À son arrivée au pouvoir en 2012, le premier Ministre Shinzo Abe avait promis de redresser l’économie japonaise. Six ans plus tard, le pays du Soleil levant semble bel et bien avoir relevé la tête. Au point d’être de nouveau cité comme exemple à suivre

Avant 2012, les investisseurs voyaient l’économie japonaise comme une valeur refuge, investissant seulement dans des titres décotés. Le pays s’enfonçait alors dans l’engrenage de la déflation. En 2012, elle atteint même les 0,2 %. Le séisme qui a frappé la côte Pacifique du Tōhoku un an plus tôt a agi tel un électrochoc sur les habitants. Les Japonais commencent alors à changer leur manière de vivre et de consommer. Il faudra attendre l’élection du premier ministre Shinzo Abe, le 26 décembre 2012, pour que cette volonté de changement se concrétise.  Il prône alors un nouveau Japon et présente dans la foulée ses emblématiques plans de relance économique, baptisés « abenomics ».

Cool Japan

Arrivé au pouvoir, Shinzo Abe nourrit une ambition : inverser la tendance déflationniste et redonner une dynamique à l’économie du pays en engageant une transformation radicale bottom-up. Pour lui, c’est essentiel : il faut inciter les consommateurs à dépenser. Mais cette politique économique est allée bien plus loin, le « life style super power » a vu le jour. « Tout le monde asiatique a commencé à consommer le mode de vie Japonais » explique Richard Kaye, analyste pour la société de gestion Comgest. De nombreuses marques se sont développées pour devenir incontournables : comme Pola Orbis, la quatrième plus grande société de cosmétiques au Japon, ou encore Uniqlo, au rayonnement dorénavant mondial. Un phénomène appelé « cool Japan » est en marche : c’est la montée en puissance d’un secteur nouveau pour le pays, permettant de prouver qu’il peut exceller dans autre chose que le secteur manufacturier. La chaîne de magasin Don Quijote, au style atypique et à l’organisation décousue, cassant l’image de hiérarchie à la japonaise, pourrait en être l’emblème. Un mouvement qui s’étend également au tourisme. Majoritairement asiatique, il a triplé depuis 2013. Mais au-delà de ces changements de style de vie, le Japon nécessitait une réforme en profondeur.

Retour de la croissance

Pendant vingt ans, le « Japon se vendait lui-même » en « investissant sur son propre marché », précise l’analyste. Mais cette période est révolue, faisant place aux investissements domestiques, redirigés vers la qualité. Dans une économie molle comme celle-ci, seule l’augmentation des dividendes, grâce aux investissements, a permis le retour des capitaux.  C’est en réformant l’impôt sur les sociétés, à un taux effectif de plus 50 % avant 2012, que Shinzo Abe a stoppé le phénomène de gonflement des prix. Les entreprises ont alors à nouveau généré du bénéfice. En 2018, il représentait 13 % du PIB japonais, contre à peine 10 % en 2012 et moins de 5 % en 2010. Un redémarrage qui n’est pas pour déplaire à une société française telle que Comgest, qui est dorénavant responsable d’actions pour des sociétés japonaises. « Un changement presque révolutionnaire » affirme Richard Kaye. 

Shinzo Abe a non seulement révolutionné l’économie et le style de vie japonais mais il a également pointé du doigt les différents potentiels qui s’y cachent. Pour le premier ministre, les femmes sont une réserve de savoir inexploitée car elles quittent pour la plupart le travail après le mariage malgré de grandes études. En cause notamment des normes sociales encore conservatrices. Le Forum économique mondial (WEF) a publié un rapport en 2014 sur la parité entre les hommes et les femmes : sur 142 États, le Japon est cent-deuxième en termes de participation et de perspectives économiques des femmes. Cette année-là, le taux d’emploi des femmes ayant des enfants de moins de trois ans était de seulement 30 %. L’homme politique souhaite alors « ramener les femmes au travail », les « womenomics » sont en marche. Le taux d’activité de la population augmente ainsi grâce au retour des femmes sur le marché suite aux mesures prisent par le gouvernement.  Il est vrai que le Japon garde encore une image de pays conservateur, voir fermé. Pourtant à y regarder de plus près, les choses ont beaucoup changé. Les travailleurs japonais sont par exemple représentés à environ 50 % d’étrangers asiatiques et en particulier de Vietnamiens. De plus, 20 % des enfants nés au Japon ont un parent étranger. Une loi oblige pourtant à choisir une nationalité à l’âge de 21 ans mais celle-ci n’est pas appliquée. Preuve que le Japon accepte la mixité ?

Il est certain que ces trois grandes tendances permettent de constater et de vérifier le changement. Aujourd’hui, les indicateurs macro-économiques continuent de s’améliorer et l’inflation tant attendue est de retour.  Le PIB est en croissance pour le septième trimestre consécutif, du jamais vu depuis onze ans. Le Japon a significativement réduit l’écart en améliorant son résultat ROIC (return on invested capital) avec 7,1 point contre 7,9 au niveau mondial. D’après Richard Kaye, 2018 sera une année payante, et notamment pour les investisseurs.

Morgane Al Mardini 

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