrait finalement interférer avec mes priorités réelles. En revanche, mon objectif est de donner au marché et aux investisseurs les informations nécessaires afin qu’ils puissent comprendre notre stratégie, analyser la société, et apprécier ses perspectives de la manière la plus fiable possible.

L’augmentation de la valeur boursière du groupe n’est donc pas l’un des KPIs sur lesquels l’équipe de management est attendue ?

Nos KPIs sont principalement la croissance de la capacité de production, qu’elle soit en opération ou en construction, ainsi que le respect des objectifs en matière d’Ebitda et d’endettement qui ont été communiqués au marché. Par conséquent, ma mission de DAF est définie par rapport à ces KPIs. Bien entendu, le respect ou non de ces objectifs a un impact sur le cours de Bourse.

La production d’énergie est une activité capital-intensive, a fortiori lorsqu’on est une société en hyper-croissance. Comment faire pour maintenir l’équilibre entre investissements et rentabilité ? La Bourse peut-elle constituer un frein à l’investissement ?

En effet, le secteur de l’énergie est très capital-intensif. Nous levons de l’argent pour financer nos projets et générer des retours sur investissement en ligne avec les objectifs de taux de rendement interne (TRI) que nous avons communiqués par régions (OCDE Vs non-OCDE). Finalement, le rôle du DAF est de vérifier que l’allocation des moyens qui sont les siens favorise la réalisation des objectifs de TRI.

"Le rôle du DAF est de vérifier que l’allocation des moyens qui sont les siens favorise la réalisation des objectifs de TRI" 

Est-ce que la Bourse pourrait être un frein à l’investissement ? Indirectement oui, si elle nous empêchait de mobiliser les moyens de notre croissance. En réalité, depuis l’IPO l’an dernier et l’augmentation de capital concomitante, la société a indiqué qu’aucune nouvelle levée de fonds ne serait nécessaire pour atteindre ses objectifs à horizon 2021, à savoir une capacité de production de plus de 5 gigawatts.

Pourtant, vous avez récemment sollicité le marché obligataire n’est-ce pas ?

Oui, nous avons réalisé une émission d’obligations convertibles pour 200 millions d’euros afin de financer notre développement en vue des objectifs de 2021, tout en optimisant notre bilan. Le coût d’un projet est très variable en fonction de sa taille, mais de manière simplifiée, 1 mégawatt d’éolien équivaut à un investissement d’environ 1 million d’euros quand 1 mégawatt de solaire correspond plutôt à 700 000, 800 000 euros. Le quantum d’investissement est donc très important. En dehors des marchés financiers, il y a aujourd’hui d’autres modalités de financement que nous ne nous interdisons pas de considérer.

La fonction Finance est montée en puissance ces dernières années. Le DAF est attendu sur beaucoup de sujets au sein de l’organisation de l’entreprise (IT, trésorerie, sécurité, digital etc.). Que faîtes-vous pour améliorer la structure de Neoen ?

De manière classique, notre équipe essaie d’améliorer tous les « process » en lien avec la production de l’information financière, utilisés par les employés du groupe. Notre rôle est de faire en sorte que ces process soient lisibles, précis, et mis en œuvre, qu’il y en ait juste le nombre suffisant, et qu’ils soient effectifs.

Ensuite, nous sommes aussi très actifs en matière de sécurité et de gestion des risques, notamment en raison de nos activités à l’étranger. Nous avons renforcé le contrôle interne depuis l’introduction en Bourse. Les matrices des risques ont été complétées et nous avons défini plusieurs indicateurs de risques nous permettant d’anticiper leur potentielle réalisation afin de mieux protéger la société.

Propos recueillis par Firmin Sylla.

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