Alors que les mouvements de blocages se multiplient à travers l’Hexagone, François Patriat, ex-socialiste aujourd’hui président du groupe LREM au Sénat, convaincu que le gouvernement porte des réformes indispensables pour le pays, refuse de croire à la convergence des luttes.

Décideurs. Comprenez-vous le mouvement de grève porté par les cheminots ? 

François Patriat. J’entends la grève, mais je ne la comprends pas forcément. Les cheminots disent vouloir sauver le service public. Mais ce n’est, à mon sens, pas le réel motif de ces blocages. Car la réforme vise justement à investir pour donner des moyens juridiques, techniques et administratifs à la SNCF et à en faire ainsi une entreprise plus performante et ouverte à la concurrence.

Quel serait donc le motif de cette grève, selon vous ? 

Je crois qu’il s’agit d’un blocage politique contre le gouvernement et avec l’espoir d'immobiliser le pays, comme en 1996. Mais les temps ont changé. La preuve : 60 % des Français pensent que le gouvernement doit aller jusqu’au bout de cette réforme. Les syndicats ont perdu la bataille de l’opinion publique. La méthode qu’emploie le gouvernement en prévoyant un certain nombre de mesures comme le maintien du statut des cheminots ou le « sac à dos social »  ̶  garanties pour ceux qui rejoindront la concurrence  ̶  devrait permettre d’aboutir à un accord.

La SNCF, les universités, Notre-Dame-des-Landes, la fonction publique... La tension monte à plusieurs niveaux. Craignez-vous une convergence des luttes ? 

Non. Je crois qu’il n’y a pas de désordre, mais plutôt une image de désordre. Difficile de faire croire que la lutte des étudiants est de même nature que celle du personnel soignant. Une minorité seulement d’étudiants manifeste. Je ne pense pas que, à l’heure où la France connaît une éclaircie sur le plan économique, les Français soient enclins à mettre à mal les fruits de ce processus. 

«  J’entends la grève, mais je ne la comprends pas forcément »

La situation est toutefois particulièrement délicate à Notre-Dame-des-Landes… 

Le gouvernement a pris des décisions et les applique dans la légalité, en faisant en sorte qu’aucun dérapage grave ne survienne. Il a affiché sa fermeté. Il aurait pu se montrer plus fort et aller plus vite encore, mais au risque de créer des débordements. Je trouve qu’il se comporte avec une sorte de force tranquille remarquable. 

« Le PS est devenu un parti de bastions locaux. Il n’est plus un parti de gouvernement. 

Quel regard portez-vous sur le projet de loi asile-immigration ? 

Je crois que Gérard Collomb est réellement prêt à faire des concessions pour mieux accueillir ceux qui doivent l’être et renvoyer ceux qui doivent être renvoyés. Ce sont des mesures fortes. 

La plupart des socialistes jugent ce texte liberticide. Comprenez-vous pourquoi, en tant qu’ancien membre du parti ? 

Ils se cherchent un positionnement et veulent clairement se positionner dans l’opposition. Ils tentent en quelque sorte de retrouver une virginité. Mais si l’on regarde ce qu’on a voté dans les années précédentes, notamment sous le gouvernement de Manuel Valls, on voit bien que la gauche a su se montrer ferme. Elle tente aujourd’hui de retrouver une partie de son électorat. Je pense que le PS est devenu un parti de bastions locaux. Il n’est plus un parti de gouvernement. 

Vous considérez-vous toujours comme un homme de gauche ? 

Bien sûr. Je suis plus que jamais déterminé à soutenir les réformes que le chef de l’État a annoncées. Pour l’heure, nous sommes impopulaires parce que nous voulons réformer. Je crois qu’il faut se projeter à la fin de ce quinquennat. Si, dans quatre ans, le taux de chômage diminue, le budget est à l’équilibre, le travail paye mieux et si les jeunes retrouvent un ascenseur social, alors le gouvernement aura sauvé le pays. 

 

Propos recueillis par Capucine Coquand 

@CapucineCoquand

 

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