Julien Seraqui vient de succéder à Benoist Lombard à la tête de la Chambre nationale des conseils en gestion de patrimoine (CNCGP). Que contient son programme ? Quel avenir voit-il pour la profession ? Comment veut-il convaincre les jeunes diplômés de rejoindre les cabinets de CGP ? Julien Seraqui n’élude aucun sujet.

Décideurs. Vous avez intitulé votre programme « Unis pour une nouvelle ère ». Quelles en sont les grandes lignes ?

Julien Seraqui. Comme pour toute association professionnelle, l’union de ses membres, l’engagement à défendre son modèle et la volonté d’avancer dans la même direction, sont notre force. Nous avons, par ailleurs, le sentiment que le métier entre dans une nouvelle ère à la fois en termes d’organisation, de réglementation mais aussi dans sa manière d’appréhender les nouvelles technologies. Le cadre réglementaire semble enfin se stabiliser, après les nombreux changements de ces derniers mois (MIF 2, DDA, RGPD, Pripps). Nous vivions avec une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes. Grâce notamment au travail de l’équipe sortante, la rétrocession de commissions a été maintenue. Cette décision fut la bienvenue et garantit le maintien des business models des cabinets de conseil en gestion de patrimoine (CGP).

Les cabinets de CGP semblent s’approprier de mieux en mieux aux outils proposés par les FinTech (robo-advisors, agrégateurs de compte…). Quel regard portez-vous sur cette évolution ? Cela va-t-il transformer le métier ?

Ceux qui ont lancé leurs cabinets de CGP dans les années 1990 ont déjà connu plusieurs révolutions technologiques. Aujourd’hui, avec la mise en place de la signature électronique, les cabinets et leurs partenaires vont profiter de gains de productivité formidables. La très grande majorité des fintechs s’orientent vers le B to B, donnant l’impression que le modèle en B to C était déjà passé de mode. Aujourd’hui, ces fintechs viennent soutenir l’activité des CGP. Le message aux conseillers en gestion de patrimoine est donc simple : n’ayez pas peur des révolutions technologiques. Ces nouvelles technologies ne vont pas prendre votre travail, elles vont, au contraire, vous libérer de la partie répétitive du métier, à faible valeur ajoutée. Vous pourrez alors vous concentrer sur ce qui fait votre force : le conseil.

Comment s’organise le métier par rapport à ce nouvel environnement ?

Nous allons devoir apporter de la valeur ajoutée à nos clients, élever notre niveau de compétence. Le recrutement ne sera pas centré sur des collaborateurs du middle office, mais très certainement vers des conseillers spécialisés dont le rôle est plus proche d’un ingénieur patrimonial que d’un conseiller au profil purement commercial.

Où en sont les discussions concernant la demande d’agrément auprès de l’ACPR pour que la CNCGP fasse partie des nouvelles associations agréées de courtiers ?

Nous sommes confiants car nous avons déjà les process, les équipes et les outils adaptés. 95 % de nos membres sont courtiers et le courtage représente 60 % de nos chiffres d’affaire. De fait, la CNCGP est déjà une association de courtiers.

« Les cabinets de gestion de patrimoine ont grandi » 

Vous souhaitez promouvoir le métier des CGP auprès des étudiants. Pourtant, à la sortie des études, ils décident majoritairement de travailler dans un établissement bancaire pour faire leurs armes. Ne vaut-il pas mieux qu’ils abordent ce métier après une première expérience réussie ?

Il est important pour nous de rencontrer les étudiants des soixante masters 2 de gestion de patrimoine en France afin de présenter l’activité de CGP. Jusqu’à présent, ces étudiants avaient effectivement le réflexe d’aller vers les banques. Mais celles-ci réduisent leurs effectifs alors que nous, nous recrutons. La dynamique est de notre côté. Nous souhaitons embaucher les meilleurs étudiants. Aujourd’hui, les clients très fortunés se tournent régulièrement vers des cabinets de gestion patrimoine. Plus aucun client fortuné ne reste seul dans sa banque. Depuis une dizaine d’années, l’organisation des cabinets de CGP a considérablement changée. Il y a désormais de nombreux cabinets dont les collaborateurs sont des spécialistes d’un domaine particulier. Les jeunes collaborateurs ont besoin d’être bien encadrés au cours des premières années de leur carrière, mais également de se spécialiser. Les cabinets de gestion de patrimoine ont grandi et sont structurés pour proposer un environnement favorable à leur épanouissement, ce qui n’était pas forcément le cas avant.

