C’est un duo formé par une civiliste et un pénaliste qui se présente devant les avocats parisiens. Julie Couturier est avocate depuis 1995. Elle exerce dans le cabinet qu’elle a fondé en mars 2107, entourée de trois collaborateurs. Précédemment associé de l’ancien bâtonnier Pierre-Olivier Sur, elle préside l’association Droit et procédure entre 2013 et 2015. Vice-présidente de l’Union des jeunes avocats entre 2002 et 2003, elle a été élue au conseil de l’ordre en 2009 et en a été son secrétaire en 2011. Son binôme est ancien premier secrétaire de la conférence (promotion 1984). Au pénal, il défend aussi bien les particuliers que les entreprises et les institutions financières. Depuis 2010, Vincent Nioré exerce dans son propre cabinet. Élu au conseil de l’ordre en 2008, il se bat pour la protection du secret professionnel en occupant depuis plusieurs mandatures le poste de délégué du bâtonnier de Paris aux contestations des perquisitions chez l’avocat.

Décideurs Juridiques. Vous formez un duo. Qu’est-ce qui vous rassemble et qu’est-ce qui vous distingue?

Julie Couturier et Vincent Nioré. Nous sommes l’un et l’autre des travailleurs engagés et sincères. Nous partageons le même amour des avocats, les mêmes valeurs de bienveillance, de solidarité, d’empathie et le sens du collectif. Liés par ce socle commun de valeurs, nous avons des tempéraments différents : Julie la mesure en toutes circonstances, Vincent la capacité d’indignation intacte.

Pourquoi souhaitez-vous représenter les avocats parisiens ?

Si nous avons décidé de nous présenter ensemble, c’est parce que nous sommes profondément préoccupés par l’affaiblissement de la situation des avocats, de moins en moins considérés, de plus en plus attaqués et menacés dans leur existence même, dans un contexte d’affaiblissement de l’institution judiciaire dans son ensemble. Inquiets, nous le sommes aussi du fait de la détérioration accélérée de la situation économique des avocats, quel que soit leur mode d’exercice : ceux qui exercent à titre individuel ont été fragilisés par la grève contre l’inacceptable réforme des retraites puis par la crise sanitaire. Les cabinets structurés, qu’ils soient français ou internationaux, sont également touchés, tout simplement car leurs clients le sont aussi. Cette grave crise risque, sans nul doute, d’accroître les inégalités et de fragmenter plus encore le barreau de Paris.

Face à ce constat de crise, il nous faut d’abord rassembler car ce qui nous lie est plus important que ce qui nous sépare : être avocat, c’est plus qu’un métier, c’est un état, c’est partager des valeurs d’humanité, de solidarité, d’égalité et de confraternité. Ensuite, accélérer la transformation de la profession, en offrant aux avocats parisiens des solutions pratiques devant permettre d’affronter nos nouvelles conditions d’exercice. Enfin, redonner espoir aux jeunes avocates et aux jeunes avocats car, face aux défis qui s’annoncent, le droit occupe encore une place prédominante. Il nous appartient avec eux, car nous les aiderons, de restaurer le rôle social de l’avocat.

Cette force du droit, cette force des droits, c’est bien ce que nous avons voulu exprimer dans ces mots de ralliement : Force aux droits.

Quelles valeurs attachez-vous à votre candidature ?

Nous avons envie de porter une voix forte et singulière. Nous sommes déterminés, constructifs. Nous portons des valeurs d’écoute, de bienveillance, de protection et de défense des avocats. Nous travaillerons dans le dialogue et la concertation, en équipe car, là encore, ce qui nous anime, c’est la relation à l’autre, ce n’est pas la verticalité de la fonction.

Que faut-il changer au sein de l’ordre ?

Il est exclu d’emprunter la posture selon laquelle il faudrait renverser la table, tout casser car l’ordre de Paris a entamé, depuis plusieurs années, sa modernisation, notamment par la certification ISO 9001 d’un grand nombre de ses services et par la mise en place d’appels à candidatures pour le recrutement des avocats missionnés par l’ordre. Pour autant, la perception de l’ordre par les avocats reste négative de sorte que nous nous attacherons à poursuivre ce mouvement de modernisation et d’ouverture, à rendre plus lisibles au quotidien les missions de l’ordre qui tendent au service de tous les avocats. Accessibilité, disponibilité, efficacité et rapidité seront donc les principes moteurs de notre action.

Quelle sera votre première mesure ?

Les mois que nous venons de traverser nous ont appris qu’il fallait être prudents et humbles avec les projections à trop long terme. Il serait bien présomptueux de notre part de vous annoncer notre première mesure phare tant nous ignorons ce que seront les priorités de nos confrères au 1er janvier 2022, date de notre prise de fonction si nous sommes élus. Cela dit, nous avons de bonnes raisons de penser que les préoccupations de nos confrères seront essentiellement économiques et nous serons prêts à mettre en œuvre des mesures de soutien économique et social à nos confrères quels que soient leurs modes d’exercice.

Comment défendrez-vous le secret professionnel ?

