Convaincu, comme beaucoup, que la crise sanitaire doit déboucher sur l’émergence d’un "nouveau monde", Jonas Haddad, avocat et vice-président de la Fondation Concorde, voit dans la capacité des entreprises à repenser leur mode de création de valeur un levier clé de cette transformation.

Le monde de l’entreprise, Jonas Haddad connaît bien. Celui des entreprises en difficultés, encore mieux. Et pour cause. Après un passage par les ministères sous la présidence Sarkozy et un poste de secrétaire général en charge de l’entreprenariat au sein du parti Les Républicains, cet avocat de formation fonde il y a cinq ans son propre cabinet spécialisé dans l’accompagnement d’entreprises en difficulté et, il y a six mois, se voit nommer vice-président de la Fondation Concorde, think tank spécialisé dans l’économie et l’emploi. De quoi ajouter une dimension de prospective à son expertise d’homme de terrain, au plus près des réalités du monde économique.

"Accélérateur de situations"

Alors, quand la crise survient et que, sans surprise, il constate qu’elle a pour effet d’accentuer  "toutes les tendances du monde de l’entreprise" , comme le télétravail, "sur lequel la France a rattrapé dix ans de retard en l’espace de deux mois" , il y voit, comme beaucoup, la possibilité d’en faire "un accélérateur de situations données". Apte, pour peu que l’on s’en donne les moyens, à favoriser la transformation de l'économie pour le rendre compatible avec les exigences de ce "monde d’après" qui, de l’avis de tous, devra émerger de la crise.

"La crise peut nous permettre de faire le bond de modernisation dont l'économie a besoin"

Pour Jonas Haddad, aucun doute : ce passage d’un monde à l’autre relève de l’impératif absolu : "soit on reste dans le monde d’avant et on s’expose à une vague de faillites et de licenciements certaine, soit on transforme notre façon de produire de la valeur et non seulement on évite cet écueil mais on fait un bon quantique sur notre mode de production", explique celui qui, pour opérer cette mutation, voit « trois grands mouvements à enclencher ».

L’urgence de la transformation

Première urgence selon lui : "personnaliser la transformation". Autrement dit, ne pas penser mutation globale et uniforme mais changement sur mesure, prenant en compte le secteur, la taille, l’activité de l’entreprise, sa clientèle et son ADN. Autre levier à activer : celui du rapport au collectif qui, pour Jonas Haddad, est clairement à réinventer. "Bientôt, les entreprises verront leur organisation reposer moins sur un groupe de salariés que sur une communauté de freelances, explique-t-il. Il faudra alors apprendre à créer de nouvelles communautés de travail qui ne seront pas liées par le salariat." Dernier sésame pour le monde de l’après-Covid : l’atout de la proximité sur lequel, à l’avenir, tout acteur économique devra, selon lui, capitaliser.

"Bond de modernisation"

"La chaîne de création de valeur doit désormais se concentrer sur le plan géographique. Pour toute entreprise, faire travailler les gens de sa région permet de profiter à l’environnement mais aussi à l’écosystème local." Si ces trois leviers sont activés, alors la crise sanitaire se traduira par une opportunité que les entreprises auront su saisir. "Une opportunité pour faire le bond de modernisation et de relocalisation dont l’économie française a besoin, conclut Jonas Haddad, convaincu que "déléguer à des entreprises étrangères des choses que l’on sait faire localement" est incompatible avec le projet collectif de l’après-Covid. "la crise des derniers mois a montré que, à force de délocalisations, nous avions perdu en autonomie dans le domaine de la santé comme de l’énergie", rappelle le vice-président de la Fondation Concorde pour qui l’un des principaux enseignements de la pandémie restera de nous avoir montré à quel point le coût d’une dépendance à l’économie chinoise pouvait s’avérer élevé.

Caroline Castets

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