Aussi connu pour ses recherches sur le cosmos que pour sa capacité à les rendre accessibles, pour son engagement en faveur de la biodiversité que pour ses talents de conteur, Hubert Reeves ne se contente pas d’explorer, il partage ; s’employant à reconnecter l’homme à cet Univers qui le dépasse, l’éduquant au plaisir de comprendre et, plus important encore, de s’émouvoir. Rencontre avec un explorateur de cosmos et un enchanteur du quotidien.

Décideurs. Comment vous est venu le goût des sciences ?

Lorsque j’avais douze ans, un ami de la famille, généticien, m’a invité dans son laboratoire et m’a fait regarder dans son microscope : j’y ai vu une multitude de petites choses qui bougeaient. L’idée qu’autant de vie et de mouvement puisse être contenu dans un si petit espace m’a littéralement fasciné. J’ai compris alors que les scientifiques étaient des découvreurs de continents. De véritables explorateurs.

Votre premier livre de vulgarisation, « Patience dans l’azur », a connu un immense succès. Comment expliquez-vous cet engouement pour un sujet que beaucoup croyaient réservé à un public d’initiés ?

Dans ce livre je cherchais à démontrer que l’histoire de l’Univers est également la nôtre, que le passé des étoiles et des galaxies touche au fait que nous existons. Opérer cette mise en relation des gens avec ce cosmos qui les dépasse, les emmener à prendre conscience du lien entre l’Univers perçu comme inaccessible et leur propre existence n’est pas seulement passionnant intellectuellement, c’est également excellent pour le moral. Car cela rassure de faire partie d’un tout, cela donne une dignité et une importance individuelle à échelle du cosmos. Je pense que c’est cette dimension d’histoire commune qui intéresse les gens.

Pour un scientifique, vous êtes très porté sur la poésie…

C’est vrai et cela m’a été beaucoup reproché au début. Lorsque j’ai voulu publier « Patience dans l’azur », en 1981, j’ai essuyé trente refus d’éditeurs convaincus que l’astronomie n’intéressait personne. Et lorsqu’il est enfin sorti, les médias ont refusé d’en faire la critique sous prétexte qu’il ne se cantonnait pas à la seule rationalité. Pour les uns la science est ennuyeuse, pour les autres la poésie est superficielle.  De mon côté, je crois que mixer les deux favorise la compréhension. Le succès de « Patience dans l’azur » prouve que les sciences intéressent les gens. Simplement, la plupart l’ignorent. La poésie aide à dépasser ces blocages. Elle ouvre le champ de la compréhension et de l’émotion.

Vous définiriez-vous comme un militant ?

Oui, sans aucun doute. Je suis un militant de la sauvegarde de l’environnement. Je crois que, pour obtenir de l’homme qu’il cesse d’aller contre son intérêt à long terme, il faut favoriser chez lui un retour à l’affect dans le rapport à la nature. C’est pour moi le meilleur antidote pour lutter contre cette obsession du profit immédiat qui le pousse à saccager des régions entières et à pratiquer une pêche si intensive qu’elle vide les océans.

Que vous inspire la décision du gouvernement concernant Notre-Dame-des-Landes ?

C’est pour moi un réel soulagement et une grande satisfaction. Ce projet d’aéroport avait un coût écologique extrêmement élevé puisqu’il impliquait la destruction de terres agricoles qui font partie d’un patrimoine à préserver. Voir qu’un gouvernement est capable de revenir sur ce projet s’apparente selon moi à un signal rassurant.

Propos recueillis par Caroline Castets

 

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