AG2R La Mondiale fait partie des grands investisseurs institutionnels français en immobilier. Isabelle Clerc, directeur de l’immobilier de placement, partage son analyse sur l’évolution des marchés et détaille sa stratégie.

Décideurs. Que représente l’immobilier de placement chez AG2R La Mondiale ? 

Isabelle Clerc. Nous gérons 6,4 Mds€ d’actifs immobiliers, essentiellement détenus en direct. Une grande partie de ce portefeuille est constituée d’actifs tertiaires à Paris ou en Première couronne dans des zones établies et facilement accessibles. Nous avons une compétence forte en matière de développement et de restructuration, ce qui nous permet de prendre des risques et ainsi de créer de la valeur. En parallèle, nous avons entamé une diversification au cours des dernières années, notamment dans le commerce avec la signature d’un portefeuille de 14 Monoprix, dans les résidences services seniors en indirect avec A Plus Finance et en Allemagne, en Italie et en Espagne avec Ardian. 

Quelles sont vos convictions concernant l'évolution des marchés immobiliers français compte tenu de la crise sanitaire ?

Au niveau du marché des bureaux, nous observons un temps d’arrêt dans les recherches des utilisateurs car ces derniers ont besoin de tirer les enseignements de la période de confinement et de réfléchir sur leurs stratégies immobilières. Nous pensons que c’est une bonne chose car, à l’issue de cette période, les ensembles tertiaires qui réunissent tous les critères pour accueillir les collaborateurs dans les meilleures conditions seront privilégiés. Le dialogue entre le bailleur et son locataire va évoluer et les compétences techniques immobilières seront revalorisées. Dans ces conditions, notre portefeuille démontrera sa grande résilience.

Concernant le commerce, cette classe d’actifs est en mutation depuis une quinzaine d’années. Mais elle a souffert d’un retail bashing excessif dernièrement. Certains formats comme l’alimentaire se sont avérés indispensables pendant le confinement. Notre portefeuille Monoprix a ainsi surperformé car il allie l’accessibilité, la localisation et la réponse à un besoin primaire. Nous continuerons par conséquent à étudier des opportunités dans le commerce à partir du moment où nos critères en matière de localisation et de profitabilité sont réunis.

A contrario, nous avons fait le choix ces dernières années de ne pas nous exposer à la logistique. Les sujets XXL comportent leur part de risques et la compression des taux de rendement au cours des mois précédant la crise sanitaire pouvait laisser craindre que nous étions dans une situation de bulle. Quant à la logistique du dernier kilomètre, nous avions identifié un momentum il y a quelques années mais nous avons choisi de nous positionner sur d’autres sujets et le coût d’entrée nous semble devenu trop élevé aujourd’hui.

Notre appétit pour les résidences services seniors reste lui entier. Nous restons toutefois vigilants sur la localisation et la capacité de transformation des actifs dans le temps. Nous avons fait le choix de ne pas prendre position sur le segment médicalisé car AG2R La Mondiale dispose d’une entité en interne, MBV, qui a de fortes compétences sur le sujet.

Nous avons historiquement de l’immobilier de loisirs dans notre portefeuille et nous sommes présents dans un fonds de La Française exposé à cette classe d’actifs. Nous suivons donc de près les difficultés rencontrées par le secteur hôtelier. Nous sommes en pleine réflexion sur notre stratégie mais nous pensons qu’il est important de garder un savoir-faire en la matière. Nous avons également une part de 3 % (environ 200 M€) de résidentiel dans notre portefeuille. Mais nous avons décidé de rester en retrait ces dernières années car nous avons jugé les rendements insuffisants et les risques trop importants, notamment en termes de réputation pour un organisme français de protection sociale et patrimoniale. Nous pourrions néanmoins prendre position sur des dossiers mixtes où la complémentarité entre classes d’actifs permettrait de créer de la valeur.

"Nous sommes plutôt dans une position d’investisseur net nul en immobilier"

Dans ces conditions, comment évolue votre thèse d'investissement en France ?

Quand nous analysons un actif, nous avons une double lecture : la performance et le risque qui inclut la vision assurantielle avec la prise en compte du régime Solvency II, le coût du capital… Nos dossiers d’investissement sont alors classés selon trois niveaux : très résilients, très créateurs de valeur, très opportunistes. Nous privilégions la deuxième strate tout en ne misant pas uniquement sur la compression des taux. Quand nous étudions un immeuble, nous veillons à ce qu’il puisse absorber le coût d’une restructuration ou d’un redéveloppement dans un cycle de 15 à 20 ans. La crise sanitaire ne modifie donc pas significativement notre thèse d’investissement qui a été réactualisée en fin d’année dernière.

Compte tenu de notre approche, nous privilégions les actifs d’une certaine taille dans des localisations prime. Ce sera Paris et éventuellement Lyon pour les actifs tertiaires, les artères principales des grandes villes pour le commerce… Concernant la dimension unitaire des immeubles, nous sommes confortables entre 100 et 250 M€. Nous pourrions même prendre position aujourd’hui sur des actifs à partir de 50 M€ si nous pouvons créer de la valeur. Enfin, nos acquisitions sont réalisées en full equity, nous n’avons donc pas de sujet sur le financement.

Qu'en est-il des ambitions d'AG2R La Mondiale en immobilier ?

L’immobilier représente 8 % de l’allocation totale du groupe, ce qui est une fourchette haute pour un assureur. En parallèle, la collecte a été freinée ces derniers mois sur les fonds euros. Nous sommes donc plutôt dans une position d’investisseur net nul en immobilier, c’est-à-dire que nous aurons tendance à acquérir et à arbitrer dans des proportions comparables. Nous avons investi entre 200 et 400 M€ par an dernièrement et nous nous sentons capable de poursuivre ce trend si nous pouvons réaliser des cessions. Nous avons travaillé sur un plan d’arbitrages mais nous vendrons uniquement si nous recevons des offres attractives.

Propos recueillis par François Perrigault (@fperrigault)

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