FTPA, dont les racines se nourrissent de dossiers internationaux, ouvre un bureau à Londres. L’occasion de décrypter la stratégie d’un cabinet hors norme.

« De très nombreux résidents non domiciliés quittent en ce moment le Royaume-Uni et ce mouvement n’est pas estimé à sa juste mesure? », signale Antoine Gautier-­Sauvagnac, associé de FTPA. L’explication tient en deux mots?: seize ans. C’est la durée du privilège fiscal accordé au Royaume-Uni à ses étrangers, avec une taxation portant uniquement sur leurs revenus générés sur le sol anglais, à l’exclusion du reste du patrimoine. Or cette limite est aujourd’hui atteinte pour la vague d’Iraniens qui ont fui la crise économique de 2000. Nombre d’entre eux se réfugient alors outre-Manche?: en 2001, l’augmentation des demandeurs d’asile iraniens atteint 300 %. Ils deviennent la première diaspora du pays en 2004 avec plus de huit mille individus. Quant au cabinet, son engagement aux côtés des familles couronnées d’Iran est ancien, les contacts faciles, d’autant plus que la structure a également un pied en Angleterre depuis la rentrée de septembre. Une implication de plus pour la structure.

« Un point d’ancrage »

« L’ouverture d’un bureau à Londres ne va pas changer notre positionnement, mais il nous permet d’avoir un point d’ancrage pour intervenir sur les dossiers complexes de nos clients », précise le cofondateur Philippe Pochet. Les associés ont en effet choisi d’intégrer à leur partnership une avocate qu’ils connaissent bien, Eniga de Montfort, ancienne avocate de l’équipe corporate passée par Bryan Cave à Londres.

La nouvelle associée, qui occupe des locaux à la City et y exerce à temps plein, gère les dossiers du cabinet avec Rajeev Sharma Fokeer. Ensemble, ils travaillent sur les dossiers cross border?: M&A et arbitrages internationaux, développement financier de clients installés en France, accompagnement des entrepreneurs français au Royaume-Uni et même donations d’importantes collections d’œuvres d’art. Le bureau de Londres vient en soutien aux activités de l’ensemble des avocats de FTPA. En pratique, le cabinet crée une LLP (Limited Liability Partnership) à l’anglaise, dans le prolongement de son changement de forme sociétale, passant d’une SCP à une SELAS.

« Le flux et le reflux »

Pour les avocats du cabinet, l’attachement à l’Angleterre est donc fort. Peut-être davantage pour Antoine Gautier-Sauvagnac. Initiateur de festivités en l’honneur des 950 ans de l’invasion de la Grande-Bretagne par Guillaume Le Conquérant, l’expert de la propriété intellectuelle et industrielle rend fréquemment visite à son jeune fils qui étudie à côté de Leeds. La vie professionnelle n’est alors que le pendant de la vie privée?: « Les liens entre la France et l’Angleterre sont eux-mêmes intenses », souligne-t-il. FTPA conseille une clientèle de personnes et de sociétés qui quittent l’Angleterre et qu’il accompagne dans leur nouvelle installation. Ces derniers se tournent vers des avocats français. « Ils ne veulent pas vivre en France mais ils l’aiment, précise Antoine Gautier-Sauvagnac. On gère le flux et le reflux. » Une situation qui justifie d’être sur place, aussi bien pour les dossiers de financement que pour ceux du secteur des technologies et de la santé naturelle, florissant localement.

FTPA trouve aussi en Angleterre une place majeure du monde de l’art où il accompagne plusieurs collectionneurs. Il s’occupe par ailleurs de l’artiste chinois Zao Wou-Ki (prêts d’œuvres, assurances, fiscalité, etc.), après avoir réglé sa succession à son décès, s’assurant de l’uniformisation de sa cote marchande sur les différents marchés de l’art. Avec notamment une adjudication à neuf millions d’euros pour Abstractions (1958), « la protection de la cote de l’artiste est millimétrée. Elle demande des compétences stratégiques et même diplomatiques », explique Philippe Pochet.

