Créée en 2007, Ecovadis a développé une plateforme permettant aux sociétés d’évaluer leur politique en matière d'ESG. En forte croissance, Ecovadis travaille déjà aux côtés de grands groupes cotés, en France mais aussi en Amérique du Nord. Frédéric Trinel son co-fondateur et co-dirigeant revient sur l’importance grandissante de ces critères ESG et de leur notation dans le milieu de la finance, notamment du private equity.

Décideurs. Quelles raisons ont poussé Ecovadis à ouvrir son capital à un fonds, anglo-américain, pour une nouvelle levée de fonds au début de l’année 2020 ? 

Frédéric Trinel. Nous avons réalisé cette levée de fonds afin d’accompagner notre croissance à l’international mais également pour obtenir des conseils, par le choix de nos investisseurs, en particulier pour le secteur nord-américain. L’ambition de la société est d’être au premier rang en matière de notation RSE, cela passe notamment par une forte présence aux États-Unis. Nos investisseurs ont été choisis pour leur capacité à nous accompagner dans notre ambition internationale. 

Les fonds nous permettent aussi d’investir sur l’innovation et la recherche car nous sommes non seulement une société de rating mais également de software. Ecovadis est le premier client du logiciel lui-même puisque nous l’utilisons afin d’automatiser les processus de notation avec un bon niveau de fiabilité. Dans les technologies utilisées, nombre de nos projets de recherche portent sur les dernières technologies du moment – notamment l’IA – que nous implémentons dans les différentes strates pour augmenter l'efficacité et la stabilité des résultats. 

Comment avez-vous abordé les défis soulevés par l’année 2020 ?

Tout d’abord, l'opérationnel doit être différencié de l’investissement. Il a fallu relever de nombreux défis sur la partie opérationnelle pour les entreprises. Nous avions la chance d’être présent à l’international avec une partie des collaborateurs qui travaillaient déjà en télétravail et étaient habitués aux outils de visio-conférence. Cependant, au niveau du marché, les choses ont été compliquées avec le premier confinement et les contacts ont été plus difficiles à établir. Dès l’été, nous avons cependant perçu une reprise de l’activité avec même une certaine "surchauffe" sur la fin d’année. La pandémie a poussé à prendre conscience de l’importance de ces sujets RSE, qu’il s’agisse de sociétés déjà présentes sur la plateforme ou de nouvelles sociétés qui souhaitent faire un point sur leur politique RSE. 

Quel avenir percevez-vous pour la notation ESG ?

Cette prise de conscience a eu différents moteurs, qu’il s’agisse des conditions de travail avec les questions liées au télétravail ou bien des questions environnementales – notamment par l’arrêt de secteurs entiers d’activité comme celui de l’aéronautique – mais aussi, et, il ne faut pas le négliger, de multiples études ont démontré que les sociétés les plus performantes en matière de développement durable ont été plus résilientes. Les fonds ISR ont quasiment tous affiché des niveaux de performance supérieurs durant la crise. Des aspects sociaux mais aussi économiques expliquent ce phénomène.

L’offre private equity a explosé et les fonds cherchent notamment à mieux intégrer, , les critères de performances de développement durable dans l’évaluation des opportunités d’investissement ou encore pour aider leurs participations à accélérer leur processus de développement et de maturation. 

Je pense que nous avons atteint un point de non-retour sur l’importance des paramètres ESG. Que ce soit les financiers ou les acteurs économiques et gouvernementaux mais aussi pour les salariés, il n’est aujourd’hui plus concevable que ces critères ne soient pas pris en compte. La notation ESG est de plus en plus utilisée dans la finance, l’assurance et les décisions business. Elle finit presque par prendre le pas sur la notation financière. Cette dernière donne le côté économique, elle assure la pérennité de la société quand l’ESG permet d’en définir le niveau de risque. C’est en train de changer et notre notation va évoluer vers l’économie régénérative, à savoir les sociétés sans impact et qui aident à accélérer l’environnement, les conditions sociales. Ce sera le passeport pour démontrer leur contribution à la résolution de ce défi.

Constatez-vous les effets de cette notation des critères ESG, dans les choix d’investissement des fonds, voire dans la valorisation des entreprises ?

Il n’y a aucun doute sur le fait que tous les fonds, même ceux qui ne sont pas encore ISR, regardent ces notes. Ils ne peuvent pas échapper à cette vague et observent comment les entreprises présentes dans ces portefeuilles gèrent le virage sur ces aspects sociaux et environnementaux. Qu’il s’agisse d’une volonté de pousser les participations à s’améliorer ou du choix des entreprises pour constituer des fonds ISR, la notation ESG va de plus en plus s’imposer à tous. 

D’ores et déjà, nous observons une corrélation entre la valorisation des actifs des fonds, même non ISR, et la performance développement durable. De plus en plus, les entreprises qui appliquent une politique ESG efficace sont mieux valorisées. Mais il faut voir que ces stratégies sont aussi importantes pour l’image de la société et pour son attractivité auprès des talents des jeunes générations. Ces derniers sont souvent très impliqués sur ces sujets et ne voudraient pas travailler pour une société qui ne respecterait aucun de ces principes. L’ESG apparaît donc comme un cercle vertueux qui ne peut que soutenir la performance d’une société. 

Quels sont les prochains projets / prochaines opérations pour Ecovadis, en France et dans le mond, dans les années à venir ?

Nous avons deux grands axes chez Ecovadis. Récemment, nous avons lancé le carbon action module pour augmenter la décarbonisation de la société à travers notre notation. Nous cherchons à accélérer l’évolution de maturité de nos clients sur le sujet carbone à travers le monde. Pour cela, nous effectuons la notation de readyness ou de maturité tout en leur apportant des outils afin de mesurer le "scope 3" côté chaîne d’approvisionnement.  

Le second axe consiste à accompagner la croissance dans le reste du monde et particulièrement en Asie-Pacifique. Pour cela, nous avons ouvert des bureaux au Japon, à Hong-Kong et en Australie et souhaitons aller chercher ce marché tout en poursuivant l’accompagnement des croissances fortes sur le secteur américain et européen.

Propos recueillis par David Glaser

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