Par Benoît Girardin, avocat associé. Girardin Avocats

Si la pratique de l’arbitrage pour résoudre les litiges du travail est encore timide voir suspecte pour certains, ce mode alternatif de résolution des conflits est vraisemblablement l’avenir du contentieux social tant il offre des garanties de confidentialité, de rapidité et d’expertise appréciables pour les justiciables. Benoît Girardin, secrétaire général du Centre National d’Arbitrage du Travail nous rappelle pourquoi.  

 

De l’article, L.1411-4 du Code du travail qui dispose que « le conseil de prud’hommes est seul compétent, quel que soit le montant de la demande, pour connaître des différends mentionnés au présent chapitre », une partie des praticiens a longtemps soutenu que la pratique de l’arbitrage  en droit du travail était impossible. Cependant, la Cour de cassation a admis, le 5?novembre 1984, la validité du compromis d’arbitrage intervenu après la rupture du  contrat et, le 14?décembre 1990, la cour d’appel de Paris a rappelé que la compétence exclusive du conseil de prud’hommes « ne fait pas obstacle à la conclusion, entre les parties, d’un compromis d’arbitrage après la rupture du contrat de travail ». Le recours à l’arbitrage étant d’ailleurs plus généralement encouragé par le législateur, notamment très récemment aux termes de la loi sur la justice du XXIe siècle qui ne rend plus nulle la clause d’arbitrage insérée dans le contrat de travail. Il appartient donc désormais aux professionnels du droit du travail, et notamment aux avocats, de s’approprier ce formidable outil de résolution des conflits.
Dans cette optique, Hubert Flichy, fondateur du cabinet éponyme dont l’activité est exclusivement consacrée au conseil et à la défense des employeurs, Henri-José Legrand, fondateur du cabinet LBBa dont l’activité est exclusivement consacrée au conseil et à la défense des salariés, des syndicats et des institutions représentatives du personnel, Thomas Clay, professeur de droit et doyen honoraire de la faculté de droit et de science politique de l’université de Versailles, ont réuni autour d’eux une vingtaine de spécialistes du droit du travail afin de créer, en juin?2015, le Centre National d’Arbitrage du Travail qui a vocation à organiser, par la voie de l’arbitrage, la résolution des litiges nés des relations du travail.
Outre que ce nouveau mode de règlement des litiges est une formidable opportunité de développement pour les avocats, le recours à l’arbitrage en droit du travail présente un triple intérêt pour nos clients en leur offrant un traitement confidentiel plus rapide par des experts.


La confidentialité est parfois nécessaire au traitement d’un litige
S’agissant de la confidentialité, un salarié, un groupe de salariés ou une organisation syndicale peuvent, dans certaines situations, souhaiter voir leur différent tranché confidentiellement. En effet, la confidentialité permet une meilleure protection et préservation de la réputation et de l’image de personnes particulièrement exposées d’une part, et offre davantage de sérénité parfois nécessaire dans des situations de crise aiguë, d’autre part. Il ne s’agit pas dans ces situations de dissimuler mais de mieux protéger les parties et le tribunal arbitral offre alors aux parties des garanties que la justice traditionnelle ne permet pas.

 

Des litiges complexes tranchés en quelques mois
Le recours à l’arbitrage permet, par ailleurs, le traitement rapide voire ultrarapide d’un litige complexe et/ou d’un litige qui le nécessiterait particulièrement. En effet, dès le début de l’instance arbitrale, les parties pourront exiger des arbitres désignés que leur litige soit tranché en quelques mois et qu’une décision soit rendue dans un délai déterminé. Le salarié, en cas de litige individuel, ou le syndicat en cas de litige collectif, y trouveront bien évidemment l’intérêt de mettre un terme rapide à une situation conflictuelle, anxiogène et l’employeur purgera rapidement les risques nécessitant parfois d’importantes provisions. En outre, certains litiges complexes ont parfois vocation à être évoqués devant plusieurs juridictions différentes, comme pour des litiges opposant un employeur à un salarié occupant un mandat social, qui pourront être évoqué devant le tribunal de commerce et le conseil de prud’hommes. S’agissant de ces litiges complexes qui impliquent souvent plusieurs années de procédure, ils pourront alors être tranchés en quelques mois par le seul et unique tribunal arbitral.

 

Un retour aux sources de la juridiction prud’homale
Enfin, s’agissant des litiges individuels, il convient de rappeler que l’essence même de la juridiction prud’homale est de permettre aux employeurs et à leurs salariés d’être jugés par leurs pairs. La loi Boulin qui a généralisé les conseils de prud’hommes précisait d’ailleurs que toutes les professions et toutes les catégories professionnelles devaient relever des conseils de prud’hommes organisés autour des sections industrie, commerce, l’agriculture, activités diverses et encadrement. Or les sections n’ayant pas évolué depuis, nombre de professions et ou de secteurs d’activité tel que, par exemple, l’informatique, la banque et l’assurance, les médias ou certaines catégories de personnels tels que les cadres dirigeants, les sportifs ou les intermittents du spectacle ne sont plus représentés comme les autres salariés et/ou employeurs au sein des conseils de prud’hommes. S’agissant de la composition du tribunal arbitral, il convient de rappeler que les parties choisissent, selon des conditions légales extrêmement strictes, le ou les arbitres amenés à trancher leur litige. Les arbitres seront en conséquence choisis notamment en fonction de leurs compétences et de la connaissance du secteur concerné par le litige.
Le recours à l’arbitrage permet donc à des personnes et ou des sociétés d’être à nouveau jugés par leurs pairs ce qui n’est plus le cas devant le conseil de prud’hommes dont la compétence professionnelle des sections n’a pas évolué depuis presque quarante ans. Le Centre National d’Arbitrage du Travail est en conséquence le parfait complément de la justice sociale traditionnelle quand,
– les parties doivent être protégées d’influence extérieure?;
– la longueur des procédures est préjudiciable aux intérêts des parties?;
– les parties ne sont plus représentées et traitées comme les catégories traditionnelles.
Il appartient désormais aux avocats de s’emparer de ce nouveau mode de résolution des conflits pour le développer et mettre encore et encore en avant notre ADN?: la défense.

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