Sous-directeur de l'immobilier au sein du Ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, Guillaume Decroix est en première ligne en ce qui concerne la dévolution du patrimoine immobilier universitaire. Il fait un point sur la deuxième vague de dévolution en cours et sur les prochaines étapes.

Pouvez-vous nous faire un point de situation ?

En 2016, nous avons lancé un appel à candidatures pour une deuxième vague de dévolution. Onze universités ont répondu et ont été auditées. Parmi celles-ci, quatre ont obtenu le feu vert pour activer le processus de dévolution : Aix-Marseille, Bordeaux, Caen et Tours. L'échantillon était particulièrement intéressant, avec des petites et des grandes, une bonne répartition géographique, certaines intégrées à la ville et d'autres en dehors. Les procédures ont commencé courant 2017.

Pourquoi avoir lancé cette deuxième vague ?

Un rapport de l'inspection générale a dressé un bilan extrêmement positif de la première vague, et ce bien au-delà de la simple dimension budgétaire : c'est toute la posture politique de ces universités, vis-à-vis de leur environnement qui a changé. Grâce à la dévolution, l'université n'est plus simplement une dépendance de l'Etat, elle est désormais devenue un interlocuteur qui crée la cité. N'oublions pas que bien souvent, dans une métropole, l'université pèse 10 % de la population. Elle est donc un élément essentiel qui fait le lien entre cette population et le tissu économique local.

Quelles sont les conditions pour obtenir ce feu vert ?

L'université concernée doit avoir parfaitement identifié son parc immobilier et avoir mis en place un SPSI (schéma pluriannuel de stratégie immobilière), validé par le MESRI et par la direction immobilière de l'Etat, au niveau local et national. Cela garantit que la dévolution s'inscrive dans une vision politique globale de long terme, et non par effet d'aubaine.

Ensuite ?

Aix-Marseille a signé une convention de dévolution, ensuite, un arrêté ministériel viendra entériner la décision. Puis, une période d'un an viendra pour tout régler au niveau administratif, avec les actes notariés. (passage du chapitre politique au chapitre administratif). Bordeaux suit juste derrière, l'examen de son dossier viendra à l'été. Caen à l’automne et enfin Tours en fin 2020.

Qu'en est-il de l'accompagnement financier pour cette deuxième vague ? La dotation est-elle toujours d'actualité ?

Pour ces quatre universités, nous avons préféré maintenir les financements existants : CPER (contrat de plan Etat-région) et financement immobilier pour la sécurité et accessibilité. Entre une université qui bénéficie de la dévolution et une autre, il n'y a aucune différence de traitement au niveau financier !

Comment les universités peuvent-elles valoriser leur patrimoine immobilier et foncier ?

Nous avons modifié le code général de la propriété des personnes publiques (CG3P), qui permet aux universités, au-delà d'une simple vente, de valoriser leur patrimoine. Location de locaux, co-exploitation d'une activité... les possibilités sont multiples ! Nous essayons de montrer que l'université peut devenir une marque pour attirer professeurs, chercheurs et étudiants.

Mais n'y a-t-il pas là un risque que l'université s'éloigne de sa mission d'intérêt public ?

La première des régulations reste interne : la démocratie qui existe au sein des conseils d'administration d'université, composés d'étudiants, du corps enseignant et de représentants syndicaux, est le meilleur garde-fou. Les présidents sont très attentifs à être très mesurés dans leurs expérimentations ! Quant à nous, nous resterons des conseillers privilégiés pour les opérations d'ampleur, en allant toujours dans le sens de l'autonomie : l'université doit nous considérer comme des sparring partners plutôt que des censeurs.

Quelles sont les prochaines étapes ? A quand la généralisation de la démarche ?

Cette deuxième vague appelle la continuation d'un cycle de dévolution pluriannuel qui aurait vocation à embarquer toutes les universités désireuses de se lancer dans l'aventure. On va ouvrir, à priori fin 2019, un cycle de dévolution qui se fera au fil de l'eau (ndlr : sans appel à manifestation d'intérêt). C'est beaucoup plus facile pour nous, avec près de 200 établissements concernés. On sent que c'est le sens de l'histoire : si cela fonctionne, c'est parce que c'est avant tout l'expression de la volonté locale. Nous sommes uniquement là pour la fluidifier, c'est aussi cela le rôle de l'Etat stratège.

Propos recueillis par Boris Beltran

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