Le secret professionnel est un droit fondamental pour le justiciable qui livre ses confidences en matière de conseil ou de défense. Il doit être protégé au premier plan par le bâtonnier, qui est le protecteur des droits de la défense. Nous garantissons la présence permanente du bâtonnier, du vice-bâtonnier, premiers défenseurs du secret, et des délégués en perquisition avec des contestations systématiques et de principe pour le respect du secret en matière de conseil et de défense. Nous formerons les avocats parisiens aux outils techniques permettant d’assurer la protection des données confidentielles.

"Accessibilité, disponibilité, efficacité et rapidité seront donc les principes moteurs de notre action"

Par ailleurs, en cas d’interception d’une communication électronique d’un avocat par un magistrat, le bâtonnier exigera toutes explications sur la nécessité de cette mesure.

L’ordre présentera enfin une réforme des textes permettant au bâtonnier de contester la notification d’une interception d’une communication électronique comme en matière de perquisition. Une redéfinition du statut du bâtonnier en un bâtonnier méga-protecteur des droits de la défense et du secret est nécessaire à la sauvegarde du barreau, ce qui doit également conduire à s’interroger sur la coexistence de ce nouveau rôle avec celui d’autorité de poursuite. Pour mener tous ces combats de front, nous créerons un pôle du secret professionnel pour mieux protéger les avocats.

Craignez-vous, comme le CNB, qu’un grand nombre de vos confrères quittent la profession en raison de la crise sanitaire ?

Malheureusement oui, nous le craignons même si nous sommes résolument confiants dans la capacité de résilience et de combativité de nos confrères. Notre devoir est de les accompagner. L’ordre doit se mettre à leur service et faire du lobbying auprès des autorités pour améliorer le statut social, fiscal et économique des avocats.

À quand la grande profession du droit ?

Fédérer l’ensemble des professions du droit est un projet de long terme qui n’a de chance d’aboutir qu’à condition d’être progressif. Les grands mouvements de la profession d’avocat ont lieu à peu près tous les 20 ans : fusion avec les avoués près le tribunal (1971), fusion avec les conseils juridiques (1991) et fusion avec les avoués à la Cour (2011). Aujourd’hui, les rapprochements les plus réalistes sont ceux qui pourraient être opérés avec les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, et avec les juristes d’entreprise. Nous pensons que la réflexion doit se poursuivre sur la question de l’avocat en entreprise.

Faut-il combattre ou soutenir la legaltech ?

Nous devons évidemment les soutenir à la condition qu’elles soient faites par les avocats et pour les avocats dans le respect de notre déontologie.

Comment soutenir le développement des cabinets d’avocats ?

L’ordre doit être flexible et s’adapter aux problématiques très variées des avocats selon leur mode d’exercice. La formation continue doit être l’un des outils de ce développement et en particulier en matière de management, de gestion des cabinets, d’initiation et de perfectionnement à tous les moyens de communication digitale. Il est par ailleurs indispensable d’encourager et de faciliter le regroupement des avocats, de développer l’interprofessionnalité et de continuer à promouvoir les nouveaux pôles d’activité (arbitrage, agents sportifs, mandataires) afin de lutter contre l’isolement des avocats exerçant à titre individuel. Enfin, il est nécessaire d’alléger certaines rigidités réglementaires par exemple en matière de domiciliation, de taxation, d’exercice des avocats exerçant à l’étranger. L’ordre doit faciliter la vie des confrères confrontés à beaucoup de difficultés dans leur quotidien.

Enfin, l’ordre doit avoir une vision prospective et innovante pour anticiper le changement et non le subir. Nous représenterons et rassemblerons les avocats parisiens qui n’ont jamais autant subi la fracture sociale dans notre profession. Nous les défendrons sans relâche.  L’ordre sera leur protecteur.

Propos recueillis par Pascale D'Amore

 

Et plus personnellement…

Votre mentor ?

Julie Couturier. Robert Badinter et Jean-­Denis Bredin qui m’ont enseigné respectivement les institutions judiciaires et la procédure civile à l’université.

Vincent Nioré. Marcel Willard (auteur de La Défense accuse) et Henri Leclerc.

Le dossier sur lequel vous auriez aimé travailler ?

Julie Couturier. Être partie civile au procès Barbie.

Vincent Nioré. Le dossier de Soghomon ­Tehlirian, exécuteur en 1921 de Talaat Pacha, auteur du génocide arménien de 1915 en fuite à Berlin, acquitté par la cour d’assises de Berlin la même année.

Cité judiciaire ou tribunal de commerce ?

Julie Couturier. Cité judiciaire.

Vincent Nioré. Cité judiciaire.

Quel don souhaiteriez-vous avoir ?

Julie Couturier. Jouer d’un instrument de musique.

Vincent Nioré. Avoir le don de la science infuse au sens biblique.

Un tic de langage ?

Julie Couturier. Je dis trop « effectivement » !

Vincent Nioré. Le tic de la désarticulation qui est le contraire de l’articulation.

Quelle autre profession auriez-vous pu exercer ?

Julie Couturier. Critique gastronomique.

Vincent Nioré. Aucune autre.

Avocat à la vie à la mort ?

Julie Couturier. Oui, bien sûr !

Vincent Nioré. Désespérément et inévitablement oui ! Avocat à la vie à la mort !

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