Pour de multiples raisons, les cabinets de CGP fusionnent ou se regroupent. Va-t-on assister à la disparition des plus petits cabinets ?

Les petites structures ne représentent plus que 50 % de nos membres, contre 70 % il y a quelques années. On assiste aussi à un changement générationnel. Ceux qui ont créé le métier dans les années 1990 arrivent pour certains à la retraite. Pour eux, le métier était vu comme une profession libérale. Le CGP était le médecin du patrimoine, comme le docteur était celui du corps. Désormais, de nombreux CGP se voient comme des entrepreneurs. Cependant, la version libérale ne va pas disparaître. Les deux modèles vont coexister. Des structures plus importantes vont certainement voir le jour dans les années à venir.

« Les CGP qui ont leur propre société de gestion sont aujourd’hui très minoritaires »  

De plus en plus de cabinets créent leur propre société de gestion. N’est-ce pas contre nature ? Un CGP trahit-il son rôle de conseil objectif aux clients en créant sa propre société de gestion ?

Ce modèle est en accord avec la réglementation, à partir du moment où le CGP signale le risque de conflits d’intérêt à son client.  En pratique, cela dépend où vous placez le curseur. Si le client est à 100 % investi dans des fonds de votre société de gestion, le conflit d’intérêts paraît avéré. Mais s’il est investi à 20 %, je ne vois pas où est la difficulté et où est le conflit d’intérêt, dès lors que le client est prévenu. De toute manière, le conseil en gestion de patrimoine accompagne déjà son client dans son allocation d’actif. Au lieu de le faire via un véhicule externe, celle-ci est réalisée par l’intermédiaire d’un véhicule interne. Les CGP qui ont leur propre société de gestion sont aujourd’hui très minoritaires. L’AMF est également attentive sur le sujet et réalise de nombreuses vérifications lorsqu’elle délivre son agrément.

Le business model des cabinets est toujours fondé sur la rétrocession de commissions. Est-ce utopique de vouloir développer la rémunération par honoraires ?

Certains pays sont allés vers le 100 % en honoraires. Dans certains d’entre eux, la majorité des CGP ont disparu en quelques années. Finalement, seuls les clients les plus riches avaient les moyens d’être accompagnés par un CGP. Ceux qui n’étaient pas assez aisés se sont donc retrouvés seuls face aux banques ou aux plateformes internet. Contraindre les CGP à un modèle 100 % en honoraires n’est donc pas dans l’intérêt du grand public. En revanche, la transparence doit être totale. Le client doit savoir comment le conseiller gagne sa vie. Aujourd’hui, la réglementation nous oblige à l’écrire et cela me paraît sain.

« Je pense que le grand public connaît notre profession » 

En 2016, votre prédécesseur, Benoist Lombard, avait regretté, dans nos colonnes, que certains responsables politiques ne sachent pas ce qu’était un conseiller en gestion de patrimoine (CGP). Est-ce toujours le cas ?

La difficulté est que le terme que l’on utilise pour nous qualifier n’est pas reconnu. Cela crée de la confusion. Peut-être que dans quelques années, le combat sera de faire reconnaître ce thème. Aujourd’hui, nous avons d’autres batailles à mener. Je pense que le grand public connaît notre profession. La question que se pose surtout le grand public est : à partir de quel niveau de fortune pouvons-nous accéder à un CGP ?  Je leur réponds : « la plupart des professionnels vous rencontreront avec plaisir et le premier rendez-vous est souvent gratuit. Faites cette démarche le plus jeune possible, c’est le meilleur service que vous pouvez rendre à votre patrimoine. Osez franchir la porte des cabinets de CGP. »

Propos recueillis par Aurélien Florin

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