Avec une ancienne directrice des ressources humaines aux manettes de la réforme du droit du travail, il n’est pas étonnant que les professionnels adhérents de l’ANDRH aient favorablement accueilli les ordonnances Macron. Retour sur leurs mesures phares avec le président de l’association, lui-même DRH du groupe Etam.

Décideurs. Les ordonnances travail constituent-elles une révolution, comme le présente  le ministère du travail ?

Jean-Paul Charlez. Je ne crois pas qu’il s’agisse d’une révolution. Les ordonnances s’inscrivent dans la lignée des lois Auroux de 1982 qui ont institué l’obligation de négocier. Tous les textes suivants s’inscrivaient dans cette lignée. Les nouveaux textes créent un effet d’accélération, pas de surprise.

 

Pensez-vous qu’elles vont impulser une nouvelle culture de négociation collective ?

La négociation collective est déjà très active en France. Rien que sur l’année 2016, plus de 42 000 accords collectifs ont été conclus. Parallèlement, les accords de branche et interprofessionnels sont en recul. La négociation se passe donc déjà au niveau de l’entreprise.

 

« Les ordonnances créent un effet d’accélération, pas de surprise »

Pensez-vous que les organisations syndicales doivent faire évoluer leur modèle ?

Les syndicats sont un corps intermédiaire. En tant que tel, ils vivent et se développent tant qu’ils apportent de la valeur ajoutée à leurs adhérents. C’est ce qu’on appelle la thèse du « syndicalisme de service ». Ils ne peuvent s’en tenir à des contestations de principe et des postures idéologiques. Un exemple, dans le secteur de l’habillement, beaucoup de syndicats au niveau national sont résolument opposés au travail du dimanche dans ce secteur pour des raisons historiques. Pourtant, ouvrir le dimanche ne signifie pas revenir sur un acquis social. En réalité, il y a souvent plus de volontaires pour travailler le dimanche que de postes à pourvoir. Ce cas illustre bien ma conviction : le code du travail s’est construit par des luttes, mais aujourd’hui il faut dédramatiser le monde du travail.

Peut-on voir dans les ordonnances un déclin du principe de faveur ?

Non. Le renvoi à la négociation collective n’est pas la porte ouverte à l’arbitraire patronal. Les accords font l’objet de négociation avec les syndicats et doivent en outre êtr conclus par al voie de l’accord majoritaire. Pourquoi les syndicats signeraient-ils des accords contraires aux intérêts des salariés ?

« Le renvoi à la négociation collective n’est pas la porte ouverte à l’arbitraire patronal »

Faut-il faire évoluer la relation avec les représentants du personnel ?

On a toujours intérêt à avoir des représentants du personnel compétents et qui s’intéressent à l’ensemble des sujets économiques. Il faut que les élus soient formés et qu'ils aient du temps pour étudier les dossiers. Par ailleurs, dès lors qu’ils ne pourront plus désormais exercer que trois mandats successifs – soit douze ans maximum –, il faudra être attentif à ce que le temps de représentation soit une étape dans la vie professionnelle des personnes. En fin de mandat par exemple, c’est un vivier intéressant pour la fonction RH.

La disparition du CHSCT peut-elle avoir pour effet de minimiser l’importance des sujets de santé et de sécurité au sein de l’entreprise ?

Non, pas vraiment. Le CHSCT restait une institution un peu bâtarde : pas d’élus, pas de suppléants, pas de budget… À l’époque de la création du CHSCT par les lois Auroux, certains s’étaient émus que l’on sorte les sujets de santé et de sécurité du champ de compétence du comité d’entreprise. Aujourd’hui, ils sont à nouveau confiés au comité social et économique, tout en créant une commission spécialisée. En réalité, je me réjouis plutôt que le conseil social et économique (CSE) prenne à nouveau une responsabilité pleine et entière sur ces sujets. Il a vocation à s’occuper de l’ensemble des problèmes de l’entreprise. Je ne pense pas qu’il soit nécessairement meilleur de traiter des questions de santé et de sécurité dans un comité séparé qui serait déconnecté de la vie de l’entreprise. En revanche, je suis plus interpellé par l’intégration des délégués du personnel au CSE.

En quoi l’intégration des délégués du personnel au CSE vous questionne-t-elle ?

Les délégués du personnel sont conduits à traiter des réclamations individuelles, qui ne sont pas en lien direct avec la vie générale de l’entreprise. Je me pose donc des questions sur la pertinence de leur absorption par le CSE. Elle suppose en tout cas que les DP soient formés et capables de polyvalence.

Que pensez-vous de la nouvelle rupture conventionnelle collective ?

La rupture conventionnelle collective est la réponse à une entreprise qui souhaite ajuster ses volumes sans licencier, face à des salariés qui sont d’accord pour la quitter. Je n’y vois pas d’inconvénient d’autant que le dispositif doit être mis en place par la voie de l’accord majoritaire et soumis à la validation de l’administration du travail. Des inquiétudes sont survenues au moment de la création de la rupture conventionnelle individuelle. Or depuis 2008, ce sont 2,8 millions de personnes qui y ont eu recours. On peut décider de se séparer d’un commun accord dans une entreprise, dans un contexte dédramatisé. D’ailleurs, la réforme annoncée de l’assurance chômage, qui pourra jouer en cas de démission, va également dans ce sens.

 

Propos recueillis par Marie-Hélène Brissot 

Prochains rendez-vous
Décideurs RH

3 juillet 2024
Talents !
Le nouvel événement du recrutement, de la gestion des carrières et du Comp&Ben
CONFÉRENCES ● DÉJEUNER VIP ● REMISE DE PRIX 
Voir le site »

2 octobre 2024
Rencontres du droit social
Le rendez-vous des acteurs du droit social
CONFÉRENCES ● DÉJEUNER VIP 
Voir le site »

 

Novembre 2024

Les Victoires du Capital humain
L'incontournable des directions RH
CONFÉRENCES ● DÉJEUNER VIP ● REMISE DE PRIX 
Voir le site » 

 

Avril 2025

U-Spring, Le Printemps des universités d'entreprises
Le rendez-vous incontournable de la formation professionnelle
CONFÉRENCES ● DÉJEUNER VIP ● REMISE DE PRIX

Voir le site »

Newsletter Flash

Pour recevoir la newsletter du Magazine Décideurs, merci de renseigner votre mail