La dévolution du patrimoine immobilier universitaire doit permettre aux universités d'acquérir pleinement leur autonomie, qui reste cependant dépendante des dotations étatiques. Hubert Briand, responsable du pôle efficacité énergétique des bâtiments à la Caisse des Dépôts, nous expose des pistes pour pérenniser financièrement cette autonomie.

Décideurs. La dévolution est-elle la brique essentielle de l'autonomie des universités ?

Hubert Briand. La dévolution n'est pas une fin en soi, tout dépend du modèle économique. Bien que la dévolution du patrimoine soit l'un des éléments du trépied de l’autonomie, avec le budget et les ressources humaines, le problème reste bien plus structurel. En effet, les universités n'ont pas de réelle autonomie financière puisqu'elles s’appuient toujours sur une dotation d'Etat pour fonctionner et investir. Même si une université peut arbitrer à l’intérieur de ses dotations, elle dépend de l'Etat et des collectivités territoriales pour le financement.de son patrimoine. Aujourd'hui, ces dotations d’investissement sont assurées sur projets par le CPER (contrat de plan Etat-région) à 90 %.

Quel est le vrai problème ?

Le fonds du problème est avant tout budgétaire, le financement des universités correspondant au modèle économique des trente glorieuses avec un Etat providence La question s'est posée de la dévolution du patrimoine universitaire aux régions, mais on ne voulait pas de régionalisation de l'enseignement supérieur : celui-ci conserve une tradition jacobine extrêmement ancrée. La question se pose en effet d’une apparente contradiction entre l'aménagement du territoire et un enseignement supérieur au standard international. L’absence de stratégie sur l’immobilier universitaire devient problématique, les contraintes budgétaires empêchant un accompagnement financier suffisant pour le mettre à niveau.

S'enfonce-t-on dans une impasse ?

Des simulations ont été faites : d'ici dix ans il faudrait fermer 10 % des bâtiments universitaires si l’on continue ainsi, sans dotations supplémentaires. Economiquement, nous sommes effectivement dans l'impasse, les universités n'ayant rien obtenu dans le Grand plan d'investissement et très limitées dans l’accès à l’emprunt. La négociation des futurs CPER sera cruciale pour la pérennité de leur patrimoine.

Comment en sortir ?

L’Etat ayant décidé qu'il n'y aurait pas de dotation de GER (ndlr : gros entretien et renouvellement) affectée à la deuxième vague de la dévolution et les frais d'inscription étant également figés, les universités doivent développer des ressources propres. C’est l’objet du programme PIA-SUR (sociétés universitaires et de recherche) destiné à valoriser leurs actifs matériels et immatériels (patrimoine, formation continue, technologies) ce qui entre peu à peu dans les mœurs. La valorisation immobilière avec le secteur privé n'est pas dans la culture universitaire, il est donc nécessaire de faire évoluer les mentalités sur ce sujet.

Les foyers de valorisation sont-ils importants ?

L'immobilier universitaire français s'étale sur près de 18 millions de mètres carrés, dont environ 15 appartiennent à l'Etat, ainsi que 6 000 hectares de campus. Il existe de nombreuses réserves foncières valorisables, aussi bien pour du logement étudiant que pour l’accueil d’entreprises en lien avec la recherche universitaire. Une autre piste concerne la location d’espaces existants compte tenu du taux d'occupation moyen annuel des bâtiments universitaires, autour de 60 %. Cette solution, éligible au programme PIA-SUR, permet de dynamiser l’exploitation publique du patrimoine en le rendant productif, dans une logique de plus grande responsabilisation des acteurs.

Comment initier au mieux ce changement de mentalités ?

En accompagnant les universités dans leurs projets. Il s'agit de faire naître, dans le monde universitaire, l'idée de penser autrement : c'est le rôle du programme PIA-SUR géré par la Banque des Territoires. L’enjeu est de taille puisqu’il s’agit d’articuler la logique subventionnelle publique avec une logique d’investissement, même si la plupart des universités françaises sont conscientes qu'elles pourraient valoriser leurs actifs. Il en va de même pour les économies d’énergie. L'énergie étant un vrai gouffre financier pour les universités, nous avons tiré un premier fil rouge : « investir pour économiser ». Nous avons financé une dizaine d'universités pour des opérations d’efficacité énergétique en intracting (ndlr : internal contracting, inventé par la ville de Stuttgart en 1995), sortes de CPE internes dans lesquels les économies générées par des travaux sont utilisées pour rembourser la mise de fonds initiale et financer d'autres travaux. Ce dispositif est employé en complément de financements plus longs. L'énergie nous semble le bon cheval de bataille pour secouer la montagne ! Cependant, il existe tout de même des freins organisationnels, juridiques et financiers, la complexité toute relative des opérations entraînant de l'inertie et de la crainte.

Propos recueillis par Boris Beltran

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