Jean-François Lucq, directeur de l'ingénierie patrimoniale de Banque Richelieu dresse un état des lieux complet de la première année d’existence de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) et délivre ses conseils pour en réduire l’impact.

Décideurs. Pouvez-vous nous rappeler les grands principes de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), l'impot sur le patrimoine qui a remplacé l'Impot sur la fortune (ISF) en 2018 ?

Jean-François Lucq. Nous avons conservé de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) un certain nombre d’éléments : le seuil (1,3M€) et le barème de taxation, le principe de l’exonération des actifs professionnels avec quelques restrictions, l’exonération partielle des bois et forêts ou encore l’abattement de 30 % de la résidence principale. La grande séparation concerne l’exonération des actifs financiers et la taxation des seuls actifs immobiliers. Des questions se sont toutefois rapidement posées. Concernant l’immobilier coté (SIIC), celui-ci n’est finalement pas taxable. Pour les sociétés qui détiennent de l’immobilier par transparence ou les actionnaires, le principe est celui du prorata. Si un redevable dispose, par exemple, de 15 % d’une société qui possède elle-même 50 % d’une autre société détenant un immeuble : le contribuable devra déclarer à son actif les sommes qui résultent des différents niveaux de participation.

Comment vos clients ont accueilli cette réforme ? Ont-ils réalisé des arbitrages de l’immobilier vers des placements financiers ?

Avec grand bonheur ! Les redevable de l’ISF disposant de 2 M€ à 3 M€ de patrimoine taxable et dont les actifs immobiliers représentaient 70 % de leur patrimoine ont été très largement gagnants. Prenons également l’exemple d’un entrepreneur ayant cédé son actif professionnel et qui dispose d’un patrimoine global de 10 M€, réparti à 70 % en actifs financiers et à 30 % en immobilier. Grâce à la réforme de l’IFI, son actif taxable est passé de 10 M€ à 3 M€. L’impôt à payer est désormais de 7 000 €, contre 95 000 € précédemment. Les arbitrages ont donc du sens pour ceux qui disposent d’un actif taxable à l’IFI assez largement supérieur à 5 M€. Pour les autres, cela présente peu d’intérêt.

Les redevables de l’IFI dont le patrimoine est intégralement constitué d’immeubles de rapport sont confrontés à un dilemme. Il peut être intéressant d’arbitrer certains actifs immobiliers en faveurs d’actifs financiers, à condition que le coût fiscal ne soit pas prohibitif. Des redevables de l’IFI commencent doucement à concrétiser ces opérations, mais sans se précipiter.

« Désormais les crédits in fine, au bilan des SCI, sont également soumis aux règles de réintégration dans l’assiette taxable »

En cas de démembrement de propriété résultant d’une convention, d’une donation ou d’un testament, l'usufruitier prend en charge l'intégralité du paiement de l'IFI. Qu'en est-il en cas d’usufruit légal ? 

il est prévu un partage d’imposition entre nus-propriétaires et usufruitiers. Dans la réglementation précédente, le conjoint survivant – usufruitier - devait déclarer à l’ISF le bien pour sa valeur en pleine propriété. Aujourd’hui, il y a un partage d’imposition entre le conjoint et les enfants. Cette situation peut évidemment poser problèmes dans certaines familles.

Certaines règles concernant la déductibilité des emprunts ont été modifiées. Quelles sont les conséquences pour les prêts « in fine » ?

C’était la surprise de cette réforme, d’autant plus que la mesure, un système de réintégration dans l’assiette de taxation de manière linéaire, est applicable sur les emprunts en cours. Et jusqu’à ce début d’année, cette disposition s’appliquait uniquement à l’immobilier détenu en direct, et non lorsqu’il était détenu par une société civile. Le législateur a profité de la dernière Loi de finances pour corriger son erreur. Désormais les crédits in fine, au bilan des SCI, sont également soumis aux règles de réintégration dans l’assiette taxable. Auparavant, il y avait un avantage assez net pour les prêts in fine. Aujourd’hui, le choix entre un crédit in fine et un crédit amortissable s’opère selon des considérations purement économiques.

De nombreux entrepreneurs affectent leurs biens immobiliers personnels à l’exercice de leur société. Ces immeubles sont-ils taxables à l’IFI ?

Nous avons conservé les règles applicables à l’ISF. En principe, les actifs immobiliers affectés à l’exercice professionnel restent exonérés au regard de l’IFI. Une nouveauté est à mettre en exergue : une personne, actionnaire de moins de 10 % du capital d’une société opérationnelle, bénéficie d’une exonération de taxation, y compris pour la fraction immobilière des actifs de la société. Ce qui n’était pas le cas pour l’ISF.

« Avec le passage à l’IFI, le nombre de redevables pouvant faire jouer le mécanisme de plafonnement a sensiblement baissé »

Comment fonctionne le mécanisme de plafonnement de l’IFI ?

Il est à peu près identique à celui de l’ISF. L’impôt (impôt sur le revenu, prélèvement sociaux et IFI) ne peut pas excéder 75 % du revenu de référence du contribuable. Ce plafonnement a du sens pour ceux qui ont un patrimoine essentiellement immobilier. Avec le passage à l’IFI, le nombre de redevables pouvant faire jouer ce mécanisme a sensiblement baissé.

Quelles sont les solutions que vous pouvez recommander à vos clients pour réduire leur IFI ?

La première des solutions est la réalisation d’arbitrages de biens immobiliers vers des placements financiers afin de réduire l’assiette imposable. Concernant plus spécifiquement, les résidences secondaires, nous pouvons notamment conseiller à nos clients de les détenir par l’intermédiaire d’une société civile. Une stratégie qui pourra faciliter la transmission de parts en pleine propriété aux enfants et l’étalement des donations dans le temps. Les enfants seront peut-être redevables de l’IFI, mais ils le seront dans des tranches moindres que leurs parents.

Une seconde piste peut être creusée. En raison de l’intégration des emprunts dans l’assiette taxable, les personnes qui se constituent un patrimoine à crédit peuvent avoir intérêt à placer leurs actifs immobiliers et financiers dans une société civile mixte. La réglementation prévoit, en effet, que si une personne réalise des opérations immobilières et financières, elle sera taxée au prorata de ses investissements. Si elle a dans le même temps acquis ses actifs immobiliers à crédit, la taxation va diminuer car il y aura application d’un coefficient, rapport entre les actifs immobiliers et le total des actifs de la société civile.

Propos recueillis par Aurélien Florin

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