Né en 2018, le cabinet Wemean s'applique comme objectif de réinventer le conseil du dirigeant. Donner du sens, voilà le leitmotiv des 4 associés et cofondateurs du cabinet qui reviennent sur la nécessité de définir la raison d’être des entreprises françaises, sur la confusion entre cette notion et la communication et sur la disposition de la loi Pacte insérant dans le code civil la possibilité pour une entreprise de l'inscrire dans ses statuts.

Décideurs. Votre cabinet a pour ­vocation de définir la raison d’être d’une entreprise. En quoi était-ce un besoin pour les entreprises françaises ?

L’équipe WEMEAN. La définition de la raison d’être n’est pas la seule expertise que nous développons, mais il est vrai qu’elle est centrale pour aborder aujourd’hui le cœur de nos métiers de conseil. Elle s’articule autour de la relation de l’entreprise à la société et au monde en transformation dans lequel elle évolue. La raison d’être vient réconcilier ce que la financiarisation du capitalisme avait eu tendance à séparer depuis une vingtaine d’années : business et sens. Or aucune entreprise ne peut construire une croissance durable et partagée en ayant à choisir entre l’un ou l’autre ! Parce qu’elle réunit ces deux dimensions, la raison d’être permet d’échapper à une schizophrénie qui ne convenait à personne : ni aux entreprises ni à leurs clients, ni à leurs salariés, ni à leurs fournisseurs. Et nous ajoutons : ni à leurs consultants. Wemean est ainsi né du désir de réinventer le métier du conseil aux dirigeants en contribuant à « créer l’impact par le sens ». C’est ce que nous appelons « le conseil positif » : un conseil qui fait du sens le fondement de la stratégie, la condition de l’implication et de la performance et la clef d’une contribution au bien commun. Enfin, pour répondre au dernier aspect de votre question, les entreprises françaises avaient d’autant plus besoin d’une incitation à définir leur raison d’être que, contrairement aux pays anglo-saxons, la culture des stakeholders – « parties ­prenantes » – n’existe pas nativement dans l’Hexagone. Cette notion de « raison d’être » ramène également l’« entreprise », comme objet d’intérêt collectif, au cœur de sa définition juridique, alors qu’auparavant seul le mot de « société », c’est-à-dire la référence au pacte d’associés et à l’intérêt des actionnaires, y figurait.

Pour trouver du sens à son activité, une entreprise doit savoir quel est son rôle et son utilité dans la ­société. Quelles sont les étapes clés pour qu’elle y ­parvienne ?

Il ne s’agit pas tant de « trouver du sens à son activité » que de « retrouver le sens profond de son activité ». L’utilité d’une entreprise pour la société n’est pas à côté de sa mission business, elle en découle. C’est toute l’importance du paradigme de la raison d’être qui redonne du sens aussi à la RSE. Avant, il y avait business as usual et, « à côté », une approche normative dont le but était de venir compenser les externalités négatives du business. Désormais, c’est lié : on croît tout en accroissant son empreinte positive sur la société ! C’est l’activité elle-même qui génère du sens et c’est l’engagement qui génère de l’impact. Pour déterminer une raison d’être, nous avons trois convictions. La première est qu’il faut mener une concertation, car ce sujet concerne « l’entreprise élargie » : les dirigeants, les administrateurs, les salariés et ses autres parties prenantes (fournisseurs, citoyens, territoires…). La deuxième est qu’il faut saisir les enjeux du temps en prenant le temps de la réflexion : l’une d’entre nous est philosophe et ce n’est pas un hasard, la définition du sens n’est pas qu’un exercice de style, il requiert un moment de conceptualisation. Notre troisième conviction est qu’il faut anticiper la traduction de cette raison d’être dans des engagements sociaux et/ou environnementaux précis et mesurables.

"C’est l’activité elle-même qui génère du sens et c’est l’engagement qui génère de l’impact." 

La transformation de l’entreprise entraîne-t-elle uniquement l’implication du dirigeant ?

