Laurent Bliaut, directeur général marketing R&D de Tf1 publicité, revient sur les principaux leviers de l’efficacité publicitaire, les apports futurs de la publicité segmentée et le rapport qu’entretiennent les millennials avec ce mode de communication.

Décideurs. L’efficacité publicitaire est aujourd’hui au centre des attentes de la publicité. Quels en sont les principes fondamentaux ­selon vous ?

Laurent Bliaut. L’efficacité publicitaire repose aujourd’hui sur deux leviers principaux. Le premier avec le ciblage qui permet une meilleure connaissance des comportements d’achat par l’utilisation des datas et le second avec l’insertion contextuelle. Privilégier l’un des deux facteurs n’est pas une chose recommandable. La détermination d’une cible adéquate est fondamentale. L’industrie doit faire la transition entre un ciblage sociodémographique et un ciblage data beaucoup plus efficace. Il est apparu que le premier déterminait de manière partielle le comportement de consommation de sorte que certains spots publicitaires ne touchaient pas tous les consommateurs potentiels du produit.

Le ciblage data nous a permis de mettre en avant notamment que 52 % des acheteurs de marques de yaourts pour enfants n’étaient pas des ménagères avec enfants de moins de 15 ans comme l’indiquait le précédant ciblage. Au niveau du média TV, le meilleur moyen est d’effectuer ce ciblage via la data. Nous avons commencé à lancer des campagnes de ciblage data notamment pour des acteurs du monde des produits de grande consommation (PGC) en travaillant sur des cibles proches de leur style marketing afin d’assurer un meilleur taux de conversion. Lorsque la campagne de ciblage est bonne, les chiffres sont édifiants : le recrutement d’acheteurs augmente et les ventes sont en hausse de 7 % à budgets médias équivalents. Avoir des cibles proches de la réalité des achats, de la couverture du GRP [indicateur de pression publicitaire, Ndlr] est aujourd’hui une priorité pour les marques qui souhaitent atteindre efficacement le téléspectateur.

Cependant, tous les efforts menés sur le ciblage ne peuvent produire leur effet que si la qualité de la création est présente en amont. L’envoi d’un mauvais message malgré une bonne détermination de la cible est nécessairement voué à l’échec.

Selon vous, une marque a-t-elle intérêt à privilégier le ciblage large ou, au contraire, le microciblage ?

En marketing publicitaire, aujourd’hui deux théories coexistent. Tout d’abord, celle du professeur Philip Kotler qui recommande aux marques un microciblage fondé notamment sur la fidélisation des clients. À l’inverse, le professeur Byron Sharp revendique un ciblage large car selon lui « toutes les marques ont beaucoup de petits acheteurs. S’ils n’achètent la marque qu’occasionnellement, ils sont tellement nombreux qu’ils contribuent significativement au volume des ventes ». Chez TF1 publicité, nous recommandons à nos clients les deux théories. Chacune d’elles aura vocation à s’appliquer en fonction du stade de vie d’une marque et de sa cible déterminée.

Quel rôle occupe l’insertion contextuelle dans l’efficacité publicitaire et plus précisément dans l’engagement ?

L’insertion contextuelle doit être faite au moment où l’engagement est le meilleur. Entre 2014 et 2018, nous avons lancé une étude avec Kantar TNS Sofres qui avait pour objectif de démontrer l’importance du contexte d’insertion et notamment du taux d’engagement à un programme dans l’efficacité publicitaire. Cette étude a démontré qu’au-delà du ciblage, le facteur d’efficacité augmente en fonction du degré d’engagement du téléspectateur à un contenu. L’étude a également mis en avant le fait que le taux d’engagement est plus fort lorsqu’un programme raconte une histoire, à l’image des fictions (71 %) ou du sport (69 %). Par ailleurs, plus une personne est concernée par un programme, plus la mémorisation augmente, atteignant 27 % de plus pour une publicité insérée dans un contexte engageant. Ainsi, il est démontré que l’insertion d’une publicité dans un moment d’engagement fort constitue un levier puissant dans le taux de conversion. À nos clients, nous recommandons une insertion publicitaire lors du Peak [programme entre 20 heures et 22 heures, Ndlr] car le taux de mémorisation est évalué à 28 % à ce moment-là. Dans ce contexte, les spots d’une longueur supérieure à 20 secondes et les emplacements préférentiels permettent une meilleure mémorisation de votre publicité. En insérant un contenu au bon moment et avec un ciblage précis, on obtient une meilleure efficacité publicitaire et donc, à long terme, un meilleur taux de conversion pour un produit donné.

" La publicité segmentée permet de contextualiser un message en fonction de la localisation et des caractéristiques d’un foyer "

Quelles offres nouvelles mettez-vous à disposition de vos clients ?

Le rôle de TF1 publicité en tant que régie leader est d’initier et d’impulser le plus possible les changements et d’inciter le marché, les clients et les instituts de mesure à créer de nouvelles offres. À l’image de MPI performance, nous nous rémunérons sur l’efficacité d’une campagne data sur les ventes. Pour la première fois dans notre secteur, une régie publicitaire propose des campagnes dont la rémunération est indexée sur la performance des ventes. Nous nous engageons ainsi à rembourser une partie de la campagne à nos clients si la performance attendue n’est pas au rendez-vous. Nous venons également de lancer, l’offre « CPM data 5 écrans », qui permet à nos clients d’avoir un package leur permettant de programmer simultanément leur campagne sur différents supports, la télévision, l’IPTV, l’ordinateur, les mobiles et les tablettes.

Les millennials constituent l’un des publics cible de la télévision et des médias. Quel est leur rapport à la publicité ?

Les millennials sont une cible particulière dans l’univers de la publicité. S’ils consomment peu de télévision, ils restent néanmoins très demandeurs de contenus digitaux. Les 15/24 ans ont une consommation plus éclatée et plus numérique que leurs aînés. C’est une génération qui picore du contenu en quête de formats engageants dont la durée d’écoute vidéo est estimée à moins de deux minutes sur les réseaux sociaux. Avec un budget temps aussi réduit, le meilleur moyen de les toucher est de leur proposer des offres contextuelles à l’image de la chaîne TFX, souvent leader pour cette génération. Cette chaîne envoie des messages forts qui leur sont directement adressés. Les écosystèmes digitaux et les plateformes, comme MyTf1, restent également les relais principaux pour atteindre cette population.

La publicité segmentée serait-elle une avancée majeure pour la télévision ?

La publicité segmentée est au cœur de toutes les attentions. Le sujet est actuellement débattu entre notre syndicat et les autorités. Pour le moment, le mécanisme est interdit mais les choses devraient se débloquer dans les mois à venir. Ce serait une avancée majeure pour la télévision et chez Tf1 Publicité nous pensons qu’il s’agit d’un « Win Win Win » tant pour l’annonceur, l’éditeur que le téléspectateur. Ce phénomène va permettre à l’annonceur de contextualiser un message en fonction de la localisation et des caractéristiques d’un foyer et de l’audience à laquelle il souhaite s’adresser. Mais c’est aussi une avancée pour le téléspectateur qui se verra adresser une communication plus ciblée, mieux insérée et donc plus responsable. En termes de culture, c‘est extrêmement challengeant pour nous. Nous sommes dans un virage sans précédent qui nous pousse à effectuer de profonds changements culturels. Nous devons passer d’une démarche BtoB orientée grands comptes vers une démarche davantage BtoC à l’image des grandes plateformes. C’est une avancée majeure pour le groupe TF1.

Propos recueillis par Alexandre Lauret

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