Le site de covoiturage Blablacar a réalisé en 2014 une des levées de fonds record du Web français. Entretien avec son fondateur et CEO.
Décideurs. En 2006, le covoiturage sur des longues distances n’existait pas en France. Comment votre marché s’est-il construit ?
Frédéric. Mazzella. C’est l’appétence des utilisateurs de covoiturage.fr [aujourd’hui rebaptisé Blablacar] qui a structuré notre stratégie. Notre objectif a toujours été le même : réduire le nombre de voitures partiellement vides pour diminuer le coût de revient des usagers. La première année, il a fallu acquérir de la visibilité et générer des revenus avec des petits volumes. Nous avons initié le modèle B2B en proposant aux entreprises des plates-formes de covoiturage dédiées à leurs salariés, en mode Software as a Service (SaaS). Cette étape nous a permis de bootstrapper et de cerner les besoins du marché. La principale difficulté résidait néanmoins dans la mise en contact des conducteurs avec les passagers. Après avoir créé un service de mise en relation confidentielle et immédiate via un 0892, testé la publicité et lancé une offre freemium, nous avons finalement décidé en 2011 de lancer le modèle de réservation des places en ligne, avec un commissionnement par transaction à hauteur de 10 %.
Seul ce dernier modèle s’est révélé capable de soutenir financièrement notre croissance. Il offre le double avantage d’équilibrer les revenus en fonction des coûts croissants de livraison du service et de sécuriser l’engagement des passagers avant le trajet. Les statistiques de désistement des passagers avant départ ont ainsi chuté de plus de 35 % à moins de 4 %.

Décideurs. Pourquoi avoir misé sur l’internationalisation avant la rentabilité ?
F. M. Le premier entrant sur un marché prend souvent un avantage compétitif déterminant. Dans le numérique, les contraintes liées au business model ne sont pas les mêmes que dans l’industrie. De Facebook à Linkedin en passant par Airbnb et Dropbox, toutes les start-up couronnées de succès sont passées par les trois étapes de développement suivantes : démontrer la viabilité, se lancer à l’international puis atteindre la rentabilité. C’est un schéma classique.

Décideurs. D’où la levée de fonds de cent millions de dollars…
F. M. Le venture capital est en effet la seule option pour les start-up visant l’expansion à l’international. Deezer et Sarenza ont misé sur cette stratégie, qui s’est révélée payante. En France, elle est cependant encore rare, et l’écosystème est plus frileux qu’aux US notamment, jusque dans la dénomination : les Anglo-saxons parlent de « venture capital » (l’aventure) quand les Français parlent de « capital risque », ce n’est pas la même perspective…

Décideurs. Êtes-vous bien installé dans le fauteuil du leader européen ?
F. M. Aujourd’hui ; Blablacar est leader dans treize pays grâce une expansion européenne qui s’est accélérée ces deux dernières années. Notre stratégie à l’international repose sur les trois piliers que sont : l’acqui-hire, le spin off, ou le local hire. Cette année, nous avons lancé le service en Russie, Ukraine et Turquie.

Décideurs. Les États-Unis font-ils partie des zones géographiques dans votre viseur ?
F. M. Le covoiturage n’est pas une pratique très développée dans un pays où les distances à parcourir en voiture sont souvent gigantesques. Par ailleurs, l’essence y demeure une denrée relativement peu coûteuse. Nous n’avons donc pas d’intérêts stratégiques en Amérique du Nord contrairement à l’Amérique latine et à l’Inde qui sont des régions à l’étude. 




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