Directrice du développement durable de Candriam, Isabelle Cabie a pour mission de promouvoir l'investissement socialement responsable (ISR) au sein de la société de gestion, ainsi qu'auprès des entreprises et des pouvoirs publics. Elle revient sur sa vision du marché.

Décideurs. Quelle est votre position concernant les différents labels ISR ?

Isabelle Cabie. Il en existe un certain nombre mais tous ont le même objectif : être une référence pour le marché et offrir une crédibilité aux fonds qui en bénéficient. Il s'agit pour nous d'une certification destinée à l'investisseur particulier, les institutionnels étant plus équipés en interne pour faire leurs propres recherches. Nous voyons un vrai intérêt dans ces labels qui permettent d'éviter le « green washing » (« l’éco-blanchiment ») en exigeant une véritable démarche responsable. Ce qui complique les choses est la multiplicité des labels. Pour des acteurs européens comme Candriam, cela demande la mobilisation de ressources humaines et financières importantes. Un label européen permettrait bien entendu d'unifier ces labels et de nous faciliter la tâche. Pour le moment, nos choix sont guidés par la pertinence du label sur chacun des marchés que nous couvrons, mais aussi sur les critères qu'il met en avant. En France, cinq de nos fonds sont labellisés ISR, du label gouvernemental : un fonds haut rendement, un fonds Euro corporate bonds et trois compartiments actions – monde, Asie-Pacifique et Amérique du Nord. 

Quelle est l'approche ISR de Candriam ?

Depuis 2008, Candriam dispose d'une équipe d'analystes interne dédiée à l'ESG (environnement, social, gouvernance). Leur rôle est de définir, pour chaque secteur d'activité, quels sont les critères ESG les plus importants, sachant que les seuls secteurs que nous n’investissons pas sont l'aéronautique et la défense. Notre objectif est ainsi d'analyser l'ensemble de la chaîne de valeur pour chaque entreprise à travers ce prisme ESG. Cette analyse pèse pour 50 % dans l’évaluation globale et la gouvernance y a une place de choix car elle pèse pour 20 % de cette analyse. Pour nous, il s'agit souvent d'un indicateur précurseur qu'une entreprise va pouvoir gérer des défis ESG. Le « business model » de l'entreprise, et l'exposition de celle-ci à six défis majeurs – le changement climatique, l'exploitation des ressources naturelles, la démographie, les pays émergents, la technologie et la santé – pèsent pour 50 %. Une fois cette analyse effectuée, nous choisissons la moitié des entreprises les mieux notées dans chaque secteur, l'échantillon de départ étant notre indice de référence.

 

La gouvernance est importante pour vous. Que mesurez-vous exactement ?

Nous souhaitons voir un certain nombre de critères : l'indépendance du conseil d'administration, la séparation des rôles de président et de directeur général, l'orientation stratégique, l'indépendance des comités d'audit et de rémunération... Le suivi est également important. L’historique du management en place et la manière dont ils conduisent l'entreprise est crucial. La gouvernance est pour nous le critère le plus facile à prendre en compte. Même dans nos fonds non orientés ISR, les gérants prennent en compte ce facteur.

Comment organisez-vous le suivi de vos portefeuilles ISR ?

Nous procédons à des révisions sectorielles tous les trois ans environ. Entre deux révisions, nos analystes suivent au jour le jour les secteurs dans lesquels nous sommes investis afin de procéder, si nécessaire à des arbitrages. Cela peut être nécessaire par exemple à la suite d’une opération de fusion-acquisition qui fait qu'une entreprise éligible ne l'est plus. Globalement toutefois, la sélection est plutôt stable dans le temps : nous enregistrons entre 20 et 30 % de turnover.

Quelles sont vos perspectives sur les aspects d'investissement responsable ?

Concernant notre engagement pour promouvoir l’ESG, nous avons lancé une académie ISR qui a pour objectif de former les conseillers en investissement qui sont en contact direct avec les investisseurs. Nous avons par ailleurs créé un institut dans lequel sont logées 10 % des commissions de gestion de nos fonds ISR, afin de promouvoir ce thème de manière plus institutionnelle dans la recherche et des projets associés. Cela se matérialisera de manière plus concrète en 2019. Nous sommes également de plus en plus actifs dans le dialogue collectif et allons continuer à l'être. Nous signons énormément d'initiatives de collaboration avec d'autres investisseurs afin de demander aux entreprises de s'orienter vers des pratiques plus durables. Aujourd’hui, le parent pauvre de l'ESG est pour moi le social. Il s'agit du plus difficile à aborder en termes de données mais aussi de dialogue avec les entreprises.

Propos recueillis par Camille Prigent

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