Annoncé en février 2020, le rachat d'Ingenico par Worldline a été bouclé au mois de novembre, faisant fi de la crise sanitaire et de ses conséquences sur les marchés. Il s’agit de la plus grosse opération de M&A de 2020 en France. Grégory Lambertie, Group Head of Strategy, Mergers & Acquisitions, Publics & Regulatory Affairs chez Worldline revient sur cette OPA amicale et ses conséquences pour le nouveau groupe.

Décideurs. Au mois d’octobre, l’OPA de Worldline sur Ingenico a été couronnée de succès. Quelles ont été les différentes étapes de cette opération ? Comment se sont-elles déroulées en pleine crise sanitaire ?

Grégory Lambertie. L’acquisition d’Ingenico est, pour le groupe, une opération stratégique majeure que nous sommes très heureux d’avoir menée à son terme dans le respect du calendrier initial, et ce, malgré le contexte mondial de pandémie, qui a mis un coup d’arrêt à un grand nombre d’autres transactions de M&A... Ceci est naturellement le résultat de son rationnel industriel extrêmement puissant et d’un support jamais démenti par les investisseurs.

Cette transaction est aussi le fruit de nombreux mois d’échanges avec les instances réglementaires, les représentants du personnel, en interne, et chaque étape s’est déroulée, avec chaque partie prenante, dans le calendrier prévu malgré les contraintes de télétravail pour tous, à travers toute l’Europe.

Comment cette fusion a été accueillie en interne et comment l’intégration se déroule-t-elle jusqu’à présent ?

La fusion avec Ingenico est également très bien engagée en termes d’intégration, et ce pour deux raisons principales. D’abord, il s’agit d’une transaction sincèrement amicale, ce qui a rendu possible une préparation dans la meilleure intelligence entre les équipes. C’est capital, dans la relation quotidienne entre les deux parties prenantes, notamment dans la phase cruciale qui se situe entre l’annonce du deal et le closing, neuf mois plus tard. Une excellente communication interne a permis d’informer de manière transparente et régulière les collaborateurs qui ont ainsi pu très vite se projeter dans l’avenir. Ensuite, nous avons pu démarrer le processus d’intégration très en amont, autre bénéfice direct d’une fusion amicale. Cela nous a également aidé à lancer notre nouvelle organisation et le programme de synergies dès le closing, il y a plus de trois mois. La qualité du processus d’intégration de Worldline est reconnue dans l’industrie et sur les marchés, et Ingenico en est le nouvel exemple.

Enfin, dans un contexte macroéconomique bouleversé sur le plan économique, comme pour nos collaborateurs, nous avons traversé l’année avec une relative sérénité portés par ce projet positif et mobilisateur. Le rachat d’Ingenico nous permet de devenir numéro quatre mondial et numéro un des services de paiement en Europe. C’est une acquisition profondément transformante. Nous doublons notamment de taille dans le métier des services de paiement aux commerçants, ce qui représente désormais la moitié de notre chiffre d’affaires.

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Grégory Lambertie est Group Head of Strategy, Mergers & Acquisitions, Publics & Regulatory Affairs chez Worldline

Dans la foulée, Worldline a annoncé, à l'occasion de la présentation de ses résultats trimestriels, le lancement de la revue stratégique de l'ensemble de son activité de terminaux de paiement, pilier du modèle d'Ingenico. Quel est l’objectif de cette revue stratégique ? Cette annonce laisse-t-elle présager des cessions ?

Nous conduisons actuellement une revue de l’activité des terminaux de paiement, comme nous l’avions annoncé le 3 février 2020, au moment de l’annonce du deal avec Ingenico. Ce travail va nous permettre de déterminer la meilleure option de développement long terme de l’activité, afin d’accélérer sa transformation vers un modèle commercial basé sur le cloud et facturé à l’usage ("Payment Platform as a Service"). Nous le ferons dans le meilleur intérêt de ses clients, employés et actionnaires. Cette revue stratégique devrait être clôturée en 2021. Tous les scénarios restent aujourd’hui ouverts.

Dans un contexte de consolidation du marché, quelles sont les ambitions du groupe en matière de croissance externe ?

Nous avançons dans l’intégration d’Ingenico qui est notre priorité mais, en parallèle, nous maintenons également notre veille permanente sur les nouvelles opportunités potentielles de croissance externe. La consolidation est plus que jamais au cœur de la stratégie de Worldline. Nous regardons les opportunités partout où elles peuvent avoir un sens industriel fort, en Europe prioritairement, où nous sommes déjà leader, et où un certain nombre d’institutions bancaires envisagent de plus en plus des partenariats avec des groupes experts comme Worldline.

De manière plus ponctuelle, nous sommes également prêts à explorer celles hors d’Europe, notamment quand elles offrent des synergies élevées avec nos plateformes technologiques. Du fait de l’acquisition d’Ingenico, nous avons désormais une présence mondiale, et notre récente opération en Australie, à savoir l’acquisition de 51 % des activités de services aux marchands de la banque ANZ, est un bon exemple de ce nouvel axe de développement. Ce type de partenariat bancaire, à l’instar de notre alliance avec les caisses d’épargne allemandes (Payone), est un modèle gagnant pour les banques, qui voient désormais tout l’intérêt de s’associer à un expert du secteur et de s’appuyer sur ses technologies, sa vitesse d'exécution, ou encore ses économies d'échelle.

"La consolidation est plus que jamais au cœur de la stratégie de Worldline"

Enfin, l’augmentation de nos capacités dans l’e-commerce est aussi un thème que nous souhaitons explorer à un moment où la digitalisation du commerce s’accélère. Les opportunités de croissance sont nombreuses, et nous avons les moyens financiers ainsi que la génération de cash flows nécessaires pour accomplir nos ambitions.

Quels sont les projets du groupe pour 2021 ?

Ils sont nombreux, à commencer par la revue stratégique sur les terminaux. D’un point de vue plus global, nous poursuivons l’accélération de la digitalisation de nos économies, ce qui aura un impact important sur nos activités et sur l’agenda de R&D du groupe. Cette crise met le monde à l'épreuve, mais sert aussi de catalyseur favorable à la progression du paiement digital.

Nous avons également vocation à continuer de jouer un rôle moteur en Europe, non seulement comme leader de la consolidation, mais aussi en participant à la construction d’une Europe des paiements. Nous le faisons aux côtés des grandes banques européennes au travers d’EPI [l'European Payments Initiative, Ndlr], que nous avons rejoint récemment. Nous le faisons aussi au travers d’une alliance avec de grands acteurs européens du paiement digital, EDPIA, qui organise notre dialogue avec les institutions européennes à savoir la Commission européenne et la BCE.

Enfin, nos ambitions de croissance externe sont fortes, comme je l’ai précisé. Worldline est un acteur qui continue d’avancer, et nous avons l’ambition, les talents et les capacités technologiques pour écrire de très belles nouvelles pages dans l’histoire du groupe.

Propos recueillis par Béatrice Constans

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