« Laboratoire industriel »

La création du bureau de Londres est un test avant un éventuel renforcement. En revanche, la structure ne projette pas de s’installer ailleurs, sauf opportunité particulière. L’activité internationale est rodée depuis Paris, même sur des dossiers dont les intérêts sont très lointains. C’est le cas pour la nationalisation d’une grande société d’origine française en Amérique du Sud. Avec le concours de partenaires locaux, FTPA travaille sur les mécanismes d’indemnisation. Une démarche fréquente puisque, dès sa création en 1972, Foucaud Tchekhoff Pochet & Associés a fondé une alliance de law firms dans plusieurs pays. À l’intérieur même du cabinet, les nationalités sont nombreuses. Ce qui lui a permis de constituer des équipes dédiées à des pays, les fameux « desks ». La Turquie est ainsi ciblée depuis longtemps grâce au partenariat conclu avec une firme sur place. « Véritable laboratoire industriel », selon Philippe Pochet, le pays poursuit ses échanges avec l’Europe malgré une situation tendue.

« Avocat pour la vie »

FTPA revient également à ses premières amours et vise l’Iran pour le développement de son activité grâce à la création d’un Iranian Desk. Les racines remontent aux années 1980, une période durant laquelle la France accueille de nombreux exilés après la révolution de 1979. « Les Iraniens sont très fidèles. Lorsqu’on est leur avocat, c’est pour la vie », explique Serge-Antoine Tchekhoff, cofondateur de FTPA. Ils travaillent à l’époque sur des investissements massifs en France. Et lors de la levée des sanctions internationales en juillet 2015, FTPA reçoit des personnalités qui ont tenu le rôle de négociateurs pour les présenter à ses clients.

Pour l’heure, les investissements industriels sont centrés sur les secteurs des énergies et de l’automobile. L’associé franco-iranien Alexandre Ebtedaei dirige ces interventions aux côtés de Nathalie Younan, franco-libanaise experte des fusions-acquisitions. Cette dernière n’exclut pas de reproduire l’opération au Pays du cèdre?: « Nous travaillons sur des opérations de M&A entre la France et le Moyen-Orient », explique-t-elle. De même pour l’avocat franco-mauricien Rajeev Sharma Fokeer, qui pourrait avoir un rôle à jouer auprès des futures holdings constituées localement par de grandes sociétés souhaitant s’implanter
en Afrique.

Chacun a un rôle à jouer

Sûr de son collectif de vingt-deux associés aux fortes personnalités, FTPA se projette d’autant plus facilement. « Nous sommes des agents de stars », ironise Philippe Pochet pour désigner le rôle des comanaging partners. Raison pour laquelle des matières de niche comme le conseil aux maisons de production cinématographiques (quasiment tous les studios américains), aux compagnies aériennes (SAS Scandinavian Airlines, Ryanair, Turkish Airlines, Malaysia Airlines, etc.), le transfert de joueurs de foot – notamment vers la Chine – ou l’accompagnement des marques de luxe comme Louboutin et Bulgari sont développées au cabinet.

Ce qui conduit à un constat?: si, depuis 2012, un seul associé a quitté la structure, c’était pour fonder la sienne. En revanche, trois nouveaux associés l’ont rejointe (Raphaël Crespelle en droit public des affaires, Pierre-Antoine Bachellerie en tax, et Sandra Esquiva-Hesse en restructuring), et un of counsel – non des moindres – est arrivé en avril 2013?: l’ancien garde des Sceaux Pascal Clément. Deux counsels ont aussi été cooptés. Dernière actualité?: le retour de Guillaume Berruyer, associé en regulatory et conformité.

« La liberté d’expression qui nous caractérise chez FTPA est bien plus prononcée que dans un cabinet anglo-saxon », constate l’associée M&A Coralie Oger. « C’est comme la limite d’âge?: impensable pour nous de décider qu’un associé doit se retirer pour des raisons statutaires?! », se félicite Philippe Pochet, qui lui-même fait partie de « FTPA canal historique », comme il aime à qualifier les fondateurs. « Les règles de fonctionnement et de rémunération ont évolué avec la nouvelle génération et nous n’avons plus aucun débat à ce sujet depuis dix ans. » Ce qui permet au cabinet d’ajouter un étage supplémentaire à l’immeuble haussmannien de l’avenue Foch.

 

Pascale D’Amore

 

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