Restaurer la démocratie en organisant un plébiscite centré sur son unique personne, écarter tout débat d’idées, se comparer à la lumière... Le tout dans un contexte où les esprits sont ailleurs. En termes de communication, le leader insoumis a totalement raté sa déclaration de candidature.

Il a franchi le Rubicon. Le 8 novembre, au journal de 20h de TF1, Jean-Luc Mélenchon a déclaré sa candidature à l’élection présidentielle de 2022. Si cette nouvelle n’est pas un scoop, la manière dont elle a été annoncée, tant sur le fond que sur la forme, laisse à désirer. Étrange pour un responsable politique qui est l’un des meilleurs de la classe politique hexagonale en matière de mise en scène.

Mauvais timing

Pour cette annonce de premier plan, Jean-Luc Mélenchon devait voir les choses en grand et s’imaginer en vedette du journal de 20h, comme ce fut le cas en 2012. Hélas pour lui, sa déclaration n’était pas en haut de la pile. Certes, il a pu annoncer avec emphase et solennité qu’il se lançait dans la course à l’Élysée. Mais entre l’élection de Joe Biden à la tête de la première puissance mondiale et la crise sanitaire. Son message qu’il imaginait central pour les Français a donc été relégué au second plan. Les réseaux sociaux ne s’y sont pas trompés puisque, sur Twitter, le hashtag #JLM2022, pourtant alimenté par les supporters du député des Bouches-du-Rhône a eu du mal à percer, coincé entre Joe Biden, Donald Trump et le match de football opposant l’Olympique lyonnais à l’AS Saint-Étienne… Le chef de file insoumis, politique particulièrement madré, devait être au fait de cette problématique. Il s’est pourtant lancé dans l’arène…

Tuer dans l’œuf tout rassemblement de la gauche

Pourquoi un tel empressement ? Sûrement pour mettre les autres forces de gauche devant le fait accompli. Même si les choses se font en silence, EELV et socialistes se rapprochent à toute vitesse et sont bien partis pour présenter une candidature unique. Le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, a déclaré à plusieurs reprises qu’il était prêt à ranger son mouvement derrière un candidat écolo tendance centriste, c’est-à-dire Yannick Jadot. En tirant le premier, Jean-Luc Mélenchon ne sera pas en position de refuser frontalement de rejoindre une large union de la gauche. Après tout, il aura beau jeu de clamer : "Quel dommage, mais je ne peux pas trahir ma promesse du 8 novembre." Précisons également que, depuis quelques semaines, Arnaud Montebourg tâte le terrain en vue d’un hypothétique retour centré sur la promesse d’un protectionnisme de gauche. De quoi marcher sur les plates-bandes du leader insoumis qui a préféré lui couper l’herbe sous le pied. En somme, sa déclaration de candidature révèle surtout le calcul d’un politicien aux abois.

Un monarque absolu cherche à abolir la monarchie présidentielle

Pour justifier sa troisième candidature, Jean-Luc Mélenchon a notamment évoqué le besoin "d’abolir la monarchie présidentielle", un positionnement tout à fait défendable. Hélas, il est incarné par un homme qui gère son parti d’une main de fer, étouffant dans l’œuf les aspirations à plus de démocratie interne (Thomas Guénolé, Charlotte Girard, Djordje Kuzmanovic et autres insoumis historiques ont quitté le navire pour cette raison). La dérive autocratique de LFI ne semble pas prête de cesser puisque, le 8 novembre, le chef insoumis est allé jusqu’à se comparer implicitement à la lumière en déclarant : "Quand tout va mal et que ça semble la nuit noire, il faut allumer la lumière pour qu’on se dise qu’il y a un bout du tunnel".

Jean-Luc Mélenchon veut restaurer la démocratie. Mais sans passer par une primaire où des idées qui ne sont pas les siennes peuvent être émises

Pour abolir la Ve République et instaurer une vraie démocratie, Jean-Luc Mélenchon n’opte pour pas la consultation ou la démocratie participative, bien au contraire. Il mise sur une nouvelle trouvaille : l’initiative populaire. Concrètement, il se considérera comme pleinement candidat lorsque 150 000 citoyens auront signé son appel sur la plateforme "noussommespour.fr".

En somme, celui qui veut restaurer la démocratie instaure un plébiscite. Dans la tête de Jean-Luc Mélenchon, impossible d’organiser une primaire à plusieurs candidats où des idées qui ne sont pas les siennes risquent d’être émises. Non, pour instaurer la démocratie, une seule voie compte : la sienne. Un procédé classique de l’extrême gauche. Du fond de leur tombe, Lénine, Ceaucescu ou Hugo Chavez doivent applaudir des deux mains. Chapeau l’artiste !

Lucas Jakubowicz

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