Leader mondial du transport maritime, le groupe suisse Kuehne + Nagel est au deuxième rang du fret aérien et dans le top 3 du transport routier européen. Pourtant, cet acteur majeur souffre d’un déficit de notoriété au-delà du cercle des spécialistes de la logistique. Guillaume Col, président France et Maghreb, livre à Décideurs sa vision du métier et ses ambitions pour l’avenir.

Décideurs. Pouvez-vous nous retracer votre activité ?

Guillaume Col.
Kuehne + Nagel est un groupe dont le siège est situé en Suisse et qui compte 76 000 salariés dans 130 pays. Le transport de marchandises par voie maritime, aérienne et routière ainsi que la logistique avec des entrepôts de stockage un peu partout dans le monde sont le cœur de nos activités. En France, où nous employons 11 000 salariés sur 140 sites, cela fait déjà cinquante ans que nous sommes implantés.

Quels sont les principaux enjeux rencontrés dans votre secteur ?

Nous sommes liés aux échanges commerciaux mondiaux et à leurs évolutions, d’où des enjeux assez forts avec les changements de zones de production et de consommation. Lorsque les entreprises externalisent leur production ou que de nouvelles zones de consommation, notamment en Asie, émergent, cela induit des modifications sur les flux de marchandises donc sur notre métier, y compris en France.
L’autre enjeu important est l’explosion de la part de marché du e-commerce qui change la manière dont nous menons notre business. De plus en plus de nos clients sont des e-commerçants avec ce que cela implique comme changement de business model. Le client final de ce marché, qui attend sa marchandise dans les meilleurs délais, nous oblige à être à même d’adapter nos process. Le fait qu’il s’agisse d’un individu et non d’une entreprise nous amène vers le B to C alors que nous travaillions jusque-là uniquement en B to B.  Contrairement à nos clients habituels, dont la préoccupation consiste à suivre à la trace l’évolution de leur cargaison, le consommateur, qui commande sur Internet n’a qu’un seul objectif : être livré tel jour, à telle heure et à tel endroit. C’est un changement de comportement qui n’est pas neutre pour les entreprises de notre secteur.

À une époque où les acteurs de la logistique sont parfois désignés comme peu respectueux des principes de développement durable, quelles sont les pratiques en RSE (responsabilité sociale des entreprises) chez Kuehne + Nagel ?

Cet enjeu prime également. Nous pilotons le bilan carbone de nos clients via notre programme de gestion Carbon Intelligence. En nous engageant avec eux à baisser l’émission de gaz carboniques sur l’ensemble du transport, du point de départ à l’arrivée. La charte « objectif CO2 » de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, récemment signée pour réduire notre empreinte carbone, nous engage au renouvellement de notre flotte de véhicules, à la modernisation de nos équipements, à l’utilisation de carburants alternatifs et à l’écoconduite. Cette démarche est indispensable pour continuer à augmenter nos parts de marché. De plus, elle est décisive pour certains clients dans le choix de leur prestataire. Cette situation n’est pas vécue comme une contrainte mais comme une opportunité. Si nous sommes les meilleurs sur ce sujet, c’est non seulement positif pour la planète mais également pour notre business. Tout en restant très attentifs à la question de l’emploi, puisqu’avec 11 000 salariés, nous sommes un acteur local fort de l’emploi en France.

Quelle est la place de l’innovation dans votre activité ?

L’innovation est le nerf de la guerre de l’évolution de notre métier. Les documents de flux de marchandises, jusque-là sous format papier (bons de réservation, de suivi …) sont digitalisés. Process internes et communication avec nos clients sont modernisés. Ils ont désormais accès au suivi en temps réel de la localisation de leurs marchandises. L’enjeu est de taille et le changement profond pour l’ensemble des métiers de l’entreprise. Il en va de même de l’automatisation et de la robotisation. En mécanisant un certain nombre de tâches comme les charges à soulever, les conditions de travail de nos collaborateurs sont améliorées et leur pénibilité réduite. S’agissant de la robotisation, pour bonifier l’offre client, nous utilisons des cobots pilotés par des hommes et développons également des drones destinés à faciliter nos inventaires. Kuehne + Nagel a d’ailleurs ouvert deux centres, un en Belgique et l’autre à Singapour, où les équipes d’ingénieurs créent et testent des innovations avant de les disséminer au sein du groupe.

 Nous sommes liés aux échanges commerciaux mondiaux et à leurs évolutions 


Quels sont les secteurs les plus porteurs pour votre marché ?

La pharmacie, dans la mesure où nous développons des solutions nous permettant de répondre aux problématiques liées à la spécificité des produits médicaux, à savoir le respect des températures et des exigences sanitaires majeures. L’aéronautique, ensuite, est un secteur très porteur du fait de l’AOG (aircraft on ground) [NDLR : incident qui cloue un avion au sol quelque part dans le monde, synonyme de pertes considérables pour une compagnie aérienne] et qui nécessite de notre part une réactivité maximale pour livrer la ou les pièces nécessaires à la réparation.  Comme déjà évoqué, le e-commerce est un axe de développement conséquent dans lequel nous avons conquis cette année de nouveaux clients comme Show-room privé ou Sézanne.
Sur le marché français, le luxe et l’automobile restent des domaines aux enjeux importants pour les acteurs des transports et de la logistique. Ils requièrent le déploiement de solutions propres à leurs impératifs. Dans l’industrie du luxe, par exemple, les fortes sollicitations en matière de développement durable nous obligent à garantir à nos clients les taux d’émission carbone les plus maîtrisés possibles.

Quels risques menacent les acteurs de la logistique ?

Le protectionnisme, qui tend à s’amplifier, n’est pas une bonne nouvelle sur le long terme pour le marché du transport. Il n’empêche, les populations devront continuer à se nourrir. Il sera donc nécessaire de transporter et de stocker des marchandises au niveau local. Mais les échanges globaux finiront par être impactés si les mesures protectionnistes continuent de croître.
Par ailleurs, avec le nombre de salariés en France, toute évolution du droit du travail a des conséquences sur nos opérations.  Ces réformes, qui peuvent être favorables ou défavorables, réclament toute notre attention. Nous devons également renforcer notre communication. En France, la reconnaissance en tant qu'acteur français de notoriété est indispensable à notre expansion commerciale avec des clients français. 

Quels sont les éléments de différentiation par rapport à vos concurrents ?

Outre les actions en faveur du développement durable, Kuehne + Nagel peut gérer seul l’ensemble des éléments de la chaîne, stockage comme transports, quels que soient les modes utilisés. Pour les clients, n’avoir qu’un fournisseur offre une sécurité. En nous confiant leurs marchandises n’importe où dans le monde, ils savent qu’elles seront acheminées à destination finale avec nos propres outils standardisés en bénéficiant d’un suivi en temps réel sans avoir besoin d’interroger un sous-traitant.

Propos recueillis par Philippe Labrunie

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