En charge du développement publicitaire et des réseaux sociaux du groupe AccorHotels depuis 2011, Antoine Dubois a été nommé vice-président de la stratégie marketing en février 2016. Depuis, il pilote celle des 50 marques du premier opérateur hôtelier français qui souhaite accroître sa position de leader de l’" hospitalité augmentée".

Décideurs. Le portefeuille de marques du groupe Accor compte aujourd’hui 50 enseignes qui couvrent à la fois les besoins en hôtellerie, travail nomade, divertissement et offre business. Comment parvenir à élaborer une stratégie marketing globale cohérente compte tenu de cette diversité ?

Antoine Dubois. Avec 50 marques en portefeuille dont 38 dans l’univers de l’hospitalité, il faut mettre en place des outils simples afin de positionner une marque par rapport à une autre, vis-à-vis de la concurrence et pouvoir l’expliquer. En tant qu’opérateur, nous ne sommes pas propriétaires des murs de nos hôtels. Nous devons donc être capables de raconter les histoires de nos marques rapidement en tenant bien évidemment compte de leurs spécificités.

Lorsque je suis arrivé à ce poste en 2016, mon premier chantier a été d’élaborer une méthodologie unique pour l’ensemble de nos marques afin de définir leur positionnement propre. Il fallait trouver un moyen de présenter toutes nos marques de la même manière. Chez Accor, la passion est un élément essentiel de notre approche marketing. Chacune de nos enseignes renvoie à une passion bien définie, ce qui permet ensuite de segmenter notre communication plus efficacement. Celle d’Ibis, par exemple, c’est la musique. Pour Sofitel, le luxe à la française et pour Fairmont hotels and resorts, le cinéma.

Nous gardons toujours en tête que notre univers a déjà été disrupté deux fois ces dix dernières années et que nous devons, de façon continue, suivre les évolutions du consommateur en délivrant de nouvelles expériences. C’est pourquoi notre portefeuille de marques est si important et ne devrait pas décroître dans les prochaines années.

"Notre univers a déjà été disrupté deux fois en 10 ans. Nous devons suivre les évolutions du consommateur en délivrant de nouvelles expériences"

Vous vous apprêtez à lancer à la fin de l’année votre nouveau programme de fidélité « ALL » (Accor Live Limitless) qui doit accroître votre position de leader de ce que vous nommez « l’hospitalité augmentée ». Quels en sont les objectifs ?

Notre nouveau programme ALL – Accor live Limitless – répond justement à ce besoin d’expériences nouvelles, de reconnaissance et de personnalisation souhaitées par nos clients. Cette plateforme de fidélité a été créée pour que nos clients aient accès à nos multiples offres et services sur une plateforme unique. À l’inverse de programmes de fidélité classiques qui ne récompensent le client qu’à la nuitée, ALL fonctionne avec un spectre beaucoup plus large car notre offre s’est élargie intégrant la restauration, les bars, le monde de la nuit ou encore le coworking. Le client sera donc récompensé s’il fréquente un restaurant, un spa ou un espace de coworking du groupe Accor. Nous avons étudié de près les passions de nos membres, via une étude réalisée auprès de 56 000 clients du groupe Accor. Les trois principales motivations citées sont le F&B [Food & Beverage, Ndlr], le ­divertissement et les activités sportives. Nous avons donc réalisé des partenariats dans ces trois domaines afin de leur proposer de nouvelles expériences. Ils ­pourront, par exemple, utiliser leurs points de fidélité pour aller à Roland Garros ou au Parc des Princes pour assister à un match du PSG. Cette stratégie nous permet ainsi de mieux connaître nos clients et leurs attentes.

En juin dernier, nous avons également noué un partenariat avec le programme de miles d’Air France « Flying Blue ». Les clients Air France et Accor cumuleront ainsi leurs points et, par le recoupement, ces points vont permettre d’alimenter notre programme ALL et d’augmenter la rétention clients.

ALL sera donc une nouvelle marque à part entière ? Comment en assurez-vous la promotion ?

Nous avons noué un partenariat avec le PSG et, depuis juillet, nous figurons sur le maillot des joueurs et au Parc des Princes et proposons des « Elite Expériences » à nos membres ALL comme une loge ou une rencontre avec les joueurs. Autant d’expériences qui ne peuvent s’offrir dans l’univers BtoC traditionnel. Nous fonctionnons donc ici sur le modèle du « money can’t buy », ce que l’argent ne peut pas acheter.

Cette stratégie s’accompagne logiquement d’une accélération de vos acquisitions. Quel en est l’impact sur votre présence dans le monde ?

Nous avons commencé cette stratégie de croissance externe il y a trois ans et, en effet, elle s’accélère. D’abord avec la chaîne hôtelière suisse Mövenpick en 2016, puis, en partenariat avec ­Bouygues Immobilier, nous avons créé NextDoor, devenu depuis Wojo, un espace de ­coworking. Nous avons également fait l’acquisition de « Paris ­Society », un groupe d’événementiel, hôtellerie et divertissement en France.

En plus d’étoffer notre gamme, cette stratégie avait aussi pour objectif d’augmenter notre présence à l’international. Il y a 5 ans, 45 % de notre réseau était français, nous sommes actuellement à 21 %. Hors États-Unis et Chine, nous sommes aujourd’hui le premier groupe hôtelier dans le monde. Être international, grossir et avoir un portefeuille de marques fourni pour couvrir un large spectre de clients, c’est vital dans notre secteur.

« Il y a 5 ans, 45 % de notre réseau était français, nous sommes tombés à 21 % aujourd’hui »

Que s’est-il passé il y a trois ans, quand vous avez lancé tous ces chantiers ?

Comme tous les grands groupes hôteliers, nous nous sommes rendu compte qu’Airbnb proposait une expérience qui répondait aux besoins des consommateurs et que nous, groupe Accor, n’étions pas en mesure de délivrer. Nous avons dû nous réinventer en profondeur et nous ouvrir à de nouveaux concepts d’hospitalité. Cette diversification du portefeuille nous permet de répondre aux tendances du moment tout en conservant la majorité de nos revenus sur nos marques historiques.

Proposer de nouvelles expériences, cela passe aussi par les nouvelles technologies. Quid de l’expérience digitale dans les chambres ?

Nos clients recherchent davantage un écran dans leur chambre qu’une TV. Nous équipons donc toutes nos chambres de systèmes permettant de visualiser le contenu de son smartphone sur un écran. Nous étudions également de près le champ des possibles de l’IA et de la reconnaissance vocale que nous testons actuellement avec Google Home, tout en restant très vigilant en termes de privacy. La grande révolution se situe au niveau de la vie dans le hall des hôtels. Depuis quelques années, ces lieux sont devenus de véritables espaces de vie, aussi bien pour y boire un verre que pour y travailler, faire des achats ou encore « socialiser ».

"La grande révolution se situe au niveau de la vie dans le hall des hôtels"

Par ailleurs, avec le « check-in » en ligne qui fluidifie et accélère considérablement les parcours d’entrée dans les hôtels, le staff est libéré de la partie administrative, fastidieuse et chronophage, et peut se concentrer sur la relation clients ; le « welcoming » comme disent les Anglais !

Nous avons également mis en place un outil de veille sociale qui permet de voir tout ce que les clients postent sur les réseaux sociaux, via leur profil ­public. C’est un moyen pour le staff d’un hôtel d’être réactif si une famille fête un anniversaire par exemple, pour leur manifester une attention particulière. Grâce à cet outil baptisé « sparkles » [étincelles, Ndlr], nos équipes digitales peuvent contribuer à construire des histoires.

Propos recueillis par Anne-Sophie David

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