Mesures en faveur des classes moyennes, impact de la crise sanitaire sur les prix, choix d’un centre-ville dense… Le communiste Ian Brossat, adjoint au logement à la mairie de Paris, revient sur les grands sujets immobiliers dans la capitale.

Décideurs. Pour beaucoup, une ville en bonne santé est une ville qui gagne des habitants. Ce qui n’est plus le cas de Paris. La hausse démographique est-elle un indicateur clé pour vous ?

Ian Brossat : Paris est la ville la plus dense d’Europe, il y a peu de foncier disponible. Une hausse continue et durable de la population peut réjouir les statisticiens, peut-être moins les habitants. Je me souviens que, durant les années Delanoë, lorsque la croissance démographique était au beau fixe, les Parisiens s’inquiétaient d’une surpopulation, d’un manque d’espaces verts, d’une saturation des services publics. Sur le plan démographique, la vraie question est de bâtir une ville pour tous, les plus aisés, les classes populaires mais aussi les classes moyennes.

La crise sanitaire fait drastiquement baisser le nombre de logements mis en location sur Airbnb. Cela a-t-il un effet sur le marché locatif ?

Un chiffre me semble frappant : en un an, le nombre d’appartements mis en location sur une période de longue durée a augmenté de 180 %. Cela est lié à la diminution du nombre de touristes, qui contraint les propriétaires à remettre leurs biens sur le marché locatif standard. Cette hausse de l’offre a eu pour conséquence de faire baisser les prix à la location de 1 %. C’est peu, mais l’augmentation des loyers est enrayée. Pour les baux renouvelés, les prix sont en retrait de 3 %. Cela permet à des milliers de personnes travaillant dans la capitale de rester y vivre, parfois avec leurs proches. C’est une bonne nouvelle puisque ce sont dans les quartiers où Airbnb est le plus implanté, notamment Paris Centre, que les écoles ferment le plus.

"Ce sont dans les quartiers ou Airbnb est le plus présent que les écoles ferment le plus"

Mais la crise sanitaire se terminera bien un jour, la situation qui prévalait avant la pandémie ne risque-t-elle pas de revenir ?

Il s’agit d’un vrai risque et nous profitons de la période pour mettre en place un certain nombre de garde-fous. Notre système de régulation était contesté par les plateformes, la Cour de justice de l’Union européenne nous a donné raison en octobre, la Cour de cassation également. Nous pouvons aussi envisager de diminuer le nombre de nuitées autorisées dans les locations Airbnb. Pour le moment, c’est 120 jours, mais dans d’autres villes du monde le seuil est de 30 à 60 nuitées et je suis favorable à introduire cette solution à Paris. En revanche, une telle mesure relève de la loi et la mairie n’a pas de leviers d’action.

La mairie de Paris est souvent accusée de privilégier le logement social au détriment des classes moyennes. Vous venez de lancer un programme destiné à ce segment de la population. En quoi consiste-t-il ?

Il s’agit d’un mécanisme permis par la loi Alur qui consiste à dissocier le foncier du bâti. Nous avons lancé une structure, la Foncière de Paris, qui est propriétaire du foncier et vend le bâti. Cela permet de diviser le prix du mètre carré par deux et de mettre en vente des programmes à 5 000 euros le mètre carré. Le premier, qui comprend 23 logements, est lancé dans le XIVe arrondissement dans l’ancien hôpital Saint-Vincent- de-Paul. 1 000 logements sont prévus. L’objectif est de produire prioritairement de logements familiaux de trois, quatre voire cinq pièces.

Quels critères faut-il remplir pour bénéficier de ces logements ?

Le plafond de revenu pour un couple de deux enfants est de 4 900 euros mensuels, nous ciblons notamment les familles d’enseignants, d’employés. Il suffit de déposer son dossier en ligne et la demande est très forte. Pour les 23 premiers logements, nous avons reçu 500 dossiers en seulement 24 heures.

Ces programmes semblent une goutte d’eau par rapport à la demande, mais aussi par rapport à la construction de logements sociaux. Paris ne risque-t-elle pas de devenir une ville de propriétaires aisés (ou endettés) d’un côté, et de catégories populaires dans les HLM de l’autre ?

À mon sens il y a un gros malentendu sur les logements sociaux. Ce ne sont pas des immeubles dans lesquels sont entassés les exclus de la société, les migrants irréguliers ou les populations à problème. Un tiers des logements sociaux à Paris sont réservés à des catégories dont les revenus correspondent aux classes moyennes puisque le plafond de revenus pour un couple de deux enfants est de 6 000 euros. Et nous allons continuer à construire des logements sociaux, en plus du parc privé et des programmes de la Foncière de Paris.

"J'assume de densifier Paris, pour moi c'est écologique"

Quitte à densifier encore la ville ?

Oui, c’est une décision politique assumée, nous voulons continuer à construire. Je précise au passage qu’il est plutôt écologique d’avoir un centre-ville dense puisque cela permet de lutter contre l’étalement urbain et de diminuer le temps de transport.

Propos recueillis par Lucas Jakubowicz

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