Par Paul Elfassi, avocat associé. CGR Legal
La France s’est engagée à ce que les ENR représentent 23 % de sa consommation énergétique finale en 2020. La planification a alors été perçue comme un levier de développement. Avec le « Grenelle » de l’environnement, l’accumulation des schémas entraîne des contraintes supplémentaires, allonge les procédures et accroît le risque de contentieux, freinant le développement des ENR.

L’Europe s’est engagée en faveur des énergies renouvelables en se fixant pour objectif que celles-ci représentent 20?% de sa consommation énergétique finale d’ici à 2020. La France est allée plus loin en retenant 23?%. Pour cela, le «?Plan national d’action?» fixe des objectifs de la part du renouvelable pour les différents usages de l’énergie : 27?% pour l’électricité, 32?% pour la chaleur et 10?% pour les transports. Restait à définir un cadre législatif et réglementaire incitatif. Mais entre communication officielle et réalité des textes législatifs et réglementaires, le décalage est bien présent.

Le «?Grenelle de l’environnement?», issu des lois du 3?août 2009 et du 12?juillet 2010, participe d’une refonte importante de la planification qui a sans doute des objectifs louables. Le recours à la planification est ainsi perçu comme un levier pour le développement des énergies renouvelables, au même titre qu’elle avait été, à une autre époque, utilisée pour le développement urbain au travers des plans d’occupation des sols. Pour les énergies renouvelables pourtant, il s’agit d’une fausse bonne idée : en cherchant à rationaliser la façon d’occuper le terrain, la planification ne fait qu’empiler des schémas aussi différents que superflus, qui sont autant de freins pour l’éolien, le photovoltaïque ou la biomasse.

Une multiplication des schémas d’urbanisme
Pour atteindre l’objectif de 23?% de part renouvelable d’ici à 2020, il a été fait le choix de développer les énergies renouvelables «?par le recours, aux différents échelons territoriaux, à la planification, à l’incitation et à la diffusion des innovations?» (article?19 III de la loi du 3?août 2009).
Avec le Grenelle, les schémas d’urbanisme, environnementaux ou à vocation électrique ont donc vu leur nombre augmenter : outre un renforcement du contenu des documents d’urbanisme locaux existants, ont été créés les «?Schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie?» (SRCAE) avec lesquels les «?Plans de protection de l’atmosphère?», les «?Plans de déplacements urbains?» et les «?Plans climats-énergies territoriaux?» doivent être compatibles. Mis en place par le Grenelle II, les «?Plans climats-énergies territoriaux?» définissent, d’une part, les objectifs stratégiques et opérationnels des collectivités territoriales permettant d’atténuer et de lutter efficacement contre le réchauffement climatique, et d’autre part, le programme des actions à réaliser afin notamment d’améliorer l’efficacité énergétique, d’augmenter la production d’énergie renouvelable et de réduire l’impact des activités en termes d’émissions de gaz à effet de serre.
Les SRCAE, dont l’objet dépasse le strict cadre des énergies renouvelables, doivent comprendre une partie précisant, par zones géographiques, les objectifs quantitatifs et qualitatifs à atteindre en matière de valorisation du potentiel énergétique terrestre, renouvelable et de récupération. Ils déterminent notamment les objectifs d’une région en fonction du gisement brut techniquement exploitable, des contraintes techniques et des exigences paysagères, architecturales et environnementales.
En matière éolienne, la loi Grenelle II a créé, au sein des SRCAE, un document de planification spécifique :
le «?Schéma régional éolien?» (SRE). Le SRE, annexé au SRCAE, définit les parties du territoire favorables au développement de l’énergie éolienne et doit prendre en compte les «?Zones de développement de l’éolien?» (ZDE), elles-mêmes soumises à de nouveaux critères de définition que sont la sécurité publique, la biodiversité et le patrimoine archéologique. Par ailleurs, la localisation en ZDE des éoliennes terrestres ne suffit plus pour qu’elles soient éligibles à l’obligation d’achat, elles doivent en outre constituer des unités de production de cinq mâts. On n’oubliera pas non plus les «?Schémas de raccordement au réseau des énergies renouvelables?» (SRRER) qui définissent les ouvrages à créer ou à renforcer pour atteindre les objectifs fixés par les SRCAE en termes
de raccordement.
À ces dispositions, s’ajoute la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche du 27?juillet 2010 qui a modifié les règles d’urbanisme locales. Désormais, seules les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs «?non incompatibles?» avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière peuvent être autorisées dans les zones naturelles, agricoles ou forestières. Objectif principal : donner un coup d’arrêt au solaire au sol, sans discernement.
Il est même à craindre que des schémas solaires opposables voient le jour à l’avenir.
À ces restrictions se superposent enfin les «?Trames vertes et bleues?» (TVB). Nouvel instrument de maillage du territoire, les TVB reposent sur le principe de corridors écologiques reliant des espaces préalablement identifiés comme importants pour la biodiversité. Elles sont mises en place dans le cadre des «?Orientations nationales pour la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques?» élaborées par l’État en association avec un comité national trames vertes et bleues, auxquelles s’ajoutent les Schémas régionaux de cohérence écologiques (SRCE). Les SRCE sont élaborés, mis à jour et suivis conjointement par la région et l’État en association avec un Comité régional trames vertes et bleues.

Une superposition d’innombrables contraintes
Cet empilement d’outils implique un trop long processus d’élaboration. Ils superposent trop souvent d’innombrables contraintes et débouchent alors sur des cartes où les zones éligibles sont minuscules, sans même se préoccuper de savoir si les conditions techniques nécessaires à l’installation sont réunies ! Sans oublier que ces schémas ne garantissent pas que les autorisations de construction ou d’exploitation soient délivrées. Cette accumulation conduit, d’une part, à un allongement des procédures de traitement des projets et, d’autre part, à une augmentation inutile du risque contentieux. Finalement, les instruments actuels de planification constituent le plus souvent des freins à l’implantation d’installations d’énergies renouvelables.

Il est donc urgent qu’un rééquilibrage intervienne entre une politique exclusivement planificatrice et une logique de projet. Le développement raisonné du renouvelable a besoin d’une appréciation au cas par cas, dans le cadre d’une planification fixant des orientations, et non des contraintes abstraites. Sans cela, la France ne sera pas cohérente avec ses engagements en matière d’énergies renouvelables.


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