L’implication du dirigeant est une condition nécessaire… mais pas suffisante ! Nécessaire car son rôle sera de ­porter cette raison d’être en interne et au ­dehors, et, surtout, de la rendre opérante, c’est-à-dire de la convertir stratégiquement. Purpose is the new strategy : le dirigeant en est le garant ! Pas suffisante cependant car la raison d’être d’une entreprise n’est pas nécessairement celle de son patron… C’est pourquoi l’étape de la concertation est aussi cruciale. Wemean dispose ainsi d’un outil technologique permettant d’interroger sans limite toutes les personnes nécessaires à la réussite de ce temps collectif de co-construction.

La raison d’être est souvent confondue avec la communication. Comment l’expliquez-vous ? Est-ce un domaine peu connu en France ?

La raison d’être est tout le contraire d’une opération de communication, de marketing ou de publicité. Simplement, avec l’émergence de ce sujet dans le débat public et un effet d’accélération dû à un contexte de crise sociale et environnementale sous tension, les entreprises n’ont pas trop su vers qui se tourner pour le traiter : elles ont regardé du côté des communicants parce qu’à un moment la raison d’être se condense dans une formule. Les choses changent car la notion de purpose washing s’est bien ancrée dans les esprits. Si elle se réduit à un exercice de communication, la plus belle raison d’être du monde deviendra le pire des risques en matière de réputation… La raison d’être est en amont de la communication.

La loi « Pacte » a prévu une modification du code civil qui permet à toute société d’inscrire sa raison d’être dans ses statuts. Existait-il un réel besoin de légiférer sur le sujet ?

Ce qui est précisément formidable, c’est que la France ait pris le sujet sous l’angle de la loi et non de la norme ! Une norme est contraignante, générique et in fine limitative. La loi définit un cadre, c’est-à-dire un nouveau possible, et ici, il n’y a aucune obligation de s’y conformer : les entreprises qui ne définiront pas leur raison d’être et qui ne l’inscriront pas dans leurs statuts ne seront pas hors la loi. Les sociétés dont l’État est actionnaire sont plus fermement appelées à se plier à cet exercice, comme le leur a demandé Bruno Le Maire en septembre 2019. C’est l’occasion pour elle de ­remotiver leur vocation publique à l’aune des enjeux contemporains. Dans tous les cas, la loi Pacte a un effet incitatif qui est le bienvenu. Une fois dotée de sa raison d’être, l’entreprise qui souhaite passer à la vitesse supérieure peut devenir «société à mission», ce qui implique la mise en place d’un comité interne de parties prenantes ainsi qu’un contrôle externe veillant à l’effectivité de la mission. Nous nous réjouissons que la France légifère pour accompagner ce mouvement de transformation des entreprises. Nous nous réjouissons surtout que les entreprises s’emparent de ces nouveaux possibles car le mouvement est général !

Avec la crise sanitaire que nous traversons actuellement, comment avez-vous redéfini vos méthodes d’accompagnement ?

Pour WEMEAN, en ce moment de crise, c’est le conseil positif® plus que jamais. Le conseil positif®, c’est être du côté des solutions, transformer les obstacles et les contraintes en opportunités. La crise #Covid19 peut être un levier d’accélération des transformations positives pour nos entreprises et nos sociétés. C’est aussi valoriser des stratégies de relance à #ImpactPositif où le #sens et l’#engagement sont au cœur des projets de rebond. La crise est l’opportunité d’un « better recovery » fondé sur un meilleur équilibre entre performance économique, sociale et environnementale et sur l’amélioration objective de ces critères au bénéfice du plus grand nombre. C’est enfin être plus que jamais engagés auprès de nos clients dans notre rôle de conseils contributifs et solidaires et de moteurs au cœur des transformations positives des organisations et de la société. Un conseil qui fait du sens et de la raison d'être le fondement de la stratégie, la condition de la performance, le levier de l'implication et la clé d’une contribution au bien commun.

Propos recueillis par Annaëlle Ntsame 

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