Pénaliste connu et reconnu, l’avocat Francis Szpiner, devenu notamment expert en matière de lutte contre le terrorisme, est candidat aux législatives sous la bannière Les Républicains dans la 11e circonscription de Paris.

Décideurs. Pourquoi vous êtes-vous lancé dans cette campagne législative ?

Francis Szpiner. L’Assemblée qui sera constituée au lendemain du 18 juin s’annonce d’ores et déjà atypique. À l’heure où la vie politique connaît un grand bouleversement, je pense qu’il est important de prendre ses responsabilités. Je crois même que c’est un devoir. Ayant participé au Rassemblement pour la République et appartenant à la famille gaulliste, je me suis naturellement porté candidat avec Les Républicains, même si je le reconnais : c’est une étiquette plus difficile à porter que d’autres.

 

C’est-à-dire ?

La logique des institutions fait que les Français veulent donner une majorité au Président élu. Cela complique forcément notre campagne. Le succès d’Emmanuel Macron est un scénario auquel nous n’aurions pas cru il y a un an. Tout cela bouleverse notre stratégie électorale. Certaines circonscriptions que nous pensions ancrées à droite risquent de basculer vers La République en marche. Nous remarquons aussi un « dégagisme » très prononcé. Mais je crois que les candidats des temps difficiles sont les plus honorables.

« Je crois que les candidats des temps difficiles sont les plus honorables »

Face à Emmanuel Macron, la droite est aujourd’hui divisée. De quel côté vous situez-vous ?  

La situation est complexe. D’un côté, il y a ceux qui voudraient se replier sur une droite pure et dure d’opposition. Je crois que ce serait une erreur. De l’autre, il y a ceux qui prônent tellement la bienveillance vis-à-vis de la majorité qu’on se demande pourquoi ils sont encore chez nous. Mais nous sommes aussi plusieurs à simplement penser qu’il n’y a pas de raison de s’opposer à une loi si celle-ci va dans notre sens. Il ne faut pas oublier que l’opposition est avant tout là pour faire des contre-propositions et suggérer de modifier un texte sur tel ou tel point.  

 

Que pensez-vous justement de la réforme de la moralisation de la vie publique portée par le garde des Sceaux ?

Je pense que François Bayrou commet une grave erreur de méthode. Nous sommes tous conscients qu’il faut rétablir la confiance entre politiques et citoyens. Mais la réforme qu’il prévoit de porter est précipitée. Je crois qu’il aurait fallu prendre le temps de créer une commission avec des magistrats, des représentants d’ONG, des membres de la Cour des comptes, des avocats, des sociologues... Un groupe qui aurait travaillé de façon transparente et publique pour aboutir à des propositions concrètes. On aurait ainsi pu avoir un débat très riche donnant lieu à une grande loi de consensus.

« Nous sommes plusieurs à simplement penser qu’il n’y a pas de raison de s’opposer à une loi si celle-ci va dans notre sens »

Quelles mesures rejetez-vous particulièrement dans ce projet ?

L’interdiction de cumuler trois mandats successifs n’a par exemple pas de sens. Je comprends les soupçons d’impunité qui peuvent peser sur des parlementaires élus depuis près de vingt ans. Mais obliger un député à céder sa place alors qu’il est compétent affaiblit le pouvoir. Il est important que certains élus puissent témoigner de ce qui a été débattu il y a plusieurs dizaines d’années. L’administration doit conserver sa mémoire. Je suis également opposé à la suppression de la Cour de justice de la République, car je crois les parlementaires mieux placés que les magistrats pour apprécier la portée d’un acte politique. Sur d’autres sujets, je trouve en revanche que la réforme ne va pas assez loin. Elle ne prévoit notamment rien sur le statut de l’élu.

 

Y a-t-il un sujet en particulier dont vous vous emparerez si vous rejoignez les bancs de l’Assemblée nationale ?

La lutte contre le terrorisme me tient particulièrement à cœur. Pendant près de vingt-cinq ans, j’ai été l’avocat de SOS Attentats, une association avec laquelle nous avons fait progresser le droit des victimes. J’ai également connu des procès comme celui contre le terroriste Carlos ou le mouvement armé Action directe. Je crois que notre pays va être confronté à un terrorisme de longue durée. Sur ce sujet, la France doit franchir une nouvelle étape, sans perdre de vue ses valeurs fondatrices. Je suis totalement opposé à une sorte de Guantanamo à la française. Face à la menace, la justice doit être en première ligne. L’État de droit est la meilleure des réponses.  

 

Propos recueillis par Capucine Coquand

@CapucineCoquand

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