Le fonds américain General American Capital Partners (GAPC) conduit désormais les destinées du club de football des Girondins de Bordeaux. Pour lui redonner son lustre d’antan, leurs dirigeants ont choisi de confier les rênes du club à Frédéric Longuépée, ancien gymnaste de haut niveau.

Décideurs. Votre parcours professionnel vous a amené à travailler pour la Fédération française de tennis et le Paris Saint-Germain avant de devenir président délégué des ­Girondins de Bordeaux. Votre passion pour le sport a-t-elle été un moteur de réussite ?

Frédéric Longuépée. Après ma carrière de sportif de haut niveau, j’ai débuté chez EY. J’y ai réalisé plusieurs missions dont deux en particulier, Amaury Sport Organisation et le Comité français d’organisation de la Coupe du monde 1998, qui m’ont donné l’envie de basculer définitivement dans l’environnement du sport. Ce milieu s’est profondément professionnalisé. Il a ­irréversiblement changé. Le sport de haut niveau doit, à mon sens, bannir la gestion « associative » propre aux petits clubs de village. Le rôle d’un dirigeant est de piloter les clubs sportifs comme de véritables entreprises. Ma passion pour le sport est aujourd’hui dirigée vers cette transformation.

Diriez-vous que cette passion vous a amené à prendre des risques ?

C’est effectivement une prise de risque car c’est un marché de niche. La France est un pays magnifique mais qui adore les profils normés. Pour chaque poste, il faut avoir fait les bonnes écoles, passé les bons diplômes. Contrairement aux pays anglo-saxons, la France a horreur des profils atypiques. Il est difficile de travailler dans un cabinet d’audit en ayant fait une licence d’histoire ou de biologie, chose pourtant possible au Royaume-Uni. La réalité est que nous sommes confrontés à des recruteurs et des entreprises qui ne prennent quasiment pas de risques. Et pourtant quelle richesse pour elles d’accueillir des profils variés, venant d’horizons et d’univers différents  !

Quelles sont les valeurs qui animent votre travail ?

Je travaille avec beaucoup d’humilité. Roland Garros ou les Girondins de Bordeaux étaient là avant nous et seront là bien après. Les ­institutions sont toujours plus fortes que les individus qui les composent. En revanche, j’ai la volonté forte d’apporter ma pierre à ­l’édifice et de rendre le club un peu meilleur qu’il ne l’était à mon arrivée.

Un dirigeant de club sportif peut-il encore aujourd’hui agir par passion ?

Il faut être passionné, sinon il est difficile d’y consacrer autant de temps et d’énergie. La passion est à mettre au ­service du ­quotidien, sans se laisser griser. Il existe beaucoup de similitudes avec une entreprise. La formation des jeunes footballeurs peut s’assimiler à la R&D. La conquête de fans et de spectateurs est une démarche proche de la commercialisation. Ce qui change c’est le caractère événementiel de l’activité. Un club appelle des collaborateurs d’un très grand professionnalisme dans toutes les disciplines et balaye donc la gestion associative. Il faut être pleinement consacré à cette activité pour répondre à l’attente des supporters.

Les Girondins de Bordeaux bénéficient d’un public fidèle mais exigeant. ­Comment concilier passion des ­supporters et impératifs économiques liés à la gestion d’un club sportif ?

Il est essentiel de respecter le club dans lequel on travaille. Bordeaux est un grand nom du football français, six fois ­champion. Cela serait incroyablement irrespectueux de vouloir tout bouleverser d’un claquement de doigts. Nous devons toutefois impulser un changement en investissant à bon escient et au bon moment dans les hommes et les ­structures. Ce club mérite de rejoindre plus régulièrement les places européennes et il faut probablement bouger un peu les lignes pour y parvenir. Il serait en effet utopique de s’attendre à un résultat ­différent en ­agissant de la même manière.

Propos recueillis par Aurélien Florin

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