Alors que les secteurs des soins et du médico-social sont en première ligne, les bâtiments jouent un rôle de support crucial dans cette crise sanitaire. Filippo Monteleone, président fondateur de CAREIT, explique à Décideurs comment les différents chaînons de l’immobilier de santé s’adaptent. Il partage également sa réflexion sur le moyen terme.

Décideurs. Quel est l'impact à date de cette crise sanitaire et du confinement sur votre activité ?

Filippo Monteleone. CAREIT intervient dans les secteurs de la santé et du médico-social par le biais du private equity et du Real Estate. Dans le cadre de nos activités immobilières, nous accompagnons les investisseurs dans leurs acquisitions, assurons des missions d’asset & property management comme celle que nous réalisons sur 80 actifs pour le compte de Primonial REIM, et intervenons comme AMO/Promoteurs sur la partie construction-restructuration. Nos 25 collaborateurs ont été mis en télétravail quand le confinement a commencé. Nous continuons à assurer nos missions en matière d’investissement, même si le rythme des opérations a ralenti et qu’il est plus compliqué de réaliser les visites et audits techniques. Nous avons néanmoins signé récemment une acquisition en France. Pour ce qui concerne l’asset & property management, nous essayons de solliciter le moins possible les exploitants des cliniques privées et des maisons de retraite que nous gérons car ils doivent pouvoir totalement se concentrer sur la lutte contre le virus. Quant aux chantiers de construction et de restructuration, ils reprennent graduellement après avoir été totalement arrêté au début du confinement.

La solidarité est le leitmotiv des professionnels de l'immobilier depuis le début du confinement. Comment cela se matérialise-t-il au sein de votre activité ?

Nous sommes proches de nos locataires et de nos clients dans cette période difficile. Cela signifie que nous décalons au maximum les problèmes administratifs et de gestion tout en étant à l’écoute de leurs besoins. CAREIT a été fondée par d’anciens exploitants de cliniques et de maisons de retraites, nous comprenons donc parfaitement les problématiques opérationnelles. Nous poursuivons notre activité d’investissement afin d’assurer les besoins en capitaux de ce secteur. Nous devons néanmoins être créatifs pour réussir à conclure des opérations en ce moment. En parallèle, nous contribuons au dialogue entre les propriétaires et les locataires, apportons de la flexibilité pour mettre en place des mesures d’accompagnement, notamment d’ordre financier, et répondons à tous les besoins d’information dont les investisseurs ont besoin afin de prendre les bonnes décisions. Dernier point, l’ambiguïté de l’Etat sur le sujet des chantiers du BTP a mis toute la filière de la construction en difficulté. Nous avons fait jouer au maximum nos capacités de trésorerie pour soutenir les entreprises qui interviennent sur nos projets tout en gérant les attentes et revendications des investisseurs et des futurs utilisateurs quant aux délais et surcouts.

Quel regard portez-vous sur l’action du gouvernement français dans cette situation de crise sanitaire ?

Je travaille dans le domaine de la santé depuis vingt ans et je participe à plusieurs instances de réflexion sur le sujet. De plus, je suis italien et je viens de Bergame, un des principaux foyers de Covid-19 dans mon pays d’origine. J’ai donc observé avec attention ce qu’il s’est passé de l’autre côté des Alpes. L’Italie a été touchée une dizaine de jours avant la France mais le gouvernement d’Edouard Philippe a tardé à réagir. La décision de maintenir le premier tour des élections municipales a également été une erreur. Concernant le secteur de la santé en particulier, la France se concentre depuis plusieurs années sur les soins les plus complexes au lieu de mettre l’accent sur la prévention. Résultat : nous nous sommes retrouvés à gérer des problématiques de réanimation en urgence plutôt qu’à gérer la crise en amont comme en Allemagne ou en Corée du Sud, pays qui s’en sortent mieux dans la lutte contre le virus. Les stocks de masques insuffisants, notre capacité à les produire ainsi que les tests, combinés à l'ambiguïté initiale de leur utilisation massive, ont contribué à une gestion de crise complexe. Enfin, le gouvernement a concentré ses efforts sur l’hôpital public, oubliant pendant plusieurs semaines le secteur privé qui aurait pu aider bien davantage.

Comment préparez-vous le déconfinement ?

Il reste beaucoup d’incertitudes autour de ce déconfinement. Mais l’économie doit repartir, tout comme la vie sociale car beaucoup de personnes commencent à souffrir physiquement et psychologiquement. Chez CAREIT, nous continuerons à télétravailler au maximum et à limiter les contacts physiques. Concernant nos chantiers, ils commencent à redémarrer avec des demandes plus ou moins légitimes sur l’allongement des délais et les surcouts. Nous poursuivrons la politique mise en place depuis mars en matière d’asset & property management. Nous pourrons simplement réaliser à nouveau des visites et des dues diligences tout en veillant à ne pas perturber l’agenda des exploitants. L’horizon du déconfinement réel sera néanmoins plutôt 2021 que 2020.

Dans quelle mesure cette crise sanitaire pourrait faire évoluer à moyen terme votre stratégie et les grands principes de fonctionnement du secteur de l'immobilier de santé selon vous ?

La santé a un bel avenir dans la nouvelle équation sociétale qui va se mettre en place. Nous avons pu constater à quel point il était important de disposer d’hôpitaux et de cliniques modernes qui peuvent s’adapter aux crises sanitaires. Le réseau d’hébergements des personnes âgées dépendantes doit également être remis à niveau pour répondre aux attentes de nos aînés. Le gouvernement va d’ailleurs devoir rapidement traiter la question du cinquième risque qui couvrira les risques liés à la dépendance. Il sera également attendu sur la revalorisation des salaires et des carrières du personnel soignant. L’immobilier aura un rôle important à jouer dans cette transformation du secteur et deviendra une classe d’actifs au cœur des préoccupations de tous. CAREIT participera pleinement à cette évolution.

Propos recueillis par François Perrigault (@fperrigault)

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