De nombreuses zones d'ombre restent à lever sur la question de l'immunité face au Covid-19, pour s'assurer notamment de la pertinence des stratégies vaccinales. Et en faire une arme efficace à long terme pour stopper définitivement la propagation du virus.

Les patients guéris du coronavirus développent-ils une immunité qui va les protéger durablement ? Cette question, essentielle, n'a pas encore toutes ses réponses. Des anticorps ont bien été identifiés dans le sang d'anciens malades, mais les chercheurs s'interrogent sur le niveau de leur effet protecteur. Ce mécanisme d'immunité est très variable selon les personnes, mais aussi selon les virus : de quelques semaines pour un rhume à toute la vie pour la rougeole. Pour le SRAS apparu en 2002, l’immunité durait en moyenne deux à trois ans. Mais celle des autres coronavirus, bénins, se limite en général à quelques mois.

Des scénarios inquiétants

Malgré cette inconnue, les chercheurs ont écarté le pire scénario : les cas de réinfection rapportés en Corée du Sud n'étaient finalement que des fausses alertes. La piste d'anticorps facilitants, qui pourraient au contraire favoriser l’infection, semble également exclue, au moins pour le moment. Ce mécanisme, très complexe, déjà suspecté lors de l'épidémie de SRAS, rendrait le développement d'un vaccin particulièrement complexe. Il serait à l'origine de l'échec du Dengvaxia de Sanofi Pasteur contre la dengue. Les personnes vaccinées, qui n'avaient jamais été infectées par le passé, présentaient ensuite davantage de cas sévères de la maladie en cas d'exposition au virus. D'où l'impossibilité d'effectuer des campagnes de vaccination dans les pays endémiques.  

Le mécanisme d'immunité est très variable selon les personnes, mais aussi selon les virus.

Il se pourrait aussi que chez certains, le virus ne disparaisse pas et les infecte de façon chronique, comme le virus de l’herpès. Plusieurs cas de patients guéris, puis testés à nouveau positifs sans pour autant avoir été ré-exposés au Covid-19, ont été rapportés. Un schéma particulièrement inquiétant pour les anciens malades, qui pourraient ainsi avoir à faire face à des résurgences des symptômes du Covid-19. Ce qui poserait de nouvelles questions sur leur prise en charge et traitement à long terme. Heureusement, ces cas sont aujourd'hui exceptionnels.

Le Graal de l'immunité collective

Les limites de l'immunité individuelle n'empêchent pas l'immunité collective de faire toujours consensus au sein de la communauté scientifique pour stopper la pandémie. Celle-ci peut être atteinte par la vaccination, une fois qu'une préparation par injection suffisamment efficace pourra être commercialisée. Plus que jamais, la solidarité sera alors nécessaire : les vaccins sont toujours plus à risque pour les personnes les plus fragiles – notamment les malades chroniques et les personnes âgées –, ainsi ce seront d'abord les plus jeunes, pourtant moins à risque de développer une forme grave de Covid, qui seront appelés à se faire vacciner en priorité.

Selon l'Institut Pasteur, 70 % de la population française devra être infectée pour espérer voir le virus disparaître de l'Hexagone.

À moins que l’immunité ne soit obtenue par la propagation suffisamment importante du Covid-19 au sein des populations. Un pari dangereux. Selon l'Institut Pasteur, 70 % de la population française devra être infectée pour espérer voir le virus disparaître de l'Hexagone. Surtout, cette stratégie est intenable lorsque la propagation du coronavirus s'accélère. Le Royaume-Uni en a fait l'amère expérience. Londres, qui avait d'abord exclu toute mesure de confinement afin de "créer une immunité de groupe", a rapidement été obligé de revenir sur sa décision, face à des services hospitaliers qui, sinon, auraient été dans l'incapacité d'accueillir tous les malades.

Stop and Go

À la sortie d'un confinement massif de la population mondiale, seuls les gestes barrières permettront désormais de contenir la propagation du Covid-19. Une diffusion à bas bruit, qui provoquera encore des cas graves mais qui renforcera l'immunité collective. Une stratégie qui nécessiterait toutefois une période d'alternance entre confinement et déconfinement, pour éviter de saturer les hôpitaux. Selon l'épidémiologiste britannique Neil Ferguson, deux ans au moins – ou jusqu'à la découverte d'un vaccin– seraient ainsi nécessaires pour atteindre les objectifs d'immunité et faire enfin disparaître le virus.

Fabien Nizon

Retrouvez ici notre dossier spécial "Gagner la guerre sanitaire"

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