Si cela n’est pas déjà fait, les sociétés anonymes et en commandite par actions de grande taille doivent s’interroger sur la nécessité de désigner des représentants des salariés aux conseils d’administration ou de surveillance. Le nombre des sociétés concernées par cette obligation augmentera, en effet, au cours de l’année 2018...

Pour bien comprendre cette évolution, il convient de se reporter à l’année 2013. Tout débuta avec l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, qui stipula que les salariés des entreprises de grandes tailles devaient pouvoir participer à l’organe qui définit la stratégie de l’entreprise, afin de favoriser la prise en compte de leur point de vue.

Traduisant l’accord des partenaires sociaux, la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 inséra dans le Code de commerce l’obligation de désigner un ou plusieurs représentants des salariés dans les conseils d’administration ou de surveillance. Plusieurs conditions devaient, toutefois, être remplies pour être soumis à cette obligation, dont celle d’employer, directement ou par l’intermédiaire de filiales, 5 000 salariés en France ou 10 000 salariés dans le monde. Cela ne devait alors concerner qu’environ 200 sociétés.

La loi n° 2015-994 du 17 août 2015, dite loi « Rebsamen », a augmenté le nombre de sociétés concernées par cette obligation, en particulier, par un abaissement des seuils d’effectif de 5 000 et 10 000 salariés.

L’obligation de désigner des représentants des salariés aux conseils s’applique désormais à l’égard des sociétés anonymes (C. com., art. L. 225-27-1 et suivants et L. 225-79-2 et suivants) et en commandite par actions (C. com., art. L. 226-5-1) qui emploient pendant deux exercices consécutifs, de manière directe ou par l’intermédiaire de filiales au moins 1 000 salariés en France ou 5 000 salariés dans le monde.

 

Un régime transitoire ayant été mis en place pour les sociétés qui entrent dans le champ de cette obligation du fait de l’abaissement du seuil d’effectif, cette dernière a pu être oubliée. Il n’est donc pas inutile de rappeler que les sociétés qui, à la suite de la modification des seuils d’effectif, sont concernées par cette obligation doivent :

- après avoir recueilli l’avis « selon le cas » du comité de groupe, du comité central d’entreprise ou du comité d’entreprise ;

- tenir une assemblée générale extraordinaire modifiant les statuts, au plus tard dans les 6 mois de la clôture de l’exercice 2017.

 

La désignation effective du ou des représentants devra, quant à elle, intervenir dans les 6 mois de la modification des statuts.

Le nombre de représentant des salariés aux conseils d’administration ou de surveillance dépend de la taille de ce conseil. Il est au moins égal à deux dans les sociétés dont le conseil comprend plus de 12 membres et au moins égal à un dans les sociétés dont le conseil comprend 12 membres ou moins.

La désignation de ces représentants peut intervenir selon quatre modalités qui sont laissées au choix de l’entreprise :

- une élection. Celle-ci peut se révéler difficile à organiser, dès lors que l’ensemble des salariés de la société et de ses filiales serait appelé à voter. Il convient, par ailleurs, de noter que les candidats sont présentés par les organisations syndicales ;

- une désignation par la représentation du personnel élue : comité de groupe, comité central d’entreprise, qui devrait être devenir un comité social et économique central d’entreprise, ou comité d’entreprise qui devrait devenir un comité social et économique ;

- une désignation par l’organisation syndicale la plus représentative. Il s’agit de celle qui a obtenu le plus de suffrages au premier tour des dernières élections professionnelles ;

- il existe, enfin, la possibilité, lorsque deux représentants des salariés sont à choisir, de procéder à la désignation de l’un selon l’une des trois modalités précitées et de l’autre par le comité d’entreprise européen ou pour les sociétés européennes par l’organe de représentation des salariés ou le comité de la société européenne.

 

A la différence des représentants du comité d’entreprise aux conseils d’administration ou de surveillance, ces représentants des salariés sont des membres à part entière de ces conseils. Ils bénéficient, en effet, des mêmes droits et devoirs que les autres administrateurs et membres du conseil de surveillance et, en particulier, votent avec voix délibérative.

 

Leur importance est même renforcée par le fait qu’ils ne peuvent être révoqués de leur mandat d’administrateur ou membre du conseil de surveillance que par une décision judiciaire (C. com., art. 225-32 al. 2) et qu’ils bénéficient du statut de salarié protégé interdisant à leur employeur de rompre leur contrat de travail, sans autorisation de l’inspection du travail (actuellement C. trav., art. L. 2411-1, 12°).

 

Les conditions pour remplir cette fonction sont assez simples :

- il convient principalement d’être titulaire d’un contrat de travail avec la société concernée ou l’une de ses filiales dont le siège social est situé sur le territoire français antérieur de deux années à la nomination comme mandataire social ;

- le mandat de représentant salarié est, en revanche, incompatible avec un mandat de représentant du personnel (délégué syndical, membre du comité d’entreprise, du comité de groupe, du CHSCT ou délégué du personnel) (C. com., art. L. 225-30 et L. 225-80).

 

Les sociétés qui doivent procéder à la désignation d’un représentant des salariés aux conseils d’administration ou de surveillance pourront, en revanche, réduire le nombre de représentant du comité d’entreprise assistant à ces conseils. L’article L. 2323-65 du Code du travail précise, en effet, que dans les sociétés au sein desquels il aura été procédé à la désignation d’un représentant des salariés, la représentation du comité d’entreprise auprès des conseils d’administration ou de surveillance est assuré par un membre titulaire du comité d’entreprise.

Il convient enfin, de noter que les ordonnances dites « Macron », dont nous ne connaissons que les projets à la date de l’écriture de cet article, ne devraient pas modifier les règles qui viennent d’être rappelées.

 

Côme de Girval

Avocat - senior associate, spécialiste en droit du travail, Capstan Avoccats

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