Le directeur général de Total Energy Ventures veut coller à l'innovation, risques compris.
Décideurs. Quelle est l’histoire de Total Energy Ventures ?
François Badoual. Nous sommes arrivés en 2008 sur le marché du corporate venture cleantech, et cela de façon modeste, avec un premier ticket dans un des fonds de Demeter Partners. Aujourd’hui, Total Energy Ventures prend des participations dans des start-up innovantes du monde de l’énergie. Nous avons déjà réalisé dix-sept investissements pour des montants respectifs variant de un à dix millions d’euros. Pour se développer, les start-up ont différents moyens : jusqu’à un ou deux millions d’euros elles disposent du love money, puis des business angels. Cependant, les innovations industrielles nécessitent plus de capitaux. Pour lever des fonds de plusieurs dizaines de millions d’euros, les banques se font rares, parce qu’elles n’ont plus forcément la capacité de prendre ce type de risque. C’est là que le capital-risque d’entreprise entre en jeu. Nous accompagnons les start-up d’abord financièrement, mais également dans leur mise en relation avec des investisseurs. Nous mettons à leur disposition des canaux commerciaux et la possibilité de partenariats de recherche et développement. L’idée est de permettre à la start-up de sortir de sa chrysalide et de se transformer en papillon. Nous sommes fiers chez Total Energy Ventures de les accompagner dans cette aventure, d’être un accélérateur. Nous cherchons à le faire dans le respect de la personnalité et des intérêts de la start-up.

Décideurs. Quelle stratégie mettez-vous en œuvre pour découvrir de nouveaux talents de l’industrie ?
F. B. Notre équipe fonctionne comme un véritable fonds d’investissement avec un petit plus : la chance d’être chez Total et de profiter de son environnement. Sur le sourcing de notre deal-flow, nous avons établi un système d'évaluation très sélectif, avec des critères financiers et stratégiques. Ces entités doivent être en phase avec les intérêts de notre groupe. Le but est de créer, entre autres, des relations entre la start-up et les différentes entités de Total. C’est un investissement « gagnant-gagnant », car pour Total ces collaborations font souffler un vent frais. Nos équipes s'inscrivent dans une démarche d’open innovation. En un mot, notre stratégie, c’est de vivre avec la start-up. Notre ambition est de devenir une référence internationale en matière de financement des innovations dans l’énergie. Total Energy Ventures devient également un stimulateur d’innovation en interne, en anticipant les mutations et en permettant aux métiers d’évoluer dans la pratique et dans la manière de voir le monde… La clé du corporate venture pour étudier une opportunité, c’est d’aller trouver les bonnes personnes, de s’assurer que le business plan tient la route et que le management est solide. Le corporate venture a non seulement un rôle de veilleur du marché, mais doit aussi cultiver l’ambition d’être défricheur et visionnaire.

Décideurs. Avez-vous mis en place des synergies avec le département fusion-acquisition de Total ?
F. B. Total Energy Ventures fait, en quelque sorte, du « pré-fusions-acquisitions ». Nous travaillons avec l’environnement du M&A et nous sommes proches de leurs services juridiques, mais nos objectifs d’investissement/désinvestissement sont très différents. Contrairement au M&A où, compte tenu des montants en jeu, la maîtrise des risques est recherchée, le corporate venture offre plus facilement le droit à l’erreur. Notre écosystème est, par nature, très incertain, et nous avons donc la liberté de nous tromper, d’apprendre en expérimentant.

Décideurs. En pratique, comment se traduit l’accompagnement des start-up ?

F. B. Comme dans une catalyse, nous cherchons à maximiser la surface de contact. Nous mettons en place des comités techniques qui permettent à nos experts de participer à différentes étapes de la vie des entreprises que nous accompagnons. Nous pouvons également envisager différents programmes : certains relèvent de recherche et développement conjoints, d’autres concernent des pilotes ou des plans de développement communs. Une palette d’options se trouve à la disposition des start-up afin de répondre à leurs besoins. Pour notre part, l’objectif est de faciliter et d’accélérer leur développement. La pérennité de notre activité vient de la capacité à montrer que nous sommes rentables et à créer de la valeur – financière et stratégique.

Décideurs. Quel bilan tirez-vous à ce jour de votre activité ?
F. B. Nous avons la chance que les dix-sept investissements réalisés par notre équipe soient tous encore actifs. Quant aux entreprises qui traversent des turbulences, nous essayons de les épauler dans la mesure du possible, car c’est le sens de notre participation : les accompagner. Avec les start-up, la route n’est pas toujours facile, mais des histoires extraordinaires, et toutes différentes les unes des autres, peuvent s'écrire. Nous avons réalisé en début d’année une belle sortie avec Nano H2O, société à Los Angeles qui produit des membranes efficaces de dessalement d’eau de mer. Nous avons accompagné cette start-up qui a été rachetée 200 millions de dollars. Cela représente pour Total Energy Ventures l’équivalent de deux fois la mise.

Propos recueillis par Camille Drieu et Mathieu Marcinkiewicz
Retrouvez également cet entretien dans notre édition 2014 du hors-série capital investissent

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